mardi 13 septembre 2011

Marie Curie et ses filles, Lettres,

Les lettres de Marie Curie et de ses filles.
Cette correspondance entre mères et filles éminemment scientifiques  et célèbres  ne présente ici que les lettres les plus familiales et affectueuses, celles   privilégiant la collaboration  scientifique  entre Marie et Irène ayant déjà été publiées auparavant.

Les lettres échangées sont celles d’une famille  comme les autres où la mère écrivait presque chaque jour à ses filles lorsque les vacances les éloignaient car c’est surtout alors qu’elles se séparaient, Marie Curie restant travailler à Paris avec l’ardeur et le succès que l’on sait mais obligeant ses petites filles à prendre le bon air au bord de la mer en Bretagne, à l’Arcouest, près de Paimpol où se retrouvaient de nombreux intellectuels antidreyfusards. Elle-même, plus tard, quand sa santé déclinera, prendra l’habitude d’aller se baigner pour profiter du soleil à Cavalaire, alors qu’Irène soignera son début de tuberculose, en allant skier dans les Alpes. Sport et grand air, voilà une des règles d’hygiène de la famille et j’ai été très étonnée, en découvrant que très jeunes encore, les deux jeunes filles marchaient facilement de Paimpol à Guingamp, ou de Paimpol au château de la Roche-Jagut, aller et retour sans peine,  soit des «promenades à pied» d’une quarantaine de kilomètres en une  journée.

Les premières lettres commencent en 1906,  après la mort de Pierre Curie, renversé par une voiture à cheval. Irène a neuf ans et Ève moins de deux ans. Marie Curie écrit alors à son amie d’enfance :
«Ma vie est saccagée de telle sorte qu’elle ne s’arrangera plus…Je désire élever mes enfants le mieux possible, mais même elles ne peuvent réveiller la vie en moi. Je fais de grands efforts pour qu’elles deviennent solides et bien portantes.»
On assiste à l’évolution des enfants si différentes l’une de l’autre, Irène suivant les traces de sa mère tandis qu’Eve devient pianiste puis journaliste. Les deux scientifiques, la mère et la fille aînée,  mourront toutes les deux de leucémie aiguë, due à leur travail, on le sait maintenant,  Marie en  1934, à soixante sept ans et Irène Joliot-Curie, en 1956, à cinquante neuf ans. Ève Labouisse-Curie,  quant à elle, mariée à un Américain et habitant New York, vivra cent trois ans jusqu’en 2007. 


Au fil des lettres, on s’aperçoit combien Marie Curie était restée simple et discrète malgré tous les honneurs qu’elle recevait. 
Ainsi en 1925, à Berlin, elle déplore, à la descente du train, les grandes manifestations d’accueil en son honneur:
«Il me semble que le fait d’acclamer de cette manière a en lui-même quelque chose qui n’est pas à recommander, quel que soit l’objet de la manifestation. Je ne vois cependant pas clairement comment on devrait procéder et à quel degré il devrait être permis de confondre la personne avec l’idée qu’elle représente.»
Au passage, sans jamais s’étendre, elle remarque, à Genève, en juillet 1928:
 «Einstein n’est pas ici et la raison en est qu’il est malade ; son cœur fonctionne mal. J’en suis très peinée, d’abord pour lui, ensuite parce que cela me prive de sa société sur laquelle je comptais.» 
De New York où elle se trouve,  en octobre 1929,  pour récolter des fonds  pour une œuvre, elle déplore une fois de plus :
«Je n’aime pas être si loin de vous et je n’aime pas me sentir un objet de curiosité quoique bienveillante.»  
En1930, à Ève devenue une amie de Colette, elle indique:
«J’ai reçu le livre de Colette et t’en remercie. J’ai commencé à le lire et le trouve beau. Il est curieux à quel point il lui faut des souvenirs personnels pour tirer d’elle  ce qu’elle peut donner de mieux. Son imagination est uniquement descriptive, mais dans cet ordre d’idées c’est vraiment unique. C’est, d’ailleurs, aussi peu intellectuel que possible. Il ya une relation très directe entre l’impression sensuelle et l’expression extérieure.» (Il s’agissait de Sido) 
Enfin, tout n’était pas toujours rose entre sa dernière fille et Marie. Voici ce qu’elle lui écrivait en 1932, inquiète alors de la vie qu’elle menait:
«Ma petite enfant, je souhaite que tu en aies fini au plus tôt avec les inquiétudes et les préoccupations et que tu organises ta vie d’une manière plus calme et plus raisonnable. Peut-être ne saurais-je pas bien t’expliquer en quoi consiste le bonheur, mais il n’est certainement pas dans le drame, et il y a bien assez de cet élément autour de nous, même quand nous ne le cherchons pas. Je crois que je passerai le restant de mes jours dans une crainte constante de l’imprévu qui nous guette pour nous accabler.»
J’ai passé un bien agréable moment avec cette famille, dont les joies et les peines exprimées dans cette correspondance sont très actuelles  et très proches des préoccupations  mères et filles d’aujourd’hui, sauf que désormais qui écrit encore des lettres manuscrites? 

Marie Curie et ses filles, Lettres, (Pygmalion,  2011, 417 pages) par Hélène Langevin-Joliot et Monique Bordry

24 commentaires:

  1. Ta critique donne très envie de lire ce recueil de lettres!!!!

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  2. Oh merci Mango, je vais chercher ce livre.

    Alba

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  3. Cela a dû être une lecture intéressante de découvrir cette grande dame restée si simple.

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  4. Joli billet qui donne très envie !

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  5. que voilà un joli billet, mango, qui me donne envie de lire ce livre aperçu tout récemment en librarie

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  6. Je n'avais pas connaissance de cette correspondance, je la note, elle m'intéresse.

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  7. Voilà un livre qui devrait me plaire... Merci pour ce beau billet...

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  8. passionnant, je le note car une j'aime les correspondances et puis j'aime ce personnage de Marie Curie, as tu lu un roman très sympas chez Actes sud : Blanche et Marie j'ai bien aimé

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  9. Ce livre je le note, car il va j'en suis certain beaucoup me plaire et plaire également à mon entourage.

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  10. Ce qui fascine avec les génies, souvent, c'est leur simplicité, leur humanité...

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  11. chrys, je les ai trouvées apaisantes et encourageantes à la fois.

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  12. Alba, il est sorti récemment et il est bien agréable.

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  13. Alex, une mère comme les autres avec ses filles mais qui, malgré tout, leur donnait des cours en plus de tout son énorme travail. C'était vraiment une femme courageuse.

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  14. lewerentz, tant mieux. C'est une femme digne et admirable.

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  15. niki, Enfin, une héroïne mais une vraie!

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  16. Aifelle, une existence des plus positives à donner comme exemple à la jeunesse au lieu des pacotilles actuelles.

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  17. Marine Rose,si on aime les personnes très humaines qui savent rester simples, on ne peut qu'aimer ces lettres

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  18. Elisabeth, un livre qui fait du bien.

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  19. Dominique, tu aimerais, j'en suis sûre.

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  20. dimitri, un livre simple et chaleureux, qui nous rappelle des souvenirs de tout le siècle passé.

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  21. le blÖg d'Ötli, c'est peut-être même ce qui les caractérise.

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  22. Des lettres, des femmes hors du commun, voici qui a de quoi donner envie de lire cette correspondance, d'autant plus que je ne connaissais rien de la vie de cette famille...

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  23. maggie, moi non plus, je ne connaissais rien de leur vie et ce que j'aime c'est que ces lettres nous les font connaître dans leur intimité familiale et c'est très chaleureux.

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