lundi 31 mai 2010

Traductions-surprises

Connaissez-vous le projet de loi Cosey ? Et la jeune femme du projet de loi Cosey ? La maison du projet de loi Cosey ?
Non ? 
C’est pourtant ainsi que G**gle traduit Bill Cosey, le nom du héros de Love, le livre de Toni Morrison que je termine en ce moment !
Plus étonnant encore,  dans ma liste d’auteurs,  certains  noms anglais sont traduits en français, je viens de m’en apercevoir.
Ce qui donne :
 - Nicci Française pour Nicci French
 - Ingrid Noir pour Ingrid  Black  
Pour l’instant j’ai rectifié mais quelle autre surprise vais-je encore découvrir ?
Plus amusant que grave mais il faut le savoir!

Hush de Kate White





Ce que vous ne dites pas peut vous tuer

Lake Warren est consultante  à New York  dans une clinique  de traitement de la stérilité. Mère récemment divorcée avec deux enfants dont le père, Jack,  veut obtenir la garde exclusive, elle se confie régulièrement à  Molly, sa seule véritable amie qui lui conseille de se trouver un amant.
Justement, le séduisant Dr Keaton avec qui elle travaille lui fait la cour et  la nuit qu’elle accepte de passer avec lui se révèle tout à fait satisfaisante si ce n’est qu’à son réveil elle constate que le beau médecin est mort égorgé dans son lit. 
Son problème désormais est de ne rien dire à la police sous peine de perdre la garde de ses enfants. Elle doit découvrir le meurtrier par elle-même puis avec l’aide d’Archer, un beau et sympathique journaliste d’investigation. 
La clinique semble  adopter des méthodes illégales pour satisfaire ses riches clientes au détriment des autres. Les secrets, les menaces, les trahisons font désormais partie de la vie de la jeune femme.  On rase son chat, on la réveille en pleine nuit, on essaie de la tuer, on  l’humilie au travail. Seule contre tous au départ, elle s’entoure peu à peu de personnes  compétentes.
Rien de totalement  nouveau dans ce polar qui suit tous les schémas habituels d’un polar destiné aux femmes ! Il sort aussi en effet dans la  collection  «Girls in the city», écrit par Kate White, la directrice du Cosmopolitan américain qui signe là son sixième  policier. L’éditeur  le présente comme un «thriller  glamour et féminin qui fera couler beaucoup d’encre et qui caracole en tête des meilleures ventes aux USA»
Pour moi c’est une lecture agréable qui ne m’a  pas ennuyée une seule seconde sans non plus me laisser béate d’admiration ! Juste le policier à lire un beau jour de farniente ensoleillé, quand on n’a pas envie de se poser trop de questions existentielles. 
 Hush, Ce que vous ne dites pas peut vous tuer de  Kate White
(Hachette/Marabout, mai 2010 ,381p) Traduit de l’américain par Armelle Santamans.

dimanche 30 mai 2010

Les chères mains qui furent miennes de Paul Verlaine

Les chères mains qui furent miennes,
Toutes petites, toutes belles,
Après ces méprises mortelles
Et toutes ces choses païennes,


Après les rades et les grèves,
Et les pays et les provinces,
Royales mieux qu'au temps des princes,
Les chères mains m'ouvrent les rêves.


Mains en songe, mains sur mon âme,
Sais-je, moi, ce que vous daignâtes,
Parmi ces rumeurs scélérates,
Dire à cette âme qui se pâme ?


Ment-elle, ma vision chaste
D'affinité spirituelle,
De complicité maternelle,
D'affection étroite et vaste ?


Remords si cher, peine très bonne,
Rêves bénis, mains consacrées,
Ô ces mains, ces mains vénérées,                            Hommage aux mains de l 'artiste que fut ma mère. 
Faites le geste qui pardonne !


Paul Verlaine (Sagesse, XVII)
Les mains de Rodin
Les autres participants aux dimanches poétiques sont ICI

samedi 29 mai 2010

A vous de lire, lire en fête, la fête du livre, quel est le meilleur titre?

