lundi 31 août 2009

Loin des bras de Metin Arditi



A la fin de l’année 1959, dans un pensionnat suisse très renommé pour fils de riches familles, un drame se joue à la suite du décès du directeur. La faillite menace l’établissement, désormais aux mains de Mme Alderson, la femme du propriétaire et de sa sœur jumelle qui tient l’économat. Des désistements ont lieu à la rentrée de septembre et un repreneur américain veut racheter l’Institut. Les professeurs sont inquiets et craignent de n’être pas repris. Chacun d’ eux traîne un lourd secret qui le fragilise et l’enferme dans la solitude ! Aucun ne se livre. Tous doivent faire bonne figure. Il en est de même d’ailleurs pour les élèves qui ne voient que très peu leurs parents. «Loin des bras» est un livre sur la solitude dans les grands pensionnats d’après guerre, dans ces grandes institutions où il est de bon ton de cacher son homosexualité, ses opinions politiques ou religieuse extrémistes, ses deuils impossibles à faire, ses vices comme celui du jeu, son sentiment d’avoir été abandonné.

A l’occasion de ce probable changement de propriétaire cependant, les langues se délient et des attirances se créent. De nouveaux drames naissent aussi, plus ou moins feutrés jusqu’aux derniers très surprenants. La fin du récit est particulièrement réussie, je trouve.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Vera, la mère en deuil de son fils qui reporte sa tendresse sur un de ses élèves adolescents et surtout Gülgül, un ancien mignon turc du sultan devenu professeur de sport et de danse, toujours joyeux et optimiste, qui dynamise un peu ce petit monde angoissé et solitaire.

Les chapitres sont courts et on n’a pas le temps de s’ennuyer à la lecture de ces 426 pages. L’auteur est très doué pour intéresser constamment son lecteur. J’ai beaucoup aimé ce livre que j’ai eu la chance de gagner au jeu de la Pal d’ Esmeraldae que je remercie à nouveau !

Loin des bras de Metin Arditi (Actes Sud, 2009, 426 pages)

L'auteur, né à Ankara, vit à Genève. Ingénieur en génie atomique, il a enseigné à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il a écrit plusieurs romans dont "La fille des Louganis" en 2007

Couverture: Alma-Tadema, Cherries, Musée d'Antwerpen.

dimanche 30 août 2009

Mes deux filles de Victor Hugo. Mon dimanche poétique


Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,
L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,
Belle, et toutes deux joyeuses, ô douceur !
Voyez, la grande sœur et la petite sœur
Sont assises au seuil du jardin, et sur elles
Un bouquet d'œillets blancs aux longues tiges frêles,
Dans une urne de marbre agité par le vent,
Se penche, et les regarde, immobile et vivant,
Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,
Un vol de papillons arrêté dans l'extase.


Mes deux filles de Victor Hugo (1802-1885) (La terrasse, près d'Enghien, juin 1842)
(William- Adolphe Bouguereau, 1901, Huile, Lawrence University)


vendredi 28 août 2009

Petit jeu de fin d'été,vos titres et vous

Entre deux lectures de gros pavés pour le 1% littéraire de la rentrée, voici un nouveau petit jeu qui m'a bien divertie tout en me rappelant les titres lus et commentés depuis l'ouverture du blog ce printemps.


Je l'ai trouvé chez Calypso qui l'a trouvé chez Ankya qui dit l'avoir vu chez Virginie qui avoue l'avoir repris à Nicole B et là je me suis perdue sur un terrain anglo-saxon!



