Marianne, célibataire, la quarantaine, contrôleuse qualité dans les grands trains, se déplace sans cesse et sa vie est rythmée par les consignes à respecter, titres des neuf chapitres de ce livre : «Les voyageurs sans titre de transport sont priés de se signaler», «Tout bagage non marqué sera considéré comme abandonné», «Ne jamais descendre avant l’arrêt complet».
Le chapitre central cependant est intitulé «Le carnet», l’objet autour duquel s’enroule et se déroule tout le récit.
Ce «carnet à spirales avec une couverture noire» est «le genre de carnet qui ne doit pas tomber entre toutes les mains.» Il est plein de photos de jeunes filles disparues. Elle l’a découvert en fouillant la cave de la maison familiale où elle vit seule désormais avec son père, depuis longtemps impotent, «coincé dans son fauteuil roulant» qui exige d’elle qu’elle mette de l’ordre dans son passé, dans ses livres et dans ses papiers. Elle voit dans «cet archivage morbide» la cause de son malheur!
«Au commencement, il y a toujours nos pères.»
Le sien est un père aimé/haï, de la génération de 68, trop laxiste, trop permissif, sans gêne, sans pudeur, sans limites!
«Il lisait Matzneff, et puis Casanova, avec Sollers, Byron. Ça parlait de Venise et de cul. Les livres sont là, dans les cartons. Elle va devoir les attraper l’un après l’autre, et, curieuse, vérifier quelles phrases il a soulignées.»
C’est un homme qui aime les très jeunes femmes et qui ne s’en est jamais caché, surtout pas à sa fille mais avec la découverte du carnet celle-ci se pose tellement de questions qu’elle demande l’aide d’un détective.
«Qui fait ce genre de collections? Les assassins… Ceux qui tuent en série, obsessionnels, maniaques. Les écrivains aussi.»
Tout ce que j’ai aimé se trouve dans le prologue! Ensuite nous suivons l’enquête de Marc Devin, lui-même père divorcé avec deux enfants qu’il voit peu et qui s’interroge à son tour sur les liens familiaux et le rôle des pères.
Sa recherche aboutira mais je m’en serai déjà désintéressée! J’en suis désolée!
J’ai aimé le point de départ, la remise en question de l’éducation soixante-huitarde, les questions posées par la réalité sordide de la pédophilie et les œuvres d’art qu’elle inspire ainsi que la liberté d’expression de l’écrivain, «l’art et sa liberté face à la réalité» écrit l’auteur dans un commentaire.
J’ai aimé le titre, référence au superbe film de Visconti où le héros vieillissant meurt, sur la plage, dans son fauteuil, seul, dans la beauté du Lido de Venise où il a cherché l’amour des jeunes corps comme une bouée pour se retenir en vie.
«En réalité, il n’y avait ni plage, ni ville italienne, ni beauté. Beaucoup mouraient à l’hôpital, dans une chambre blanche, avec autour des enfants perdus.»
J’ai aimé l’écriture efficace et précise qui va droit à l’essentiel, sans fioritures.
J’ai moins aimé le côté trop résumé du récit! Tout est allé trop vite: la connaissance du père, de la fille, leurs rapports réels et passés, l’enquête enfin qui parle surtout du détective mais à la va vite aussi et enfin ces jeunes filles et leurs histoires presque toutes semblables mais traitée aussi en accéléré!
Le livre se termine par le rapport du détective: la dénonciation par les jeunes filles de la génération des pères qui revendiquaient à cors et à cris la liberté pour tous mais qui en usaient surtout abusivement pour eux-mêmes, dans leur vie privée, sans tenir compte des conséquences pour ceux qu’ils abandonnaient ou traumatisaient!
"En choisissant ce métier de contrôleuse qui va et qui vient, elle organisait sa fuite permanente."
"Marianne comprenait comment on coince une génération entière entre deux injonctions : sois libre et tais-toi."