Le Centre national du livre a inauguré cette année un nouveau rendez-vous intitulé : « A vous de lire » du 27 au 30 mai, c’est-à-dire en ce moment. 
Cette manifestation remplace « Lire en fête »  lancée par  Jack Lang  il y a une vingtaine d’années. 
Je dois reconnaître que je préfère le titre qui met l’accent sur le côté festif de la lecture plutôt que sur le devoir ou la nécessité de lire !
« A vous de lire »  Ce titre ressemble trop à un ordre ! 
Qui donne ce commandement d’ailleurs ? 
 « Vous,  lisez,  et moi, je vais  occuper mon précieux temps  tout à fait différemment ! » ou encore 
« Vous, lisez,  moi, j’ai mieux à faire ! »
Mais ne chipotons pas, c’est toujours mieux que rien !  Voyons ce qui nous est proposé sur le site  rose flashy où nous accueille l’édito de Frédéric Mitterand et où sont mis en valeur, Chloé Delaume, marraine de l’édition et Alexandre Jardin pour son association : « Lire et faire lire »
Si j’ai bien compris, l’accent est mis sur la lecture à voix haute qui, pour moi, procure un plaisir autre, très différent de celui que je recherche dans la lecture silencieuse, la seule à  s’adapter à mon rythme, rapide ou lent, comme je le souhaite ! Et puis, même celle du meilleur acteur de la Comédie française, toute voix me gêne qui s’intercale entre le texte et moi !  
Ceci dit,  il y a aussi un jeu pour les enfants sur le site et un concours autour du livre qui a changé votre vie et puis il y a le site d'Hambrellie
Allez, je suis bonne joueuse : je crois bien que je vais participer !

vendredi 28 mai 2010

Le temps de l'innocence par Edith Wharton

Tout semble un conte de fée au départ de ce roman que j’aime mais on est aussi à mille lieues du roman à l’eau de rose, même si, à la base du récit, il s’agit de l’éternel trio : le mari, la femme et cette autre dont on est amoureux fou.
Rien n’est cependant aussi simple ici et la morale est sauve car tous s’en sortent dignement, même et peut-être surtout la jeune mariée qui semble si fade et naïve au départ et dont la force silencieuse transforme en fin de compte  leur destin à  tous .
 Newland Archer, jeune homme bien né, plein de qualités, sérieux et séduisant,  est l’heureux fiancé de May Welland,  jeune,  riche, sage, docile et  ravissante jeune fille d’excellente famille new yorkaise.
Un soir de grand opéra, toutes les jumelles sont braquées sur une nouvelle venue dans la loge familiale de May, il s’agit de Mme Olenska,  une  jeune comtesse très séduisante,  aux bras scandaleusement dénudés. C’est une femme indépendante, intelligente et cultivée qui a longtemps vécu en Europe avec son mari mais qui veut divorcer pour retrouver sa liberté or, en 1880, sa famille américaine ne peut accepter cette décision. Elle fait bloc autour d’elle pour l’introduire dans la bonne société. Elle  lui imposera en contrepartie les usages très stricts de ce milieu encore très puritain où tout le monde s’épie et se contrôle. Très  vite  la jeune comtesse se sentira à nouveau mal à l’aise, comme un oiseau en cage.
 Cependant, Newland en tombe éperdument amoureux  tout en pressant sa fiancée d’avancer leur mariage pour éloigner le danger de l’infidélité !
Le reste est le récit de cet amour contrarié pendant toute une vie.
C’est un livre superbe qui décrit magnifiquement l’atmosphère de l’ancienne New York, celle du puritanisme et des nouveaux riches, à la fois frivoles et implacables. 
Newland, le héros, est à l’image de sa ville, à la croisée de deux aspirations,  la vraie grande  liberté individuelle et le respect des  traditions et des conventions sociales encore si bien enracinées en lui.
« Edith Wharton a écrit ce livre en 1920 alors qu’elle vit à Paris, rue de Varenne, où elle s’est installée juste avant la guerre. Elle se remet d’intenses tristesses : la séparation, inévitable, d’avec un mari neurasthénique, les horreurs de la guerre, la mort de plusieurs amis dont Henry James avec qui elle avait une relation privilégiée. » (Diane de Margerie, préface).
Martin Scorsese en a tiré une brillante adaptation avec  Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer, Winona Ryder  « Le Temps de l’innocence est une fresque intimiste et sensible, sur une société où les émotions sont cachées, invisibles, refoulées, et où les personnages se voient contraints d’accumuler les actes manqués. Des thèmes que Scorsese connaît bien, comme le sentiment de culpabilité, la répression du désir et l’amour insatisfait. Fidèle au texte et à l'esprit du roman , c’est  un film subtil, intelligent et raffiné. Le New York de la fin du XIXe siècle est somptueusement recréé, ayant fait appel à une historienne d'art qui, pendant près de deux ans et demi, recueillit des informations sur l'époque, les décorations et les costumes. Les dialogues sont brillants, à l'image du roman.» 
Il me reste à voir ce film à tout prix
Ce roman fait partie du Challenge d'Edith Wharton
Le temps de l’innocenceEdith Wharton, (GF-Flammarion, 304 pages) Traduit de l’anglais par William R. Tyler Titre original : The Age of Innocence

