mardi 4 janvier 2011

Un thé qui ne refroidit pas de Yoko Ogawa

Un thé qui ne refroidit pas, est-ce possible ? 
En avez-vous jamais connu  un comme ça?
 Sommes –nous dans un  conte féérique ?
 Serait-ce  une histoire de magie que  cette nouvelle de Yoko Ogawa ?
C’est en tout cas un thé que la narratrice retourne souvent boire  avec délices chez K.,  son camarade de collège et son épouse,  leur très belle ancienne bibliothécaire. Auprès de  ce couple, elle se sent parfaitement bien et sa vie monotone avec Sato,  son mari si terne,  et si souvent  absent, reprend de la couleur. La preuve qu’elle va enfin se décider à améliorer son quotidien, c’est qu’un jour elle va mettre de l’ordre dans sa maison, en jetant la majorité des choses un tant soit peu usées.
Le ménage par le vide  et la sérénité par le ménage!
Sagesse toute féminine  ou  particulièrement asiatique? Mais tout ça pourquoi? Qui est cette narratrice qui se contente de si peu?
Comme toujours l’auteur est peu loquace sur ses personnages et nous les laisse deviner.
J’imagine quant à moi cette narratrice comme une femme dans la trentaine, une  japonaise somme toute assez banale, qui passe facilement inaperçue, timide et effacée à l’école, discrète et nostalgique à l’âge adulte.
Est-elle dépressive ? 

 Avant sa rencontre  avec K, au cimetière,  sur la tombe d’un ancien ami mort brutalement noyé dans sa voiture avec sa jeune femme, elle nous a raconté toutes les morts qui l’ont marquée depuis sa naissance: les poissons tropicaux de son frère, régulièrement enterrés dans leur jardin, au pied d’un fusain - la découverte des horribles  planches anatomiques de la pharmacie où elle à dû aller chercher de l’alcool servant à  laver le cadavre de son grand-père -  celle de son condisciple enfin,  la troisième de son existence.
Curieusement,  cette descente dans le quartier du cimetière  en bord de mer lui  procure  un sentiment mystique  qui ne la quitte plus et qui adoucit l’impression  d’isolement qu’elle ressent fortement en restant  chez elle auprès  d'un mari qui l’agace de plus en plus.
Le seul événement un peu pittoresque de ce récit tient à ce livre de la bibliothèque du lycée retrouvé oublié dans sa chambre dix ans après. Quand elle le rend à la nouvelle responsable, celle-ci lui apprend que tous les anciens livres ont brûlé dans un incendie. Le sien est le seul rescapé du désastre.

Tout ce que j’aime chez Yoko Ogawa se tient là, dans ces riens qui en disent tant et qui obligent à rester infiniment attentif au moindre détail. On sait que la romancière n’insiste pas, ne revient pas sur ce qu’elle a déjà écrit précédemment. Ce n’est pas son genre, les répétitions. Elle fait confiance à son lecteur. A lui de comprendre, de tout saisir!
La fin est habituelle,  encore plus neutre et mystérieuse que le reste! Après une soirée paisible chez K, en regardant un match à la télévision et dans l’attente du  retour de sa femme qui n’arrive pas,  elle s’apprête à rentrer chez elle :
 J’ai bu ma dernière gorgée de thé… Il était brûlant. La coulée de bronze a transpercé mon corps en vibrant.-  Ce thé n’a pas du tout refroidi, ai-je remarqué brusquement.Je ne sais pas s’il a entendu mais il a gardé le silence, le regard perdu.Je m’étonnais que ce thé n’ait pas du tout refroidi alors que cela faisait déjà un certain temps que K nous l’avait servi. 
Peu de choses en somme, une fois de plus, le minimum,  un souffle , une respiration:  juste un peu de la vie d'une femme étonnée de vivre

Un thé qui ne refroidit pa de Yoko Ogawa, (Thesaurus, Actes Sud, œuvres, p89 à p119) Titre original : Samenai Kôcha, traduit par Rose Marie Makino (Contribution au challenge de Choco sur le Japon si elle accepte aussi les nouvelles et pas seulement les romans!)

17 commentaires:

  1. J'aime beaucoup Ogawa pour son univers mystérieux et étrange, mais elle peut me rendre aussi mal à l'aise avec ses récits. C'est une sensation difficile à décrire. Chose certaine, elle est une grande auteure !

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  2. Une découverte pour moi car je ne la connais pas.
    Je connais mal ce style de littérature. Il faut que je m'y mette.

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  3. marguerite, Je l'aime beaucoup mais je reconnais que certains de ses récits peuvent être déconcertants par leur concision!

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  4. Chrys, elle vaut la peine d'être mieux connue, je trouve!

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  5. dimitri, Elle a ses admirateurs! Je suis peut-être en train de le devenir mais les premières lectures surprennent un peu tant il faut comprendre à demi-mot!

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  6. Je suis sûre que ce livre me plaira.

    merci Mango

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  7. j'ai lu L'annulaire de cette auteure, et je reste totalement hermétique... :/

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  8. J'ai beaucoup aimé "la formule préférée du professeur" j'hésite à me lancer dans ses oeuvres plus bizarres.

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  9. J'ai aimé deux romans d'Ogawa jusqu'à aujourd'hui mais je n'aime pas tout
    Pas certaine d'être prête à acquérir une compil des ses oeuvres, je préfère le coup par coup

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  10. Un univers étrange si j'ai bien compris... je n'ai jamais rien lu de Yoko Ogawa, alors?
    Donne-t-elle le secret pour garder le thé chaud? J'aimerai bien savoir...
    Bisous et très belle journée

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  11. Je lis beaucoup de choses positives sur cette auteure, ça me donne envie de la découvrir...

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  12. Votre article est super, bravo !
    J'aime beaucoup les nouvelles d'Ogawa, j'en ai lu une bonne partie mais pas ce "thé qui ne refroidit pas". Etant une grande amatrice de thé - et d'Ogawa - je m'empresse de noter ce titre ;-) Merci.

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  13. Ca semble tout à fait particulier, tout à fait dans l'atmosphère Ogawa... Par contre, du thé qui reste chaud, je vote pour hein!

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  14. Tu poursuis ta découverte des oeuvres de Ogawa :-)

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  15. Je suis tentée, surtout avec une jolie couverture couleur thé.

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  16. Merci pour cette jolie découverte, car j'aime beaucoup le Japon !!!

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