Décris-toi : Une fille formidable

Comment te sens-tu : La meilleure part des hommes

Décris là où tu vis actuellement : Dans la mansarde de Mrs K

Si tu pouvais aller n'importe où, où irais-tu : En Arles où sont les Aliscams

Ton moyen de transport préféré : Le boulevard périphérique

Ton / ta meilleur(e) ami(e) est : Auprès de moi toujours

Toi et tes amis, vous êtes : Ailleurs

Comment est le temps : L'été en flammes

Ton moment préféré de la journée : Les saisons de la nuit

Qu'est la vie pour toi : L'avant-dernière chance

Ta peur : Les Monstres de Templeton

Quel est le meilleur conseil que tu as à donner : Vivre à propos

Pensée du jour : Et que le vaste monde poursuive sa course folle

Comment aimerais-tu mourir : Comme une chanson dans la nuit

La condition actuelle de mon âme : De grâce et de vérité


Divertissement terminé! Le reprenne qui veut!

jeudi 27 août 2009

Et que le vaste monde poursuive sa course folle de Colum McCann

Le 7 août 1974 un funambule glisse au-dessus des gratte-ciel de New York, sur un câble tendu entre les Twin Towers, les tours détruites 27 ans plus tard par les avions du 11 septembre mais naturellement seuls les lecteurs le savent. Les habitants du Bronx et ceux de Manhattan, eux, s’étonnent et s’interrogent au sujet de cet homme vêtu de noir, si minuscule dans le ciel qu’on finit par l’observer avec des jumelles. La plupart croient à un suicide et attendent sa chute. Certains pensent à une exhibition de cirque ou à une illusion d’optique. Toute la journée, New York bruit de cette nouvelle. Toutes les actions du roman tournent autour de cette marche silencieuse, périlleuse et incongrue et finissent par se rejoindre dans cette métropole si affairée !
Au début l’auteur semble avoir choisi des personnages très opposés et très éloignés les uns des autres, sans rapports d’aucune sorte, mais un des intérêts du récit tient à la surprise de découvrir les liens qu’ils ont en réalité entre eux. Tout converge à la fin et l’on découvre que ce que l’on pensait secondaire était en réalité très bien préparé et nécessaire. Ce n’est pas pour rien que l’éditeur parle de "roman polyphonique".
Il n’a pas fallu que je me force beaucoup pour aimer ce nouveau roman de Colum McCann . Je l’ai même préféré aux Saisons de la nuit que j’avais pourtant déjà beaucoup aimé aussi.
Ce livre vient de recevoir le Prix littéraire Lucien Barrière du Festival du Cinéma américain de Deauville, composé de Frédéric Beigbeder, Gilles-Martin Chauffier, André Halimi, Jean-Claude Lamy, Eric Neuhoff et Gonzague Saint-Bris. L’auteur sera présent à Deauville, pour recevoir son prix, le jeudi 11 septembre