jeudi 27 mai 2010

Les livres que je ne lirai pas

A la bibliothèque j’ai pu feuilleter longuement de nouveaux livres. J’ai pris le temps d'en lire les premières pages et de longs autres passages. 
Hasard. Ce sont des livres de femmes. Réalité: de l’égo, de l’égo, trop d’’égo.!  L’ensemble est décevant. Aucune ne m’a donné envie de  lire son livre jusqu’au bout.
  
J’ai écarté :

Léonore, toujours de Christine Angot :
Elle était encore inconnue lorsque,  pendant  vingt trois jours,  avec ce style saccadé, haché, très sec qu’on lui connaît,  elle a tenu un journal consacré à l’observation  quotidienne de Léonore, son bébé de huit mois. Le père pourtant présent est totalement exclu de cette relation. Elle dit ce qu’il ne faut pas dire et dissimule de terribles vérités. En me relisant, je trouve ce résumé très intéressant. Il donne envie de lire ce journal  La bonne surprise, c’est l’attendrissement de la mère envers son bébé, ses élans d’amour absolu ! Avec ce côté-là, je sympathise mais  la déception arrive très vite, me confirmant qu’il m’est impossible de lire un seul de ses livres jusqu’au bout. Je ressens la même irritation que lorsqu’elle passe à la télé.
Trop égocentrique, trop, trop, trop ! Je referme le livre sans remords !


Nos baisers sont des adieux de Nina Bouraoui : 
Elle, elle, elle ! Ici,  ce sont des souvenirs d’instants flash, reliés au sexe, au désir en général.,à l’art, à la jouissance.
« C’est aussi un livre sur la liberté. La liberté d’aimer ou de ne plus aimer". "livre kaléidoscope, qui parvient, miraculeusement, à saisir l’instant. », « A chaque fois, je me demandais s’il était possible d’en faire le récit, s’il existait des mots, une narration du plaisir, ou si la jouissance échappait au langage parce qu’elle était un abandon de tout» Je n’ai pas supporté. C’est trop décousu.  Je cherche des romans pas des confidences. Les discours de la romancière et sur la romancière sont souvent plus réussis que les bribes de récits, comme ici .
C’est encore moi qui vous écris de Marie Billetdoux: 1,310 Kilo, 1482 pages Ce livre-ci est très particulier bien que tourné également vers l’intime, le moi, le parcours de vie. Je le reprendrai sûrement un jour,  lorsque j’aurai plus de temps. Il pèse lourd. Il est gargantuesque. Plus de 1400 pages
C’est une somme, un pari fou d’une romancière dont j’ai aimé les livres : « Prends garde à la douceur des choses », « Mes nuits sont plus belles que vos jours ».
Elle reprend toute sa vie entre 1968 et 2008. Elle publie tout, les lettres qu’elle a écrites et celles qu’elle a reçues, ses carnets scolaires, ses échographies, ses pages de journal, ses demandes de subventions, les critiques bonnes ou mauvaises reçues.
Il faut être une super lectrice pour lire ce mastodonte.


