mardi 2 juin 2009

Alessandro Piperno: Avec les pires intentions


Autant le dire d'emblée: je ne vais sans doute pas être impartiale dans l'analyse de mes impressions de lecture car j'ai beaucoup aimé ce livre!

Mon choix s'est porté cette fois-ci sur le premier roman de l'enfant terrible de la littérature italienne ", selon son éditeur. Toujours sensible à ce genre de sirène-sérénade, je me méfie aussi : plus j'espère et plus je suis déçue! Les présentations des éditeurs sont redoutablement attirantes et exagérées, publicitaires, quoi! C'est donc dans cet état d'esprit pour le moins dubitatif que j'aborde la lecture de ce premier roman d'un auteur inconnu jusqu'ici! Mais c'est un auteur italien et dans ma Bretagne natale et catholique, quand on était élevée chez les soeurs, on n'avait pas le choix, c'était l'italien seconde langue ou rien! Alors allons-y pour l'enfant terrible italien, né à Rome, en 1972, déjà auteur en 2000 d'un essai polémique sur "Proust antijuif".

Surtout ne pas se fier à la photo de la couverture Folio! Autre attrape-nigaud! Une grande blonde en lamé doré, cravache en main derrière un léopard dompté et assis, posant fièrement devant des tableaux d'enfants d'une époque surannée. Qui est cette maîtresse femme domptant un animal sauvage dans un salon bourgeois rougeoyant comme l'enfer? Avec les pires intentions?

Le récit est une sorte de biographie d'une famille bourgeoise tonitruante, juive par le père et catholique romaine par la mère, dans un XXème siècle plein de fureur, d'horreur et d'ardeur à la fois. Daniel, le narrateur, aime Gaïa, la petite fille de Nanni, un catholique antisémite qui a sauvé sa famille de la faillite, Histoire des plus banales apparemment mais pour la jeune fille il ne s'agit que d'amitié, elle en aime un autre qui d'ailleurs la laissera tomber mais le narrateur, lui, reste obsédé par le souvenir de cette amie d'enfance et par la scène finale grotesque et bouleversante à la fois, vécue lors de la fête pour ses 18 ans. Dans l'avion qui le ramène 15 ans après vers son amie, en deuil , pour l'enterrement de son grand-père, il revit son passé et les grandes figures de sa famille.

L'essentiel du livre est là, dans les savoureux portraits de ses ancêtres, celui de son grand-père surtout, Bepy, le séducteur sans scrupule, égoïste et flamboyant qui ouvre et domine le récit. J'abrège: il y aurait trop à dire!

Je choisis de retenir un passage pour mieux me souvenir de cette histoire qui m'aura bien séduite dans l'ensemble

"Mais pourquoi tu t'en prends à moi, Nanni? Je t'annonce que cette fois-ci tu n'arriveras pas à me faire sentir coupable. Je ne suis que l'obscur instrument de l'Histoire. Si Bepy est le régicide anarchiste qui fait éclater le conflit, je suis la bombe qui met fin aux hostilités. De fait, si on y réfléchit, la lutte entre les Sonnino et les Cittadini a coïncidé ironiquement avec la guerre froide. C'est pour ça qu'en plein 1989, cette fichue année, nous nous sentons tous les deux perdus et inutiles comme des gravats détachés du mur de Berlin? Pour une fois nous sommes alliés. c'est nous qu'on a roulés.
Allons, Nanni, ce n'est pas ta faute si Bepy se tapait ta femme. Pas plus que ce n'est ta faute si Bepy n'a pas voulu acheter les Caravage et si mon père te vénère et ma mère te déteste. Ce n'est pas ma faute si ton fils s'est suicidé de cette manière et si Bepy l'avait prédit. Ni si ton petit_fils est un psychopathe alcoolique atteint de populisme chronique. Ni si ta petite souris prodiguait déjà à quinze ans certains services paradisiaques à Dav&Cie. Et je l'admets , ce n'est sûrement pas ta faute si je suis un masturbateur fétichiste plein d'initiative. Non, Nanni, nous n'y sommes pour rien. Les juifs n'y sont pour rien. Les catholiques n'y sont pour rien. Bepy est mort et tu vieillis décidément. C'est comme ça, ç'aurait pu être différent. Je suis le premier à l'admettre. Mais c'est comme ça."

Je vais attendre maintenant avec une grande curiosité le prochain roman de cet auteur manifestement très doué!

Alessandro Piperno: Avec les pires intentions (Folio, 440 pages), traduit de l'italien par Franchita Gonzales Batlle


11 commentaires:

  1. Etre impartiale n'est vraiment pas nécessaire, au contraire, ce sont les enthousiasmes qui guident nos choix et nos envies ! Je ne connais pas cet auteur, merci de nous le faire découvrir et de le défendre (en plus, la couverture n'est pas très engageante...)

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  2. Je ne connais pas du tout cet auteur. Comme tu dis, la couverture ne donne pas vraiment envie. Alors si elle est trompeuse, tant mieux.

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  3. Impossible d'accéder au résumé de Brothers par ton moteur de recherche.

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  4. la couverture ne m'aurait effectivement jamais donné envie... alors à voir !

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  5. Comme les autres... totalement inconnu!! D'autant mieux de nous faire partager ton enthousiasme!!!

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  6. Comme les autres... totalement inconnu!! D'autant mieux de nous faire partager ton enthousiasme!!!

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  7. @ Ys, c'est un auteur à suivre, je crois. Il nous réserve des surprises, du moins je l'espère!

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  8. @Leiloona, c'est vrai, la couverture est contre performante: quelle idée, vraiment!Je suis sûre qu'elle a dû repousser pas mal de lecteurs!

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  9. à Rosa, Merci de me le signaler! Je vais essayer d'y remédier! Depuis hier j'ai quelques problèmes avec mon serveur!

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  10. @ Celsmoon. tu es de cet avis aussi? Ce livre vaut beaucoup mieux que sa couverture!

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  11. @ Keisha. C'est un livre très riche, un peu touffu comme souvent pour un premier roman.

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