Résumé plus détaillé.
"Tous mes hommages au ciel, j’aime mieux rester ici ». Loin de la légèreté virevoltante de l’homme sur le fil, ce titre du premier chapitre évoque le choix si lourd de conséquences fait par Corrigan, un prêtre-ouvrier irlandais, entré dans les ordres où il a fait vœu de pauvreté et de chasteté et entièrement dévoué aux prostituées et aux petits vieux d’une maison de retraite du Bronx où il vit. Victime d’un attentat à Dublin, son frère aîné le rejoint et c’est lui le narrateur de ce chapitre où il apprend enfin à mieux connaître ce frère étrange, un temps drogué et alcoolique, puis en marche vers une certaine forme de sainteté et choisissant en fin de compte l’amour terrestre avant son stupide accident de voiture au côté de Jazzly, une des jeunes prostituées qu’il protège. Le couple d’artistes hippies qui a provoqué l’accident s’est enfui mais Lara, la jeune femme, très culpabilisée, finit par se confier au frère du prêtre décédé. On les retrouvera une trentaine d’années plus tard, en Irlande, très heureux ensemble.
A l’opposé du prêtre et du Bronx, au dernier étage d’un gratte-ciel de Park Avenue, Claire Soderbeg, la femme de celui qui aura la charge de juger le funambule, à la fin de la journée, reçoit quatre autres mères ayant perdu comme elle des enfants au Vietnam La tension est extrême, la différence des milieux se fait sentir et l’emporte sur le chagrin commun, la vue du funambule à travers les fenêtres fait diversion et empêche Claire de parler de son fils au moment opportun. Elle se sent flouée et, très troublée et très seule, propose à Gloria qui, elle, a perdu ses trois fils, de rester chez elle comme employée, mais Gloria, petite fille d’esclave refuse par orgueil et l’abandonne à son désespoir. Elle sera à son tour la narratrice de la même réunion des mères et son point de vue métamorphose l’histoire. Plus tard, le destin les rapprochera à travers les enfants abandonnés de la jeune prostituée, morte ce jour-là. Leur grand-mère aussi, Tillie, est une jeune prostituée d’une quarantaine d’années, condamnée à 8 mois de prison par le même juge Soderbeg, parce que son langage le choque alors qu’il graciera le funambule car il le distrait ou plutôt il ne le condamnera qu’à payer 1 cent par étage, or comme il y en a 110, il devra en tout et pour tout s’acquitter de 1 dollar 10, ce qui est ressenti comme une grande injustice par les autres condamnés ! On apprend aussi que c’est à l’aide d’une flèche et d’un arc que le câble a été lancé d’une tour à l’autre par un ami de Philippe Petit.
D’autres personnages moins importants apparaîtront encore dont Fernando Yunquez Marcano, le jeune photographe rendu célèbre par la fameuse photo de Philippe Petit sur son fil entre les deux tours. C’est celle de la couverture du livre.
Le récit se termine en octobre 2006, par une rencontre dans un avion qui se dirige vers New York où l’on retrouve les descendants de certains protagonistes et nous comprendrons enfin certaines vérités qui nous avaient échappé jusque là. Le mécanisme des rapports humains, des secrets et des non-dits se mettra en place et le lecteur ne peut que soupirer avec l’auteur : «Et que le vaste monde poursuive sa course folle". Tant de virtuosité mêlée à tant d’émotion m’a éblouie.
Ont parlé de ce livre: Ys qui ne l'a pas aimé et Pierre Maury qui "ne regrette pas d'avoir passé quelques heures inoubliables en la compagnie des personnages".
Ce livre est le premier lu dans le cadre du 1% de la rentrée littéraire
Et que le vaste monde poursuive sa course folle de Colum McCann (Belfond, 2009, 431 pages, traduit de l’anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre)
Titre original : Let the great world spin

mardi 25 août 2009

Matilda's contest troisième challenge littéraire

Quand on aime les jeux, les défis et les challenges, on ne compte pas ! Me voici donc inscrite dans une nouvelle aventure, proposée par Raisons et Sentiments, reprise par Cécile, puis Restling, et enfin je l’ai vue aussi chez Hathaway, mais l’idée vient seulement d’être lancée et les rangs vont sûrement grossir ! Je trouve que ce Matilda’s contest équilibrera les deux autres challenges de l’année, celui des Nouveautés du 1% littéraire et celui des livres un peu oubliés ou simplement assoupis dans ma PAL. Objectif Pal Les livres à lire dans le Matilda’s contest sont des classiques. J’en ai déjà lu 8 (indiqués par un *) Je les relirai avec plaisir pour en faire un billet.

Voici le principe :

Extrait de Matilda de Roald DAHL: "Au cours des six mois suivants, sous l'œil ému et attentif de Mme Folyot, Matilda lut les livres suivants :

Nicholas Nickelby, de Charles DICKENS

Oliver Twist, de Charles DICKENS *

Jane Eyre, de Charlotte BRONTË *

Orgueil et Préjugés, de Jane AUSTEN *

Tess d'Uberville, de Thomas HARDY

Kim, de Rudyard KIPLING

L'Homme invisible, de H.G. WELLS *

Le Vieil Homme et la Mer, d'Ernest HEMINGWAY *

Le Bruit et la Fureur, de William FAULKNER *

Les Raisins de la colère, de John STEINBECK *

Les bons compagnons, de J.B. PRISTLEY

Le rocher de Brighton, de Graham GREENE

La ferme des animaux, de George ORWELL *

C'était une liste impressionnante et Mme Folyot était maintenant au comble de

l'émerveillement et de l'excitation, mais sans doute fit-elle bien de ne pas donner libre

cours à ses émotions. Tout autre témoin des prouesses littéraires d'une si petite fille se

serait sans doute empressé d'en faire toute une histoire et de clamer la nouvelle sur les

toits, mais telle n'était pas Mme Folyot."