"Ils n’ont pas voulu nous laisser la place, au fond ils n’ont pas voulu devenir les vieux, les sérieux, les matérialistes, alors ils nous ont fait peur. En s’évanouissant, avec leurs maladies, leurs trois mariages, leur dernière femme de l’âge de leur fille. Leurs grosses voitures les ont plantés dans les arbres, leurs cartes bleues achetant des cadeaux plus gros que ceux de maman, leurs voix graves tonnant les principes. Tout ça pour nous laisser là dans un monde foutu."
Dernière phrase : «Nous vivons tous dans un train fantôme.»
Je remercie Liliba qui m’a envoyé ce livre dont les anciennes connaissent bien l’auteur par blogs interposés, celui de Ficelle. L’ont mieux aimé que moi : Aifelle, Keisha, Pascale, Cécile Qde9
Autre livre de l'auteur: La libraire a aimé,
Mon père n'est pas mort à Venise, Sophie Poirier, Ana Editions, 2009, 98 pages)
Mon père n'est pas mort à Venise, Sophie Poirier, Ana Editions, 2009, 98 pages)
J'ai bien envie de le lire... En ce qui concerne l'aspect que tu as n'a pas aimé, c'est exactement la même chose que je reprochais à "mon coeur défendant" où la rapidité des sentiments laissent un air d'inachevé...
RépondreSupprimerJ'ai adoré "La libraire a aimé" et je suis donc tentée par celui-ci malgré tes réserves.
RépondreSupprimerLes bons côtés que tu soulignes me plaisent suffisamment pour me donner envie de le lire, malgré ses défauts ou sa rapidité... Et puis que je crois que ce thème n'a pas fini d'être traité... ;-)
RépondreSupprimermaggie, tu as raison de vouloir le lire! Il est très bien! Simplement tu sais combien j'apprécie peu les récits trop courts!
RépondreSupprimerManu, j'en ai lu beaucoup de bien en effet!
RépondreSupprimerGwenaelle, ce thème commence à être abordé par les victimes elles-mêmes, ce qui me semble nouveau et intéressant!
RépondreSupprimerEvidemment on aurait aimé qu'il soit plus long, j'aime vraiment la petite musique des ces romans...
RépondreSupprimerJ'aurais aussi pu craquer pour un tel titre et un tel début... Dommage, on ne peut pas demander une réécriture ;)
RépondreSupprimerPour le moment, je m'abstiens de cette lecture
RépondreSupprimerKeisha, le père est très antipathique mais Marianne, je n'ai pas eu l'impression de bien la connaître!
RépondreSupprimerÖtli, je crois bien ne pas être faite pour les récits trop courts
RépondreSupprimerclara, je comprends : tu en as déjà tellement à lire!
RépondreSupprimerEh oui, nous sommes nombreuses à supplier Ficelle d'écrire un 3e roman plus long ! Cela dit, je trouve qu'elle manie fort bien la concision et l'ellipse et son écriture est si belle, si fine, si intelligente...
RépondreSupprimeril m'a l'air très sympa! original!
RépondreSupprimeresmeraldae, il plaît beaucoup, juste un peu trop court pour moi!
RépondreSupprimerCécile, son écriture est belle et j'attends comme tout le monde son prochain livre avec intérêt!
RépondreSupprimerPas certaine de vouloir la relire tout de suite ... c'est dommage tous ces raccourcis hasardeux.
RépondreSupprimerMême si tu n'as pas aimé, tu as pondu un billet superbe !
RépondreSupprimerLeiloona, pour moi, le récit aurait gagné à être plus étoffé.
RépondreSupprimerliliba, je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé,ce ne serait pas juste! Je l'ai juste trouvé trop court.
RépondreSupprimerSi j'écris 25 pages de plus à chaque livre, dans 10 ans je devrai satisfaire les amateurs de gros livres… ;-)
RépondreSupprimer(merci pour ces commentaires vivants)
Ficelle/Sohie P. sympa cette intervention! Pour ma part,j'espère que je n'attendrai pas si longtemps avant de pouvoir bien m'attacher à l'un des prochains personnages mais s'il le faut, je suis prête pour le rendez-vous!
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