Finalement mon choix s’est porté sur trois nouveautés seulement et deux plus anciens :
1) Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi de Katherine Pancol
2) La marquise de Brinvilliers de Agnès Walch
3) D’espoir et de promesse de Françoise Bourdin
4) Seule Venise de Claudie Gallay
5) Maurice de E.M. Forster

mercredi 26 mai 2010

L'anonymat sur internet

Vous le savez déjà certainement,  mais  une proposition de loi, déposée par le Sénateur Masson, prévoit de remettre en cause le droit à l’anonymat des blogueurs.
Il s'agirait de leur imposer la publication de leur nom, de leur adresse, de leur adresse mail et même de leur téléphone. 
Si comme moi vous n'êtes pas d'accord et voulez manifester votre désapprobation, c’est  ICI 
Edit du  27:  billet intéressant: Un peu d'anonymat dans ce monde de brutes

Histoire couleur terre par Kim Dong-Hwa., tome1, ma BD du mercredi,

J'ai beaucoup aimé cette histoire d'une petite fille, Ihwa, et de sa jeune mère, veuve, jolie, courageuse, sage et libre qui lui apprend la vie! Une mère de rêve qui sait rire, aimer, rêver tout en travaillant beaucoup dans un village coréen où elle tient un  petit restaurant.
Les rumeurs circulent à son sujet et les ragots car c'est une femme libre que les hommes courtisent mais elle laisse dire et élève sa petite fille avec beaucoup de tact et d'amour jusqu'au jour où elle tombe amoureuse d'un beau colporteur qui revient de plus en plus souvent la voir.
Pendant ce temps Ihwa découvre, en même temps que ses petites amies, les réalités du corps féminin, de celui des garçons. Elle grandit tout en observant beaucoup la nature et ses petits compagnons. Elle se trompe souvent sur ses propres sentiments. Elle cherche à favoriser l'amour entre sa mère et le beau voyageur. Elle s'identifie à certaines fleurs, vit en osmose avec la nature et se raconte des tas d'histoires, des contes. Elle est seule mais ne s'ennuie jamais!
On s'identifie facilement à cette petite fille si fragile. On voudrait la protéger! Sa grande force tient à sa complicité avec sa mère avec laquelle elle parle très librement de tout y compris de sexualité.
Les dessins sont pleins de délicatesse et d'efficacité à la fois! J'aurais cependant aimé qu'ils continuent à être colorés comme sur les avant-pages où l'on voit la petite fille avec un parapluie, marchant sur des petits nuages et la même au printemps, portant sur la tête une bassine de fleurs suivie de papillons
Le récit est divisé en dix chapitres dont j'aime beaucoup les noms: Pluie de printemps: Les scarabées, Pluie de printemps: L'arbre "sent mauvais", La fleur de calebasse, Le lis doré, Le camélia, Les émois de la pluie de printemps, Vent de fleurs, Une petite gamine, Un jeune cœur tendre, Un amour impossible.

"Jeunes ou vieilles, les femmes sont des créatures bien étranges. A chaque pluie de printemps, leur curiosité devient un peu plus grande."




"Un masque de rides recouvre le visage de ma mère. Pareil à une toile d’araignée. Mails il suffit de soulever le masque. Pour retrouver sur ses joues le rose de ses seize ans. On devine les histoires entre rires et larmes qui ont jalonné sa vie, pareilles aux sillons qui creusent les champs. Ce sont les souvenirs de nos mères. Du temps où elles avaient seize ans… Voici le récit de leurs histoires aux couleurs de la terre…”.


Participent à la BD du mercredi: Valérie, Emmyne


Qui veut encore se joindre à nous?


Histoire couleur terre par Kim Dong-Hwa, tome 1/3
(Manhwa coréen, casterman écritures, 2006,313 p)
Traduit du coréen par Kette Amoruso, 3 tomes