Les règles :

- Lire Matilda de Roald DAHL

- Lire tous les livres de cette liste

- Faire un article sur son blog vers l’article de Raisons et sentiments

- Pas de limite de temps (de 1 à 99 années)

- Faire si possible un article sur chaque livre lu

- S'amuser !

L’essentiel est dit : je vais m’amuser à lire ou relire ces classiques et ce sera délicieux ! Et plus on sera de fous mieux ce sera !

lundi 24 août 2009

Kafka sur le rivage de Haruki Murakami

Ce livre fait partie des quatre titres choisis dans le cadre du Blog-O-Trésors. J’en avais tellement lu de bien sur presque tous les blogs que je découvrais alors au début de cette année 2009 que j’étais sûre de l’aimer aussi ! Je suis pourtant au regret de reconnaître ne pas avoir accroché à ce long récit qui oscille sans arrêt entre le rêve et la réalité, le passé et le présent, les personnages à l’identité incertaine qui ne se rencontrent pas et les mythiques absents si encombrants. Je m’étais bien laissé embarquer dans l’histoire au début puis j’ai fini par me perdre, parfois je tombais sur un passage qui me plaisait mais sans vraiment pouvoir le raccrocher à l’histoire centrale si jamais il y en a une ! J’ai mis trop de temps à le lire et pour me divertir, j’ai lu d’autres livres en même temps que je finissais aussitôt quand celui-ci me tombait encore des mains si bien que je l’ai fini comme on se dépêche de terminer un pensum, sûrement pas dans les bonnes conditions !

Ce que je retiens : Deux personnages sont au centre de l’histoire : Kafka Tamura et Nakata. L’un est jeune et s’enfuit de chez lui pour échapper à la malédiction qui le condamne à devenir un fils parricide et incestueux. L’autre est un vieillard qui n’a plus toute sa tête et erre sur les routes du Japon moderne en compagnie d’un routier qui se civilise à son contact

Tout est possible dans ce roman : les chats parlent, les poissons pleuvent, les vieilles femmes redeviennent jeunes filles, les morts revivent en esprits et les vivants deviennent parfois fantômes, des soldats d’une guerre datant de plus d’un demi siècle errent encore dans les forêts, bref je ne doute pas que tout cela puisse apparaître comme très poétique mais je ne l’ai pas ressenti ainsi, sans doute suis-je trop rationnelle ! Dommage !

La seule chose que j’ai vraiment aimée, c’est l’importance des bibliothèques, seuls vrais refuges du jeune garçon pendant sa fugue, lieu des rencontres importantes et dernier regret du vieillard mort sans avoir pu apprendre à lire et dont «la dernière chose qu’il avait faite dans sa vie ç’avait été de brûler des lettres. Il avait propulsé tous ces mots, qui emplissaient des pages et des pages, vers le néant. Quelle ironie du sort ! »

Si nombreux sont les blogs qui présentent ce livre que je préfère m’abstenir de les nommer.

Kafka sur le rivage de Haruki Murakami (Belfond, 618 pages, 2003, traduit du japonais par Corinne Atlan)

dimanche 23 août 2009

Mon vieux de Thierry Jonquet


En 2003, l’été de la canicule, à Paris, dans le quartier de Belleville, se joue le sort de plusieurs déshérités qui se retrouvent plus souvent à la rue que dans leurs misérables logements. Plusieurs sont des clochards du métro qui passent leur temps à s’enivrer. Ils forment une cour des miracles version moderne ou encore la version misérable du chœur antique qui sert de caisse de résonance à la tragédie qui va se dérouler auprès d’eux.

Un peu plus chanceux, d’autres hommes essaient de ne pas sombrer malgré les circonstances malheureuses de leurs vies. La malchance les poursuit. Daniel Tessandier, pauvre mais locataire d’une chambre de bonne et manutentionnaire à l’occasion, perd à la fois sa chambre et son travail. Il se retrouve à la rue où il se met à dévaliser les vieilles dames du métro. Désoeuvré et à l’affût de tous les mauvais coups, c’est lui qui organise le chantage final.

