lundi 9 mai 2011

Serena de Ron Rash

«Lorsque Pemberton regagna les montagnes de Caroline du Nord, après trois mois à Boston où il était parti régler la succession paternelle, parmi les personnes qui attendaient son train, sur le quai de la gare, se trouvait une jeune femme enceinte de ses œuvres. Elle avait auprès d’elle son père qui, sous sa redingote défraîchie, était armé d’un couteau de chasse affûté le matin même avec beaucoup de soin, de façon à pouvoir l’enfoncer aussi loin que possible dans le cœur de l’arrivant.» 
 Ainsi commence ce roman dont l’héroïne est Serena, celle qui donne son  nom au roman, celle que Pemberton vient d’épouser et dont il est follement amoureux. C’est  le puissant et riche exploitant forestier de cette région des Smoky Mountains, en Caroline du Nord, où il abat les arbres millénaires pour s’enrichir  au détriment de l’état  qui veut  transformer la région en  un grand Parc National. Il est prêt à tout pour contrecarrer ce projet et n’hésite pas à tuer ceux qui l’embarrassent comme le père de Rachel,  cette  jeune fille très pauvre qui vient de lui donner un fils.
Seule, sa femme Serena compte désormais à ses yeux. Ils forment un couple fusionnel et peu à peu, c’est  elle qui  s’impose comme la grande figure de la région. Elle est  belle, forte, implacable, ambitieuse et volontaire. Elle semble ne rien craindre ni personne. Elle s’impose aussi bien aux hommes de l’entourage de son mari qu’aux animaux sauvages qu’elle domine. Bientôt on ne la voit plus que sur son cheval blanc,  son aigle au poignet, dressé pour tuer les serpents des montagnes. 
Tout le monde obéit à ce couple infernal qui ne laisse autour de lui que meurtres et destruction de la nature. Elle subjugue, séduit, ordonne, dirige et fait tuer ceux qui lui résistent. C’est la tête de l’entreprise. Lui, Le maître et le mari, paie et se soumet, ébloui et admiratif. 
Autour d’eux la misère est partout dans cette Amérique de la Grande Dépression. Les ouvriers sont taillables et corvéables à merci et sans travail  meurent de faim.
 Les disparitions, les morts s’accumulent  autour de Serena  lorsqu’elle devient stérile après une fausse couche. Plus rien ne l’arrête quand elle aperçoit parmi les affaires de Pemberton  la photo de son fils illégitime. La jalousie la rend folle et Rachel et son fils doivent s’enfuir toujours plus loin dans les villes anonymes pour échapper à sa vengeance.
Une nouvelle ambition l’accapare, une fois fortune faite: partir au Brésil où l’attend la grande forêt amazonienne. 
La fin du récit est surprenante, inattendue,  tragique mais pas pour tout le monde. 
Serena n’a qu’une vraie rivale : la Nature, grandiose, superbe, éblouissante qu’elle s’acharne à saccager par cupidité. Cependant, là rôdent encore les animaux sauvages, l’ours et le puma, ce puma que Pemberton s’acharne à poursuivre mais qu’on ne voit jamais car les hommes sont restés des chasseurs,  toujours prêts à tuer ou à être tués. 
Ce roman m’a fascinée.  Je l’ai aimé presque autant que celui de Edward Abbey : «Le feu sur la montagne» ou le dernier de John Irving :  "Dernière nuit à Twisted River", ce qui n'est pas peu dire.
Ce que j'apprécie chez les auteurs américains, c'est qu'ils ne craignent pas la démesure. Serena est monstrueuse et cruelle, sauvage dans ses désirs, à l'égal des animaux qui rôdent autour d'elle, sauvage comme la Nature grandiose où elle vit, cruelle et inhumaine comme ces entreprises qui saccagent les forêts. 
Dans un entretien l’auteur expliquait vouloir que le paysage agisse comme un personnage de ses romans car pour lui  le paysage façonne le destin et  l'environnement façonne notre perception de la réalité. Il se dit convaincu que, dans l'art, le particulier est un canal qui mène à l'universel et que, par conséquent, les meilleurs écrivains régionaux sont aussi les plus universels.
C’est vraiment un très beau roman que je viens de lire là.
Serena de  Ron Rash, ( Éditions du Masque,Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne, janvier 2011, 410 pages.)
Nouvelle participation au challenge Nature Writing de Folfaerie. Merci à Keisha de m'avoir fait connaître ce courant de la littPublier le messageérature américaine. Billet de Aifelle