mardi 25 mai 2010

La douleur, Aurélia Paris, nouvelle de Marguerite Duras

C’est un huis-clos à trois, une nuit,  dans une tour d’un pays en guerre. Une petite fille, la dame qui l’a recueillie et un chat.
Des escadrilles  passent sans cesse  bombarder les villes allemandes les plus proches.  Les canons anti-aériens ripostent. Parfois un avion tombe sur la ville. La guerre a lieu là-haut dans le ciel et la petite fille et la dame ont peur. Elles se serrent très fort et se rassurent en parlant.
«L’appartement est grand, presque vide, presque tout a été vendu. La dame se tient dans l’entrée, assise sur une chaise, à côté d’elle il y a un revolver. La petite fille l’a toujours connue là à attendre la police allemande. Nuit et jour, la petite fille ne sait pas depuis combien d’année la dame attend. Ce que sait la petite fille c’est que dès qu’elle entendra le mot polizeï derrière la porte la dame ouvrira et tuera tout, d’abord eux et puis ensuite, elles deux.»
La petite fille chante un chant juif qu’elle ne se rappelle pas avoir appris,  elle regarde le chat et lui sourit et le caresse « d’abord distraitement puis de plus en plus fort. Le chat se couche sur le dos, il ronronne du désir fou d’Aurélia. Aurélia se couche contre le chat. Elle dit : " Ma mère, elle s’appelait Steiner."
« Aurélia met sa tête contre le ventre du chat. Le ventre est chaud, il contient le ronronnement du chat, vaste, un continent enfoui.
 Steiner Aurélia. Comme moi. 
 Je m’appelle Aurélia Steiner.
J’habite Paris où mes parents sont professeurs.
J’ai dix-huit ans.
J’écris. » 
«C’est inventé. C’est de l’amour fou pour la petite fille juive abandonnée.»
Marguerite Duras a transposé Aurélia Paris à la scène pour Gérard Desarthe qui l’a lu pendant deux semaines dans la petite salle du Rond-Point en janvier 1984. 
En juin 2008,  Dominique Morlotti a réalisé un court métrage avec les élèves du lycée Louis- le-Grand. Le scénario adapté de cette nouvelle a été mis en scène par Sophie Niedergang
Aurélia Paris de Marguerite Duras 
(La douleur, folio, 10/181993, dernière nouvelle, 11 pages)

