samedi 31 août 2013

Lectures du mois d'août 2013

Peu de lectures  ce mois-ci! Normal! Il a fait si beau!  Ce billet sera donc vite fait.
Tant mieux d'ailleurs car je suis pressée. Cette journée,  je vais la consacrer au tour de mes  librairies préférées  et de ma chère bibliothèque  dans laquelle je n'ai plus mis les pieds depuis deux bons mois!

Ont été de bonnes surprises: 

Le Mystère de Park Lane.  Edouard Delpy (Roman Policier – A ne pas lire la nuit) Nostalgie des très vieux polars en prime: j'ai complètement oublié l'intrigue mai j'en garde encore un souvenir ému tellement je me suis régalée en lisant ce roman d'un temps effacé

La femme qui attendait, Andreï Makine.  Trente ans après le départ de son fiancé parti à la guerre, une femme espère toujours son retour.  Très beau roman   sur la solitude et  l'attente. C’est un texte très fort, plein de pudeur et de folie.


Enfin mon  coup de cœur  du mois ...  Mister Pip de  Lloyd Jones..

Sur une île perdue  en proie à de graves révoltes, les enfants réapprennent à espérer grâce à la lecture très particulière d'un roman de Dickens. Leur instituteur improvisé devient M Pip et  provoque d'étranges jalousies . Bientôt les soldats recherchent partout un certain Dickens dont tout le monde parle  mais qui est-il?  Un livre extra! 

 Mon petit coin du monastère, Bei Bei: Joli livre également! Le naïf et le cynique dans la Chine moderne.  Une merveille  d'humour! 

Les flops: (je préfère ne pas insister) 

Faire surface, Margaret Atwood:  Je l'ai trouvé insipide et vague

L'héritière amoureuse, Valérie Parv, challenge Harlequin, L'amour exotique par excellence avec toutes ses outrances et ses invraisemblances. Le conformisme de l'improbable, toujours! 


Deux étrangers, Émilie Frèche. Après sept ans de silence, le père appelle sa fille. Elle se rend au rendez-vous mais  quoi? Rien de plus?   Je n'ai pas pu croire à cette histoire!


Enfin les BD du mercredi!

No sex in New York, Riad Sattouf. A New York où le sexe s'affiche partout, le héros , en visite, se sent très  attiré par tout ce qu'il voit mais paumé. C'est potache mais sympathique, sans plus! 


David les femmes et la mort, Judith Vanistendael: Quand un père de famille meurt de cancer, quelles sont les réactions de son entourage? Réaliste et sensible. J'ai aimé. 


C'était le bonheur, Blutch. Cette fois, c'est le divorce qui est mis en scène quand un enfant est au milieu. Dessins griffonnés , vifs et rageurs. Cruel et drôle aussi parfois. 


La Casati, La Muse égoïste, Vanna Vinci. Une femme excentrique. Une véritable artiste qui savait se mettre en scène et  qui a inspiréde très nombreux artistes dans les années 20. Instructif. Surtout pour les curieux de cette période.  

vendredi 30 août 2013

Mon petit coin du monastère, Bei Bei

"Un roman malicieux mais cruel, sous les dehors d'un polar décalé, dans un grand monastère bouddhiste comprenant plusieurs pagodes et six "ouatères" destinés aux visiteurs ." (Le Monde)

Une délicieuse surprise ce court récit sur  deux amis d’enfance qui se retrouvent après une vingtaine d’années dans des circonstances dramatiques mais rendues amusantes et cocasses car racontées par l’un d’eux, le plus naïf et le plus attachant. 
Il est préposé aux toilettes du monastère du Dragon, à Pékin, où il s'est installé pour économiser le loyer.  Il y vit seul car divorcé et loin de son fils, sa seule raison de vivre.
«Moi les ouatères, c’est mon métier et, par-dessus le marché, je vis dedans.»
Son métier, il le fait avec amour  et gagne sa vie en vendant du papier toilette à ceux qui n’en ont pas apporté. Il est relativement heureux  jusqu’au jour où son ami d’enfance, qu’il admire,  vient lui demander de l’héberger sur son lieu de travail. 
Vingt ans étaient passés, mais je n’avais pas oublié son nom, il était assis à la même table que moi, au collège. Vingt années que je ne l’avais pas vu, et soudain, voilà qu’il débarquait à l’improviste.
Celui-ci est d’un milieu social plus élevé et s’est beaucoup enrichi, sans scrupules, avec cynisme,  mais il est  désormais poursuivi pour de vilaines affaires. Il exploite très vite la bonté de son ami tout en se faisant nourrir par lui  et en  lui suggérant une bien mauvaise idée pour s'enrichir à toute allure grâce à son  insolite lieu de travail... et ça marche!
Là aussi commence le polar! 
C’est un récit très agréable à lire, drôle, percutant, rocambolesque et très moderne sur la Chine actuelle et l’argent facile.
Ce qu'en dit In cold blog pour qui c'est "une petite merveille d'humour".