Alain Colmont, le personnage principal, quant à lui, est un autre malchanceux de la vie. C’est un scénariste à succès qui a tout perdu avec la mort de sa femme et l’accident qui a défiguré sa fille unique. Il se ruine pour redonner à celle-ci un visage normal en la confiant au meilleur service chirurgical possible. Le pire arrive quand il retrouve son père disparu depuis son enfance et qui, depuis trois ans, est soigné pour la maladie d’Alzheimer, dans un hôpital parisien qui lui réclame 95 000 euros. Il est désespéré !

Arrive alors la canicule avec ses 15 000 morts. Les personnes âgées tombent comme des mouches. La tentation est grande d’en profiter pour faire disparaître ce père trop gênant. Osera-t-il provoquer sa mort ?

C’est à partir de ce moment-là que l’histoire s’emballe et devient très intéressante mais rien n’est aussi simple qu’il y paraît et on va de surprise en surprise.

J’ai donc plutôt bien aimé ce polar dur et réaliste même si j’aurais préféré un démarrage plus rapide de l’intrigue mais la description des foyers et des lieux parisiens susceptibles d’accueillir les sans logis m’a énormément impressionnée. Thierry Jonquet décrit très bien la montée sournoise et menaçante de la température en ces jours de fin juillet- août 2003 puis la canicule elle-même et surtout le silence inexplicable des autorités et des journalistes d’information quant à la détresse des services d’urgence des hôpitaux et des pompes funèbres totalement débordés par le nombre des morts.

Premières phrases : "A divers titres, les protagonistes de cette histoire eurent à méditer sur… ce qu’il est convenu d’appeler «la chance »… Chacun eut l’occasion d’échapper au sort qui lui était réservé. Au moment fatidique, tous prirent la mauvaise décision. »

Autre blog à en avoir parlé : celui de Véronique D

Mon vieux de Thierry Jonquet ( Editions du seuil, Policier, 2004, 388 pages)

En Arles de Paul-Jean Toulet


Dans Arle où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge sous les roses
Et clair le temps,

Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd,

Et que se taisent les colombes,
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.

Paul-Jean Toulet
 (Pau, 1867/ Guétary,1927)


Peinture de Gauguin: "Alyscamps"


Participent aussi aux"Dimanches poétiques": Celsmoon, Edelwe, Emmyne, Paradoxale,

samedi 22 août 2009

Autopsie d'une vengeance de Christian Querré


C'est avec enthousiasme que j'adhère à l'opération lancée par Antigone: Diminuons nos Pals!

Je n'ai pas encore eu le temps de compter mes livres à lire, mais je commence déjà à éliminer quelques anciens que je viens de retrouver, ensevelis sous un tas d'autres toujours plus nouveaux.

Et voici le premier, resurgi d' un autre été, dans une collection avec le triskell sur la couverture.

Autopsie d’une vengeance par Christian Querré ( Jean Picollec éditions,1984, 142 pages)

Au hasard d’une flânerie bretonne, voici un petit roman policier bien sympathique qui se déroule dans les Côtes d’Armor, de Saint-Brieuc à Paimpol, en passant par Binic.

Un homme, Gilles Guézennec, professeur de jeunes sourds, est anéanti par le meurtre de sa fille Lauriane et décide de la venger. Il profite d’une occasion – le suicide d’un homme sous ses yeux et avec son concours involontaire pour s’approprier non seulement l’identité du disparu – il s’appellera désormais Yvon Courcoux- mais encore son cadavre qu’il immergera au large, un soir de demi-lune et de grand vent après avoir échangé leurs alliances.

Le subterfuge réussit parfaitement : le corps, « méconnaissable » est récupéré neuf mois plus tard et Guézennec-Courcoux connaît la sensation rare d’assister à ses propres obsèques. Peu après il parvient à retrouver la trace du meurtrier de sa fille et une chasse acharnée commence qui engendrera bien des rebondissements.