lundi 24 mai 2010

Mon père n'est pas mort à Venise par Sophie Poirier

Marianne, célibataire, la quarantaine, contrôleuse  qualité dans les grands trains,  se déplace sans cesse et sa vie est rythmée par les consignes à respecter, titres des neuf chapitres de ce livre : «Les voyageurs sans titre de transport sont priés de se signaler», «Tout bagage non marqué sera considéré comme abandonné», «Ne jamais descendre avant l’arrêt complet».
Le chapitre  central cependant est intitulé «Le carnet», l’objet autour duquel s’enroule et se déroule tout le récit.
Ce «carnet à spirales avec une couverture noire» est  «le genre de carnet qui ne doit pas tomber entre toutes les mains.» Il est plein de photos de jeunes filles disparues. Elle l’a découvert en fouillant la cave de la maison familiale où elle vit seule désormais avec son père,  depuis longtemps impotent, «coincé dans son fauteuil roulant» qui exige d’elle qu’elle mette de l’ordre dans son passé, dans ses livres et dans ses papiers. Elle  voit dans «cet archivage morbide» la cause de son malheur!  
«Au commencement, il y a toujours nos pères.»
Le sien est un père aimé/haï, de la génération de 68, trop laxiste, trop permissif, sans gêne, sans pudeur, sans limites!
«Il lisait Matzneff, et puis Casanova, avec Sollers, Byron. Ça parlait de Venise et de cul. Les livres sont là, dans les cartons. Elle va devoir les attraper l’un après l’autre, et, curieuse, vérifier quelles phrases il a soulignées.»
C’est un homme qui aime les très jeunes femmes et qui ne s’en est jamais caché, surtout pas à sa fille  mais avec la découverte du carnet celle-ci se pose tellement de questions qu’elle demande l’aide d’un détective.
«Qui fait ce genre de collections? Les assassins… Ceux qui tuent en série, obsessionnels, maniaques. Les écrivains aussi.»
Tout ce que j’ai aimé se trouve dans le prologue! Ensuite nous suivons l’enquête de Marc Devin, lui-même père divorcé avec deux enfants qu’il voit peu  et qui s’interroge à son tour sur les liens familiaux et le rôle des pères.
Sa recherche aboutira mais je m’en serai déjà désintéressée! J’en suis désolée!
J’ai aimé le point de départ, la remise en question de l’éducation soixante-huitarde, les questions posées par  la réalité sordide de la pédophilie et les œuvres d’art qu’elle inspire ainsi que la liberté d’expression de l’écrivain, «l’art et sa liberté face à la réalité» écrit l’auteur dans un commentaire.
J’ai aimé le titre, référence au superbe film de Visconti où le héros vieillissant meurt, sur la plage, dans son fauteuil, seul, dans la beauté du Lido de Venise où il a cherché  l’amour des jeunes corps comme une bouée pour se retenir en vie.
«En réalité, il n’y avait ni plage, ni ville italienne, ni beauté. Beaucoup mouraient à l’hôpital, dans une chambre blanche, avec autour des enfants perdus.»
J’ai aimé  l’écriture efficace et précise qui va droit à l’essentiel, sans fioritures.
J’ai moins aimé le côté trop résumé du récit! Tout est allé trop vite: la connaissance du père, de la fille, leurs rapports réels et passés, l’enquête enfin qui parle surtout du détective mais à la va vite aussi et enfin ces jeunes filles et leurs histoires presque toutes semblables mais traitée aussi en accéléré!
Le livre se termine par le rapport du détective: la dénonciation par les jeunes filles de la génération des pères qui revendiquaient à cors et à cris la liberté pour tous mais qui en usaient surtout abusivement pour eux-mêmes, dans leur vie privée, sans tenir compte des conséquences pour ceux qu’ils abandonnaient ou traumatisaient!
"En choisissant ce métier de contrôleuse qui va et qui vient, elle organisait sa fuite permanente."
"Marianne comprenait comment on coince une génération entière entre deux injonctions : sois libre et tais-toi."
"Ils n’ont pas voulu nous laisser la place, au fond ils n’ont pas voulu devenir les vieux, les sérieux, les matérialistes, alors ils nous ont fait peur. En s’évanouissant, avec leurs maladies, leurs trois mariages, leur dernière femme de l’âge de leur fille. Leurs grosses voitures les ont plantés dans les arbres, leurs cartes bleues achetant des cadeaux plus gros que ceux de maman, leurs voix graves tonnant les principes. Tout ça pour nous laisser là dans un monde foutu."
Dernière phrase : «Nous vivons tous dans un train fantôme.»
Je remercie Liliba qui m’a envoyé ce livre dont les anciennes connaissent bien l’auteur par blogs interposés, celui de Ficelle. L’ont mieux aimé que moi : Aifelle, Keisha, Pascale, Cécile Qde9
Autre livre de l'auteur: La libraire a aimé,  
Mon père n'est pas mort à Venise,  Sophie Poirier,  Ana Editions, 2009, 98 pages)

dimanche 23 mai 2010

Vieille chanson du jeune temps de Victor Hugo


                                                         Je ne songeais pas à Rose ;
                                                         Rose au bois vint avec moi ;
                                                         Nous parlions de quelque chose,
                                                         Mais je ne sais plus de quoi.


                                                         J'étais froid comme les marbres ;
                                                         Je marchais à pas distraits ;
                                                         Je parlais des fleurs, des arbres
                                                         Son oeil semblait dire: " Après ? "


                                                         La rosée offrait ses perles,
                                                         Le taillis ses parasols ;
                                                         J'allais ; j'écoutais les merles,
                                                         Et Rose les rossignols.


                                                         Moi, seize ans, et l'air morose ;
                                                         Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
                                                         Les rossignols chantaient Rose
                                                         Et les merles me sifflaient.


                                                         Rose, droite sur ses hanches,
                                                         Leva son beau bras tremblant
                                                         Pour prendre une mûre aux branches
                                                         Je ne vis pas son bras blanc.


                                                         Une eau courait, fraîche et creuse,
                                                         Sur les mousses de velours ;
                                                         Et la nature amoureuse
                                                         Dormait dans les grands bois sourds.


                                                         Rose défit sa chaussure,
                                                         Et mit, d'un air ingénu,
                                                         Son petit pied dans l'eau pure
                                                         Je ne vis pas son pied nu.