Mon petit coin de monastère,  Bei Bei
Roman traduit du chinois par Françoise Naour
(Bleu de Chine) Gallimard, 2010, 93 p.

 Bei Bei: Pseudonyme de Lin lan, romancière et rédactrice de revue. 

mercredi 28 août 2013

La Casati, La Muse égoïste, Vanna Vinci, ma BD du mercredi



La Casati, (1881-1957), marquise romaine, muse et mécène,  dont voici la biographie en BD, est une personnalité du début du XXe siècle dont on dit qu’elle aurait été la femme la plus souvent représentée dans l’art, après Cléopâtre et la Vierge Marie! Rien de moins! 
Pourtant qui la connaît encore désormais, à part quelques créateurs de mode comme Galliano et Lagerfeld qui s’en sont inspirés? Très influente, elle voulait faire de sa vie une œuvre d’art et 123 peintres ont fait son portrait dont Giovanni Boldini et  van Dongen. Elle a connu bien des artistes et fréquenté tout le gratin de l’époque. La liste  en est longue: Léon Bakst, Man Ray, Marinetti, Cecil Beaton, Dali, entre autres. 
Pour moi, elle reste surtout  la grande amie et l’inspiratrice de d’Annunzio, l’auteur italien qui fit beaucoup parler de lui pour son engagement politique lors des deux Grandes Guerres et surtout pour ses romans dont "L'enfant de volupté".

Le récit s'ouvre sur l'évocation de la fin de sa vie, lorsque passant dans les rues  de Londres, dans les années 50, elle semblait un fantôme avec ses fourrures en léopard, son chapeau à voilette et  ses tonnes de khôl autour des yeux, au milieu des filles à la Audrey Hepburn, puis très vite on en vient à sa naissance et à son mariage avec un marquis auquel elle apporte la grande richesse  de sa famille et qui lui fait une fille qu'elle confie à des nourrices car l'instinct maternel n'est pas son fort. 
Elle préfère s'intéresser aux sciences occultes et rencontre d'Annunzio, qui lui inspire son nouveau moi. Elle choisit alors la plus belle résidence romaine et devient célèbre pour ses décorations d'intérieur très en avance sur son époque et ses réceptions.   Chacune de ses apparitions publiques fait scandale. Elle s'entoure de serpents et d'animaux exotiques, gazelles, lévriers, paons, guépards. 
Devenue la marraine du Futurisme, elle était admirée et jalousée. Rome, Venise Paris, Londres, elle s'installait partout, se sentant libre bien que profondément timide et réservée  en réalité, elle se dépassait dès qu'elle devait paraître en société. Elle avait un corps sublime et une élégance toute naturelle mais c'était une exhibitionniste qui avait besoin d'un public et, pour le garder, aucune extravagance ne lui faisait peur.  


Cette BD me l’a fait connaître car j'ignorais tout de cette femme excentrique et naturellement cet aspect compte beaucoup dans mon appréciation. Les dessins sont dès lors secondaires, ce qui fausse un peu  sinon mon jugement du moins l’intérêt que j’ai pu lui porter, contrairement aux autres BD lues récemment dont je connaissais déjà l'artiste en question:  Chagall,  Picasso, Apollinaire,  Zweig.
Ici, l’histoire l’emporte largement sur le graphisme. Je peux simplement dire que les dessins ne m’ont pas gênée mais que les couleurs m’ont semblé bien pâlottes et comme passées.
Cette lecture cependant  était une vraie curiosité qui naturellement  m'a poussée à me documenter davantage sur cette personnalité qui me demeure malgré tout très étrangère mais qui, aujourd'hui où le paraître l'emporte, se sentirait sûrement comme un poisson dans l'eau. 

