jeudi 13 mai 2010

Moderato cantabile de Marguerite Duras

Un petit livre de 155 pages, tout simple, tout blanc, que j'ai choisi de  relire pour la ...énième fois: Moderato cantabile!  Modéré et chantant!  On dirait un drame intime mais théâtralisé en huit parties! De la leçon de piano interrompue par le cri d'un crime jusqu'à ce lendemain de fête aux baisers froids comme la mort! 

Attention!  Résumé complet réservé à ceux qui ont déjà lu le livre!  

Dans une ville en bord de mer, la jeune épouse d'un grand patron, Anne Desbaresdes, fait scandale. Elle traverse toute la ville chaque semaine pour faire prendre à son enfant sa leçon de piano. Il est doué mais entêté. Un jour une femme est tué par son amant dans le café du coin.  Désormais, la mère et l'enfant viendront tous les soirs dans cet endroit. Elle y rencontrera Chauvin, un jeune ouvrier licencié par son mari pour ne parler que de ce couple de l'assassin amoureux et de sa  victime consentante qu'ils viennent de voir baignant dans le sang, en ce même lieu. Elle cherche à comprendre pourquoi le cri était surtout celui du plaisir.
  Ils boivent beaucoup ensemble sous les yeux  désapprobateurs de la patronne et des autres clients. L'enfant, lui, attend et joue dehors.  Elle, elle s'enivre souvent désormais. Lui,  il est amoureux d'elle et rôde sans cesse, le soir et la nuit,  devant sa grande maison du Boulevard de la Mer, parmi le parfum entêtant des magnolias!
 Un soir de grande fête chez elle, tous l'attendent avant de commencer le repas. Elle arrive très en retard, ébouriffée et déjà ivre. Elle ne parle pas et mange peu mais continue à boire avant d'aller s'étendre sur le plancher au pied du lit de son fils endormi. 
Quelques jours plus tard, elle retrouve Chauvin au café où ils s'embrassent  pour la première fois mais le baiser est froid,  elle a peur!
Les hommes évitèrent encore de porter leurs yeux sur cette femme adultère. Elle fut levée. -Je voudrais que vous soyez morte, dit Chauvin.  -C'est fait, dit Anne Desbaresdes.
Que faut-il comprendre? Qu'a-t-elle décidé? Reviendra-t-elle encore dans ce café rencontrer cet homme? Je ne sais pas! Ce n'est pas cette histoire en elle-même que j'aime mais uniquement la voix, le ton, le style de Marguerite Duras qui n'explique rien, ne décrit rien, ne juge pas mais se contente d'évoquer des faits, des conversations, des silences, des odeurs, des gestes, même les plus insignifiants en apparence mais qui constituent une atmosphère étrange, toujours un peu lointaine! 
En somme c'est sa petite musique qui me plaît,  moderato cantabile!

Le tout début:
- Veux-tu lire ce qu'il y a d'écrit au-dessus de ta partition? demanda la dame -Moderato cantabile, dit l'enfant. La dame ponctua cette réponse d'un coup de crayon sur le clavier. L'enfant resta immobile, la tête tournée vers sa partition. -Et qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile? -Je ne sais pas. Une femme, assise à trois mètres de là, soupira. Tu es sûr de ne pas savoir ce que ça veut dire, moderato cantabile? reprit la dame. L'enfant ne répondit pas. La dame poussa un cri d'impuissance étouffé, tout en frappant de nouveau le clavier de son crayon. Pas un cil de l'enfant ne bougea. La dame se retourna. -Madame Desbaresdes, quelle tête vous avez là, dit-elle. Anne Desbaresdes soupira une nouvelle fois. -A qui le dites-vous, dit-elle. L'enfant, immobile, les yeux baissés, fut seul à se souvenir que le soir venait d'éclater. Il en frémit. -Je te l'ai dit la dernière fois, je te l'ai dit l'avant-dernière fois, je te l'ai dit cent fois, tu es sûr de ne pas le savoir? 
Au café
-Parfois encore, c'est l'été et il y a quelques promeneurs sur le boulevard. Le samedi soir surtout, parce que sans doute les gens ne savent que faire d'eux-mêmes dans cette ville. 
 -Sans doute, dit Chauvin. Surtout des hommes. De ce couloir, ou de votre jardin, ou de votre chambre, vous les regardez souvent. Anne Desbaresdes se pencha et lui dit enfin. -Je crois, en effet, que je les ai souvent regardés, soit du couloir, soit de ma chambre, lorsque certains soirs je ne sais quoi faire de moi. Chauvin proféra un mot à voix basse. Le regard d'Anne Desbaresdes s'évanouit lentement sous l'insulte,...
Antigone et Passion des livres en parlent. Un film de Peter Brooke avec Jeanne Moreau et Belmondo est maintenant en DVD 
Moderato cantabile de Marguerite Duras. (Les Editions de Minuit, 1958, 155p)

28 commentaires:

  1. Je l'ai lu et j'ai moins moins aimé que "l'amant". Trop de questions en suspens à mon goût et je me suis souvent retrouvée perplexe...

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  2. Je ne l'ai pas lu, j'ai seulement vu le film avec Jeanne Moreau. Je le lirais bien, parce que c'est Duras et qu'elle a un style unique.