                                                         Je ne savais que lui dire ;
                                                         Je la suivais dans le bois,
                                                         La voyant parfois sourire
                                                         Et soupirer quelquefois.


                                                         Je ne vis qu'elle était belle
                                                         Qu'en sortant des grands bois sourds.
                                                         " Soit ; n'y pensons plus ! " dit-elle.
                                                         Depuis, j'y pense toujours.

Vieille chanson du jeune temps, Contemplations, Paris, juin, 1831, Victor Hugo:(1802-1885)
La baigneuse de Camille Pissaro
Les participants aux dimanches poétiques sont ICI

samedi 22 mai 2010

Comment je choisis mes livres: mais que font les libraires?

Dis-moi, comment choisis-tu tes livres ?
Clara m’a taguée : je réponds !
J’aimerais pouvoir dire que je choisis mes livres méthodiquement selon une liste bien pensée, issue de ma Lal, ce qui donnerait par ordre d’urgence, en l’état actuel,  et en n’ouvrant que la dernière page de mon carnet :

1 Edith Wharton : Xingu (vu chez maggie)
2 Nick Hornby : Juliet-Naked (Yspaddaden)
3 Raphaelle Bacquet : La dernière mort de François Mitterand (Télématin)
4 Deborah Devonshire : La châtelaine anglaise déménage (Cathulu)
5 Claude-Pujade Renaud : Les femmes du braconnier (Lilly)
6 William G Tapply : Dérive sanglante, Casco Bay, Dark Tiger (Dasola)
7 Franck Delaney : Les enfants de la nuit (Pickwick)
8 Craig Johnson : Little bird (Gwenaelle)
9 Antoine Rault : Je veux que tu m’aimes ( Marie L)
10 Kellerman : La mer (Hervé Hamon, Librairie Dialogues )

Mais si mon intention est bien de chercher ces livres en entrant dans une librairie, je suis presque sûre de ressortir avec des  titres et des auteurs différents …
parce que je ne les trouve pas tout de suite... ( Se repérer dans une librairie  n'est jamais simple!)
parce que le libraire est occupé par mille autres occupations que de me servir et de me  demander ce que je cherche (ça ne se fait plus, on dirait et si enfin on ose le déranger, ça ne lui fait pas toujours plaisir!)
parce que ça m’embête le plus souvent de l’attendre ou de courir après lui !
parce que, quand même, tant de livres nouveaux, si beaux, si bien présentés, avec des couvertures nouvelles si alléchantes, c'est très tentant!. (* Mais je l’ai déjà lu !!! -  Oui, mais il y a longtemps,  et pas sous ce format, pas dans cette édition, pas avec cette image et surtout mon exemplaire est tout jauni et je déteste ça ! )

Bref je suis imprévisible, irrationnelle, limite compulsive dans mes achats de livres.
J’ai essayé de me corriger mais il n’y a rien à faire !
Devant des montagnes de livres neufs,  je craque, je  prends un peu tout et n’importe quoi!
Je me restreins ensuite sur autre chose ! Tant pis ! Je suis devenue fataliste en ce domaine!

A mon tour je passe le relais de ce TAG à Ajia Penelope, Cathulu, Kikine, (qui a avoué aimer les Tags!:)), Dasola

vendredi 21 mai 2010

La plage de Cléder par Nelly Alard,

« La plage de Cléder est  la plus belle du monde. (...) La lumière rasante, aussi tranchante que le vent, découpait un paysage aux contours d’une netteté aveuglante. Le soleil d’hiver frappait la dune d’un vert cru, le jaune des lichens, des ajoncs, les pignons blancs des maisons. Les longues herbes couchées par le vent frissonnaient comme le pelage d’un animal. Nous avons montré aux enfants les énormes rochers aux formes fantastiques, entassés dans un équilibre improbable. Le dromadaire avec sa cargaison, la tortue, la tête de chien, certains comme feuilletés, d’autres comme des coulées de lave brusquement refroidies. »



"Rien n'a changé, ni la plage d'un blanc polynésien aux reflets roses et mauves, ni les vagues qui semblent courir se jeter dans les bras des rochers ni les nappes d'eau qui sont comme des miroirs sur le sable mouillé. Cléder est d'une telle beauté que dans n'importe quelle circonstance, on ne peut s'empêcher d'y songer à l'éternité"







Extrait du premier roman de Nelly Alard: Le crieur de nuit (Gallimard),  Chapitre Dimanche, page 107
Merci beaucoup à Sylire  pour m'avoir autorisée à montrer ces photos, prises par Julien, son neveu.