La Casati, La Muse égoïste, Vanna Vinci, ma BD du mercredi
(Dargaud, 2013,  88 pages)




La Casati par Boldini, van Dongen, Man Ray, Vanna Vinci,


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Bonne fin de vacances aux chanceux qui en profitent encore! 

Bon retour à ceux qui se préparent pour la rentrée, 

- littéraire ou autre - 

Dès à présent, je pense  élargir mes lectures  en matière de BD

et choisir des thèmes et des genres que j'ai eu tendance à ignorer jusqu'ici,

 persuadée qu'ils ne me plairaient pas mais comment savoir si je n'essaie pas?

Je pense en particulier au challenge Halloween  de Lou et de Hilde  

qui aura lieu  en octobre,  pour l'édition 2013,
avec un rendez-vous  possible autour des BD
(genre Fantastique/horreur)
Il est déjà annoncé 
et se met doucement en place.
Succès assuré, 
comme chaque année!  
Ce serait bien si on était plusieurs à le faire! 

Anne,  Alex, Asphodèle,  Blogaelle, Brize,

  Choco,  Cristie,  Crokbulle   Cuné Delphine,  Didi,  Élodie, Estellecalim,  Hilde, Hélène,  Sophie,  

Hérisson, Iluze,  Irrégulière,  

Itzamna, Jérôme,  Jérôme 2,   Kikine,   La-ronde-des-post-it,

Lirepourleplaisir, Lou, Lounima,   Lystig,  Mango, Manu,  Margotte,  Marguerite, Marie, 

 Marion,  Marion Pluss,  Marilyne,
  
Mathilde, Mélo, Miss Alfie,

Miss Bouquinaix, Moka,  Mo',    Natiora,  Noukette,   OliV,    Pascale, Paulinelit,

  Sandrine,  Sandrounette,  Sara,  Sophie,   Soukee,  Stephie,  Syl, Theoma, 

Un amour de BD Valérie,  Vero,  Yaneck,    Yoshi73,  Yvan

lundi 26 août 2013

Un repas chez les Buddenbrook de Thomas Mann


En ouverture du roman,   un  repas  des Buddenbrook, au centre de  toute la première partie, sur dix chapitres, (Poche de la page 13 à la page 56)

Ce dîner a lieu à Lübeck, en octobre 1835, pour l'inauguration de la nouvelle demeure de la famille.
 
 «C’était jeudi, jour où, une fois par quinzaine, la famille se réunissait régulièrement; mais aujourd’hui, outre ses membres établis dans la ville, on avait prié quelques bons amis à un dîner sans cérémonie et, sur les quatre heures, au crépuscule tombant, on attendait les convives. (…)
 La soubrette aux bras rouges et nus, en lourde jupe rayée, la nuque coiffée d’un petit bonnet blanc,  achevait de servir… la julienne fumante accompagnée de rôties; et l’on commença à jouer délicatement des cuillers. (…) 
 
On changea les assiettes de Saxe à bordure d’or, cependant que Mme Antoinette suivait avec une attentive vigilance les mouvements des servantes et que Melle Jungmann jetait des ordres dans l’embouchure du tube acoustique  reliant la salle à manger à la cuisine. On fit passer le poisson. (…)
On changea encore les assiettes. Un énorme jambon pané, couleur de brique, apparut, fumé, rôti, accompagné d’une sauce brune aux échalotes, au bouquet aigrelet, et flanqué d’une telle abondance de légumes que le contenu de ce seul plat eût suffi à rassasier tout le monde. (..) On fit passer aussi le chef d’œuvre  de Mme Élisabeth: la «marmite russe», macédoine de fruits en conserve à la saveur chatouillante et capiteuse. (…)
Alors, dans deux grandes coupes de cristal, apparut le pudding fourré, édifice savant de macarons, de framboises, de biscuits et d’œufs à la neige; au bout de la table, cependant, quelque chose flamba; c’était le plum-pudding, dessert favori des enfants, qu’on venait de leur servir." 
Dessert servi avec "le vieux malvoisie, jaune comme l’or et doux comme le raisin". Toast. 
Brouhaha des fins de dîner: cigares pour les amateurs, café pour tout le monde. Liqueurs. 
Soirée : concert harmonium et flûte pour les dames, billard pour les hommes.