Le tout est écrit avec beaucoup d’humour, sur un rythme rapide et teinté d’émotion. La fin est tout à fait surprenante et très réussie. J’ai bien aimé.

Ce livre se lit très vite J’ai dû le terminer en deux heures non stop.

Selon l’éditeur, l’auteur, né à Binic, en Bretagne, était lui-même professeur de jeunes sourds à Saint-Brieuc lorsqu'il écrivit ce texte.

Autopsie d’une vengeance par Christian Querré ( Jean Picollec éditions,1984, 142 pages)

vendredi 21 août 2009

Sexe, diamants et plus si affinités de Lauren Weisberger

Je suis belle, sexy, intelligente, riche, drôle, dynamique, dans le vent. J’ai fait de bonnes études. J’ai une famille heureuse protectrice, aimante mais qui me laisse libre. J’ai des succès masculins faciles quand je veux. Je sais m’habiller, me maquiller, selon les codes de la bonne société new yorkaise. Je connais par cœur tous les endroits tendances de Manhattan.

Je suis, je suis…

Une des trois héroïnes du troisième Best seller de Lauren Weisberger, après « Le Diable s’habille en Prada » et « People or not People » : « Sexe, diamants et plus si affinités ».

Emmy , la première, vient de perdre son mec et promet à ses amies que désormais elle sortirait avec le premier venu, pour le sexe uniquement et sans plus jamais s’attacher, Adriana, la superbe brésilienne , dévoreuse de jeunes mannequins musclés, fera le contraire et essaiera de s’attacher enfin sentimentalement , et la troisième, la parfaite Leigh, l’éditrice, à la veille de se marier à un amour de présentateur célèbre, que toutes les femmes lui envient mais dont elle ne se sent pas vraiment amoureuse, décide de consacrer tout son temps à son métier, qui se réduit, en l’occurrence, à Jesse, un écrivain à succès plutôt misanthrope.

C’est une de mes dernières lectures estivales et tout avait bien commencé : je les aimais bien ces trois jeunes trentenaires qui venaient de passer un contrat entre elles concernant leurs vies privées mais vers la fin de l’histoire, à la page 275 exactement, avant de commencer le chapitre : « Trois amants ne font pas une femme fatale », j’ai renoncé. Je devinais trop bien la suite : elles allaient devenir encore plus heureuses, plus sexy, plus riches, plus sûres d’elles et plus aimées. Leur avenir serait plein de promesses de bonheur, bref le happy end parfait, rose à souhait, dégoulinant de guimauve : non merci, je préfère éviter l’indigestion !

Mais je reconnais que j’étais à deux doigts d’apprécier cette lecture et j’aurais préféré cela : c’est un livre léger, enlevé, à la mode, jeune et dynamique, avec plein de bons sentiments à la clé , un livre pour filles , un succès commercial qui deviendra un film bientôt. Tant pis !

Un petit coup d’œil aux dernières phrases et je ferme définitivement ce livre qui n’est au fond qu’un Harlequin prolongé !

« -Arrête avec tes règles, Adriana. Garde ça pour tes fans plus jeunes, plus inexpérimentées. (…) Nous sommes désormais des expertes. Et on a appliqué les bonnes vieilles méthodes qui marchent.

Adriana fit mine de vouloir protester, mais se ravisa.

- Bon, d’accord, dit-elle en hochant la tête.

-A nous ! lança Leigh, en levant son verre.

Les filles entrechoquèrent leurs coupes, burent une gorgée et se sourirent. C’était peut-être la fin du pacte, mais quelque part, elles étaient toutes convaincues d’une chose : le meilleur était à venir. »

Sexe, diamants et plus si affinités… de Lauren Weisberger ( Fleuve noir, nov 2008, 364 pages, traduit de l’américain par Christine Barbaste) Titre original : Chasing Harry Winston

mercredi 19 août 2009

Impardonnables de Philippe Djian

Qui sont ces impardonnables qui entourent Francis, l’écrivain de 60 ans, le narrateur de cette histoire qui se déroule au pays basque, de nos jours ?