37 commentaires:

  1. J'ai été éblouie par Un pied au paradis de l'auteur, et ai prié ma bibli d'acheter celui ci (je suis abominable, je sais) . Je vois qu'en plus tu le mets en NW, ça c'est encore un argument pour moi.En plus de tous les billets évidemment (soupirs)

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  2. J'ai le premier livre de l'auteur qui m'attend et le second qui est à la médiathèque! Que du bonheur en perspective! ;-)

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  3. keisha, J'ai cherché par tous les moyens ton billet sur le premier livre de cet auteur que je sais que tu as lu mais je ne l'ai pas trouvé. Peux-tu m'indiquer le lien pour que je puisse le lire?

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  4. Gwenaelle, Lis-le vite! C'est vraiment un très bon romancier. Il déclare avoir repris une dizaine de fois l'écriture de son récit. J'espère qu'il en écrira un autre bientôt!

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  5. Bon, il faut vraiment que je me décide pour ce roman. J'ai adoré Un pied au paradis, une atmoshère incroyable, mais celui-ci, j'hésite. Tu l'inscris en Nature Writing, là, tu fais pencher la balance...-)

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  6. Emmyne, Il est vraiment bien,je t'assure mais je l'ai trouvé aussi parfois classé en tant que thriller, ce qui ne me semble pas tellement évident même si les crimes s'enchaînent mais à ma bibliothèque il était dans la partie Nature et c'est comme tel que je l'ai lu. Les descriptions des paysages et du travail des bûcherons sont splendides.

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  7. Tu l'as ajouté au challenge de Foalfolie ? Je ne l'ai pas fait, j'ai un peu de mal avec cette catégorie là, j'ai parfois des difficultés à déterminer quel roman peut y entrer. Je l'ai aimé autant que toi, c'est une histoire très forte et quel personnage Séréna http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2011/03/09/20583399.html
    Le premier est moins âpre, quoique .. il est tout aussi bon.

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  8. J'ai Un pied au paradis dans ma PAL. Celui-ci semble très différent mais si il est classé en NW, pas sûr que ce soit pour moi.

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  9. Un auteur dont j'ai entendu parler mais que je n'ai jamais lu.
    Il faut que je comble cette lacune.

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  10. Alors je contredis Manu (tu m'en veux pas j'espère ;-)) mais ayant lu Un pied au paradis, j'ai l'impression que beaucoup de thèmes se retrouvent (stérilité, destruction de la nature, caractères féminins forts, meurtres...) Bref, ayant beaucoup aimé le précédent, ça ne me donne que plus envie de découvrir celui-ci.

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  11. Je viens de le lire, en anglais, ce sera un de mes prochains billets... Je n'avais pas pensé à le classer en NW, mais puisque tu l'as fait... Si je n'ai pas compris exactement tous les noms de plantes en VO, ce n'est pas grave, hein ? ;-)

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  12. S' il te fait penser à Irving je fonce le lire!

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  13. Très intriguant! Tu piques ma curiosité!

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  14. J'en ai lu 200 pages et je l'ai abandonné : pas de reproche objectif, juste que je restais étrangère/extérieure à l'histoire et aux personnages...
    En revanche, j'avais beaucoup aimé "Un pied au paradis".

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  15. emmyne, c'est aussi un thriller en un sens mais ce sont les évocations des paysages et de la vie des gens de la région qui m'ont plu. C'est une nature que l'on est en train de détruire pour des raisons purement économiques.

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  16. Aifelle, les meurtres mis à part, le sujet tourne autour d'une splendide nature sauvage que des gens avides et sans scrupules veulent détruire comme dans les deux autres livres classés NW que j'ai lus dernièrement d'où ce classement. Serena est monstrueuse à souhait.

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  17. Manu, je l'ai trouvé aussi classé comme un thriller ce qui ne me semble pas si évident que ça même si ce n'est pas faux non plus!