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  3. J'avoue ne pas adhérer au style de Duras. J'avais un peu plus accroché à "Dix heure et demie un soir d'été" mais là aussi il était beaucoup question de boisson.

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  4. Je n'avais pas très bien compris ce livre : c'est un souvenir lointain... Il faudrait que je le relise ! Mais plus tard...

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  5. Bon Duras le même jour, rires. Du coup, moi j'ai ma dose ;)

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  6. j'ai lu ce livre il y a bien longtemps, pendant mes études il faudrait que je le relise. Merci encore pour l'envoi du livre d'Aifelle "le gout des pépins de pomme" par la poste J'ai adoré

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  7. je n'ai encore jamais lu Marguerite Duras... J'avais envie de lire L'amant et Un barage contre le Pacifique.

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  8. J'ai toujours eu un peu de mal avec Marguerite ;) même si j'ai eu de bons moments de lecture avec elle... Peut-être devrais m'y replonger aujourd'hui ???

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  9. Clara, je ne suis pas sûre d'avoir compris la décision prise à la fin mais j'aime bien quand même!

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  10. Aifelle, je lis et je relis ce petit livre et je l'aime toujours autant!

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  11. Manu, je comprends qu'elle puisse aussi agacer mais moi je l'aime beaucoup!

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  12. maggie, elle reste souvent dans l'ambiguïté mais un peu comme dans la vie : on ne comprend pas toujours bien le comportement des autres!

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  13. Stephie, on aurait voulu se concerter, on n'aurait pas fait mieux! :)

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  14. Bénédicte, je me doutais bien que tu aimerais celui-là! J'en ai gardé un excellent souvenir aussi!

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  15. Choupynette ceux que tu cites sont plus longs et plutôt autobiographiques, celui-ci est un de ces récits courts comme elle les aimait! Je trouve que ça vaut la peine de la lire! Je t'y encourage en tout cas!

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  16. ötli, tu n'es pas le seul! Elle peut aussi agacer son lecteur! C'est son style qui est si particulier! On y adhère ou pas! Moi, j'ai aimé!

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  17. J'aime beaucoup Duras... beaucoup... beaucoup... Je n'ai pas lue ce livre, vue tes avertissements j'ai juste lue les extraits de ton billet... Je lirais sans doute un jour ce livre que j'ai eu en main bien souvent et qui a failli repartir avec moi...

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  18. Je n'ai jamais osé Duras... mais plus ça va, plus je suis tentée!

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  19. J'aimerais bien lire celui-ci, tiens ! pour l'instant, de Duras, je ne connais que l'Amant de la Chine du Nord (je crois que c'est une réécriture de l'Amant, après que l'auteur ait vu le film de Jean-Jacques Annaud, qu'elle n'avait pas aimé)

    Oups, je viens de me rendre compte que j'ai lu tout le billet alors que tu nous avertissais au début :(
    Bon, je vais attendre d'avoir oublié pour le lire ;)

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  20. J'ai découvert Duras avec ce livre. J'ai adoré l'écriture!

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  21. Je ne savais pasqu'il y avait eu un film.

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  22. L'or des chambres, si tu aimes déjà Duras, alors tu ne peux qu'aimer aussi ce petit livre!

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  23. Karine:) mais oui, il faut tenter cette lecture! Quitte à être déçue, mais en lire au moins un!

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  24. cocola, connaître l'histoire , je t'assure, n'enlève rien à la lecture ni même à la relecture! Le charme du livre tient essentiellement à l'écriture si particulière de l'auteur- qui peut aussi d'ailleurs agacer, j'en suis tout à fait consciente!

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  25. Edelwe, c'est vraiment ce que j'aime aussi chez elle: cette écriture si spéciale!

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  26. Alex, je viens de le découvrir aussi!

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  27. Duras est mon auteur préférée et ton billet est très très proche du ressenti si particulier que j'ai à la lire, c'en est même troublant !

    J'ai lu Moderato Cantabile il y a un moment et même si ça n'est pas mon préféré, j'écrivais ceci : Dialogues surréalistes et personnages biscornus, une histoire pas bien claire... du Duras quoi ! Mais aussi étrange que cela puisse paraître, je ne me suis pas ennuyée. Il doit y avoir de la magie là-dessous, les mots de Duras subliment tout...

    J'aime aussi énormément Savanah Bay (pour son mélange entre théâtre et réalité) mais celui que je relis souvent, c'est "C'est tout", je me suis amusée là-aussi à retrouver ma critique de l'époque : "Parfois, j'y comprends rien et c'est sublime quand même, parfois c'est tout simple et ça dit presque trop."

    Pfiouuu, d'en parler me donne furieusement envie d'ouvrir un nouveau livre d'elle. Je ne sais pas toi mais moi, elle me fait tellement d'effet que j'ai tendance à économiser ses livres comme s'il fallait que je garde en réserve ces lectures fortes, ne pas les consommer trop rapidement...

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  28. Laëtitia, tu en parles très bien! Je sens combien tu aimes comme moi ces livres courts, denses et pourtant évasifs! J'en suis à les relire maintenant mais mon plaisir est toujours aussi vif! Et je me demande toujours quelle serait la suite possible mais toute l'histoire est faite pour rester éternellement en suspens!

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