Le crieur de nuit par Nelly Alard


Un lundi matin, la narratrice apprend par son répondeur que son père vient de mourir.
«Tu es mort. Enfin.»
Ce cri du cœur résume à lui seul toute l’histoire!
Pendant une semaine, celle des funérailles, elle s’adressera à ce père difficile, évoquant leur passé commun douloureux  qui la poursuit encore malgré une vie réussie.
C’est donc en Bretagne près de Saint Pol de Léon où repose le corps du père que la famille va se reconstituer le temps de l’enterrement : la mère exemplaire et aimante, la sœur et le frère complices  et soudés dans leurs souvenirs.
Le père était un tyran domestique, autoritaire, jaloux, égoïste,  aux colères constantes et incontrôlables qui se faisait autant de mal à lui-même  qu’à sa famille.
Mais c’était aussi un grand malade, rendu totalement dépendant par la maladie de Parkinson , soigné chez lui pendant trente ans  par sa femme, d’où le double sens de l’exclamation «enfin!» poussée par ses enfants à l’annonce de sa mort surtout ressentie comme une délivrance .
 Le «crieur de nuit» est un esprit malfaisant,  traduction française du "hopper-noz" breton, évoqué par  Anatole le Braz dans son livre: «Les légendes de la mort»
  Voici ce qu’en dit l’auteur dans une interview :
«Au départ, ces citations venaient simplement en contrepoint d'un récit par ailleurs très réaliste. Je trouvais drôle de décrire une famille moderne de gens extrêmement rationnels et parfaitement athées plongée au milieu de tout ça. Et au fur et à mesure de l'écriture, ces citations sont venues rythmer le récit jusqu'à donner au livre sa structure, et même son sens profond. Car cette histoire est elle-même une sorte de conte, même si l'on ne s'en rend compte qu'à la toute fin.
En fait, c'est aussi une comédie. Une comédie noire, certes, grinçante, cruelle et même macabre, mais une comédie. Pris au premier degré, même ce que rapporte Anatole Le Braz est plutôt drôle. Cette superstition selon laquelle il ne faut surtout pas balayer la pièce où se trouve quelqu'un qui vient de mourir, parce qu'on risquerait de balayer l'âme du défunt avec... Sauf que derrière tout cela, il y a la question de la survie de l'âme et l'idée, comme dans la plupart des religions, que la mort ne peut être acceptée avec sérénité que lorsque la vie a été pleinement vécue, que le défunt a atteint un certain degré d'accomplissement Il me semble que dans ce contexte, l'anorexie du personnage n'a pas grand-chose à voir avec le matérialisme de notre société. C'est plutôt une tentative de prise de contrôle sur elle-même, un contrôle dont elle a été privée par une trop grande soumission à l'autorité paternelle et, plus tard, masculine. »


C’est un très beau livre que j’ai beaucoup aimé et je ne crois pas que ce soit uniquement  pour avoir vécu dans les lieux où se déroule l’histoire. J'y retrouve toute la réalité de cette Bretagne du Finistère nord, si dure et si généreuse à la fois!

C’est une histoire de famille, douloureuse mais pleine d’amour aussi malgré les reproches, les regrets,  les mauvais souvenirs, un roman très prenant où le rire et l’absurde côtoient les pleurs, où la fratrie se reconstruit autour de la mère qui est une figure magnifique ici, où tout m’a semblé juste et maîtrisé, sans exagération ni mélodrame. Juste un cri d’amour et un dernier adieu au passé et aux ancêtres pour mieux renouer avec le présent.

C’est le premier roman de   Nelly Alard, comédienne et scénariste, ancienne élève du Conservatoire national d'art dramatique de Paris
Merci à Clara qui en a fait un livre-voyageur.   Le Crieur De Nuit dNelly Alard

(Ed. Gallimard, 2010, 112 p)