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  18. dimitri, Je viens de le découvrir et compte bien maintenant poursuivre sa connaissance avec son premier livre: "Un pied au paradis."

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  19. Zarline,on va inverser alors: tu lis celui-ci et je commence bientôt "Un pied au paradis".

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  20. Kathel, tu l'as lu en VO: bravo! Les termes de botanique étant très précis, ça n'a pas dû être si simple mais même en français, je ne connaissais pas non plus tous les termes. N'empêche! C'est un livre très réussi, je trouve.

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  21. orfeenix, L'action se passe aussi parmi les coupeurs de bois, pas dans la même région mais je n'ai pas pu ne pas y penser. Attention: pour moi rien ne remplace Irving même cet auteur-ci que j'ai pourtant beaucoup aimé.

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  22. Edelwe, Si tu aimes les histoires où la nature est un personnage à part entière, tu ne peux qu'aimer ce roman.

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  23. Brize, dommage, surtout si tu as aimé son premier livre que je voudrais bien lire aussi maintenant.

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  24. Je suis très b....lique quant à la parution des billets, mon billet de dimanche a été écrit mi janvier, et tiens, coincidence, celui sur Un pied au paradis, en février, il parait aujourd'hui. J'en ai des tas en brouillon... Mais quand je lis un pavé, comme maintenant, la pile diminue.

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  25. Ah, ça a l'air drôlement bien. En plus, je n'ai jamais rien lu de cet auteur. Merci beaucoup !

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  26. Tu sais utiliser les comparaisons qui me donnent envie de lire celui-là! je vais peut-être déjà essayer de lire le précédent mais je le note.

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  27. Keisha, J'ai vraiment intérêt à lire tes billets le jour où ils paraissent alors. Je vais aller lire celui d'aujourd'hui sur "Un pied au paradis".

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  28. nathalie, j'ai vraiment aimé et j'espère que tu prendras autant de plaisir que moi à le lire.

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  29. Val,Il est très bien mais attention, il n'est quand même pas pour moi au niveau du dernier Irving, hein!

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  30. Avant de lire ton billet et en voyant la couverture de ce livre je m'étais dit "tiens ce serait une sacrée couverture pour le dernier Irving" :-)
    Et donc quand je lis ton billet je vois que tu y a aussi pensé forcément ...
    Je n'ai plus qu'environ pages à lire de dernière nuit ... mais je suis charmée encore une fois ce diable d'Irving m'a happé !
    Mon avis bientôt mm si je crois qu'il va etre difficile d'en parler tant c'est foisonnant !
    Bises Mango ( et je note je note encore et encore)

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  31. Didi,j'ai hâte de lire ton billet mais tu sais Irving malgré tout, du moins pour moi, c'est encore nettement au-dessus . Je suis très peu objective à son sujet. C'est mon auteur favori depuis Garp! Ceci dit Ron Rash, c'est pas mal aussi!

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  32. J'attends avec impatience de pouvoir le lire, celui-ci !

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  33. Bonjour Mango, ce roman fait partie de mes prochaines lectures (j'ai eu la chance de le trouver déjà d'occasion), Le canard enchaîné que lit mon ami en disait du bien. Je termine le Udall et quelques autres et je m'y mets. Bonne après-midi.

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  34. Mathilde, tu verras quel terrible portrait de femme arriviste il a dressé là!

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  35. Dasola, c'est une belle lecture qui t'attend aux mondes bien séparés, les riches et les pauvres, les bons et les méchants dans un moment d'après crise et d'avant guerre et dans une nature encore presque intacte mais que les hommes commencent déjà à détruire. Un récit en noir et blanc sur fond de verdure.

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  36. Bonnjour Mango, j'ai lu et terminé Serena ce week-end: Quelle garce dangereuse que cette Serena. Pemberton dans sa veulerie ne vaut pas mieux. Roman incroyable par la façon dont Ron Rash écrit son récit: impitoyable. Bonne journée.

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  37. Dasola, Ah je suis contente qu'il t'ait plu aussi! En effet c'est une des plus belles garces de la littérature mais j'ai aimé la haïr!

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