Tout commence par l’intuition du narrateur qu’Alice, sa fille chérie, actrice célèbre, mariée, deux enfants, ne sera pas au rendez-vous qu’elle lui a fixé sur un terrain d’aviation, et en effet, seuls descendent de l’avion ses deux petites filles et leur père qui lui apprend que sa femme a disparu depuis deux jours. Commence alors pour l’écrivain une véritable descente aux enfers. Non seulement il doit s’occuper des petites jumelles et suivre l’enquête qu’il confie à une détective privée, AM, une ancienne amie dont Jérémy, le fils drogué, sort à peine de prison, mais il éprouve aussi des doutes quant à la fidélité de Judith, sa deuxième épouse depuis douze ans. Il la fait suivre par Jérémy qui l’assure de sa fidélité malgré ses absences répétées, dues à son métier. Il repense aussi sans arrêt au drame vécu lors de la mort accidentelle de sa première femme et de sa fille aînée ainsi qu’aux problèmes de toutes sortes causés par Alice, sa seule fille désormais, mariée à un jeune drogué comme elle.

La disparition de celle-ci durera longtemps et le pauvre écrivain ira de désillusions en déboires de toutes sortes jusqu’à ce qu’il se remette à écrire mais le dénouement, inattendu dans sa noirceur, justifie davantage encore le titre donné par l’auteur à son propre roman. Tous impardonnables même lui ! Tous les personnages ont quelque chose à se reprocher. Tout acte, toute décision, tout sentiment peut mener à des drames ! Pour ne pas souffrir, il faudrait savoir rester magistralement indifférent. Si ce n’est pas le cas, tant pis pour soi !

Ai-je aimé cette lecture ? Pas vraiment, pas totalement ! J’éprouve certes de l’admiration quant à l’écriture très maîtrisée dans sa sécheresse. Philippe Djian utilise l’autodérision et l’émotion vite brisée par l’enchaînement des gestes et des actions. Il endigue ainsi la panique sous-jacente à l’horreur des situations toutes plus menaçantes les unes que les autres! Mais je ne suis pas friande de tant de distance, voire de froideur, mises entre le lecteur et les personnages. Ceux-ci me sont restés trop lointains, comme étrangers. Je n’ai pas sympathisé avec leur histoire !

Ont présenté ce livre également : Kathel, Cuné, Sylire, Yspaddaden, la lettrine, incoldblog, lily et sûrement d'autres liens encore

Je m'aperçois qu'il s'agit de mon 100ème billet et j'en suis étonnée et ravie à la fois!

Impardonnables de Philippe Djian (Gallimard, déc.2008, 233 pages)

lundi 17 août 2009

Sucré, salé, poivré de Mary Wesley

Hébé a été élevée par des grands parents exigeants qui la chassent lorsqu’elle se retrouve enceinte, très jeune, après un voyage en Italie. Elle et Silas, son nouveau-né, sont alors recueillis par Amy, une vieille dame indigne et délicieuse, ancienne courtisane et antiquaire à ses heures, qui les entoure d’affection. Hébé ne vit plus que pour donner à son enfant la meilleure éducation possible en le mettant dans un excellent internat privé. Sa vie dès lors se déroule entre son travail de cuisinière à domicile chez sa bienfaitrice et ses riches amies et les dons généreux de quelques admirateurs à la recherche de présence féminine. A son tour, elle devient courtisane ou femme libérée, ou prostituée selon le point de vue des uns et des autres. Sa vie lui semble satisfaisante malgré des moments de panique dus au souvenir de l’exclusion familiale. Tout change, l’été des douze ans de son fils, lorsque celui-ci est invité dans la famille très snob d’un ami de collège. Il s’y sentira humilié à plusieurs reprises, lui le bâtard. Il s’enfuira. A la suite de multiples péripéties, la vérité éclatera qui ne plaira pas forcément à la bonne société en question. Nous sommes dans les années 70 et la libération des mœurs est à l’ordre du jour !

Je me suis délectée, régalée, c’est le cas de le dire, de bout en bout à la lecture, sucrée, salée, poivrée, de cette histoire délicieuse et attachante ! Les personnages me semblaient si familiers à la fin que j’ai eu beaucoup de mal à m’en détacher. Je ralentissais ma lecture pour retarder le moment de la séparation !

On sent que Mary Wesley (1912/2002) aussi a pris beaucoup de plaisir à écrire ce qui était alors son troisième livre seulement alors qu’elle avait déjà 73 ans. La romancière se voulait peu respectable et son œuvre est jubilatoire. J’ai lu trois des 10 romans qu’elle a écrits et je n’ai encore jamais été déçue.

Sucré, salé, poivré de Mary Wesley, (Flammarion, 1993, 306 pages, traduit de l’anglais parMichèle Albaret) Titre original : Harnessing Peacocks.

dimanche 16 août 2009

La tzigane de Guillaume Apollinaire














La tzigane savait d’avance
Nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l’Espérance.

L’amour lourd comme un ours privé
Dansa debout quand nous voulûmes
Et l’oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave

On sait très bien que l’on se damne
Mais l’espoir d’aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
A ce qu’a prédit la tzigane.

Guillaume Apollinaire (Alcools  ) La tzigane,
 Tableau de Franz Hals, La bohémienne,  peinture à l'huile. Paris, Louvre, 1628

samedi 15 août 2009

Les saisons de la nuit de Colum McCann


C’est dans ce territoire désolé, obscur, inhumain sous les ponts et dans les tunnels, que se déroule l’histoire de Nathan Walker, un noir du Sud qui épouse une blanche Irlandaise aux cheveux roux dont il aura trois enfants, en dépit du racisme de cette époque. Malgré un travail des plus pénibles étouffant, dangereux, mal payé, mal protégé, Nathan et ses amis sont heureux et solidaires. Ils ont appris à se jouer du vertige et de l’obscurité et courent de poutres en poutrelles comme si de rien n’était. Ils sont devenus des ouvriers acrobates, de vrais artistes dans leur genre et ils en ont conscience et ils en sont fiers. A l’occasion, ils découvrent la trace d’un premier essai de métro datant du XIX e siècle et qui devait égaler la splendeur de celui de Moscou. Mais les accidents de la vie les rattrapent vite et les vies se brisent tandis que New York s’affirme et resplendit de toute sa puissance et sa modernité.

Les personnages, de constructeurs forts et fiers et fraternels redeviennent de simples individus fragilisés qui se replient d’abord sur leurs familles, puis sur leurs camarades et qui finissent par s’enfermer en eux-mêmes, ne comptant plus que sur l’alcool, la drogue, la violence, la folie pour survivre à la misère dans laquelle ils vont sombrer. Les temps sont durs et nulle solidarité sociale ne peut les sauver d’eux-mêmes et de leurs souvenirs douloureux.

On suit le destin de la famille de Nathan sur plusieurs générations, à Harlem, de 1916 à 1991. C’est une grande fresque qui n’a de noir que le réalisme des événements mais que l’auteur magnifie en s’identifiant à chacun de ses héros, en les faisant vivre de l’intérieur, avec leurs rêves et leurs folies. Le monde des clochards que beaucoup sont devenus en est ainsi transfiguré. Ils demeurent pour toujours ces bâtisseurs du ciel qu’ils furent dans leur jeunesse ou que furent leurs pères. Tout leur est bon pour échapper à leur dure réalité.

Ce livre est magnifique: la maîtrise de l’auteur quant à la construction de l’intrigue, le traitement des personnages et le style m’ont totalement conquise.

Je viens de me procurer son tout dernier livre, paru le 13 août : « Et que le vaste monde poursuive sa course folle ». Il fera partie de mon challenge du 1% littéraire de la rentrée.

Les saisons de la nuit de Colum McCann ( Belfond, 1998, 322 pages, traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Claude Peugeot) Titre original : This side of brightness