dimanche 25 août 2013

Victor Hugo, Gastibelza, l'homme à la carabine


Gastibelza, l'homme à la carabine,
Chantait ainsi :
Quelqu'un a-t-il connu doña Sabine ?
Quelqu'un d'ici ?
Chantez, dansez, villageois ! la nuit gagne
Le mont Falu...
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Quelqu'un de vous a-t-il connu Sabine,
 Ma señora ?
Sa mère était la vieille maugrabine
D'Antequera,
Qui chaque nuit criait dans la tour Magne
Comme un hibou...
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Vraiment, la reine eût, près d'elle, été laide
Quand, vers le soir,
Elle passait sur le pont de Tolède
En corset noir.
Un chapelet du temps de Charlemagne
Ornait son cou.
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Le roi disait, en la voyant si belle,
A son neveu :
Pour un baiser, pour un sourire d'elle,
 Pour un cheveu,
Infant don Ruy, je donnerais l'Espagne
Et le Pérou !
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou."

Je ne sais pas si j'aimais cette dame,
Mais je sais bien
Que, pour avoir un regard de son âme,
Moi, pauvre chien,
J'aurais gaîment passé dix ans au bagne
Sous les verrous.
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Un jour d'été que tout était lumière,
Vie et douceur,
Elle s'en vint jouer dans la rivière
Avec sa sœur,
Je vis le pied de sa jeune compagne
Et son genou ... 
Le vent qui vient à travers la montagne

Me rendra fou.

Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre
De ce canton,
Je croyais voir la belle Cléopâtre,
Qui, nous dit-on,
Menait César, empereur d'Allemagne,
Par le licou.
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe
Sabine, un jour,
A tout vendu, sa beauté de colombe,
Tout son amour,
Pour l'anneau d'or du comte de Sardagne,
Pour un bijou.
Le vent qui vient à travers la montagne
M'a rendu fou."

Victor HugoGastibelza,  pièce XXII du recueil "Les rayons et les ombres" "Guitare" (1837)(L
Georges Brassens  1954 (Texte remanié)
Francisco Goya  (1746/1828) Senora Sabasa Garcia,


Je l'ai entendu récemment à la radio et depuis je ne peux plus m'en défaire! 

samedi 24 août 2013

Enfin un coup de cœur...Mister Pip, Lloyd Jones..


Voilà un livre qui donne furieusement envie de lire et de relire  - toujours plus – le même livre s’il le faut – même si, comme dans cette histoire, il n’y a que deux livres dans la petite île perdue au fond du Pacifique en proie à une féroce guerre civile, en  1961, là  où vit la narratrice, la jeune écolière Matilda.
Ces deux livres sont au centre du roman: la Bible tout d'abord,  le seul trésor de la mère de Matilda, abandonnée par son mari sur l’île avec sa fille.  L’autre surtout  est l’histoire de Mister Pip, le héros des Grandes Espérances de Charles Dickens dont une page est lue chaque jour par l’unique instituteur, M. Watts, le seul Blanc de l’endroit, l’époux de Grâce, une femme  Noire dont il s’occupe avec soin en la traînant partout avec lui  dans un chariot, vu son poids.
Tout le monde l’appelait Bel Œil. Même alors, la fille maigrichonne de treize ans que j’étais pensait qu’il connaissait  ce surnom, mais qu’il s’en moquait.  Trop occupé à regarder au loin, très loin devant lui, il ne prêtait aucune attention à nous autres , gamins aux pieds nus.Il avait l’air d’avoir vu et connu des malheurs si terribles qu’il n’avait pu les oublier. 
On ne sait pas grand chose le concernant. Ce sont les habitants qui lui ont demandé de s’occuper de leurs enfants, quand leur île a été coupée du monde par la révolte des rebelles, en lutte contre l’impérialisme australien. Il prétend ne pas connaître grand chose si bien qu’il se contente de lire et de donner la parole aux parents qui veulent bien parler de ce qu’ils connaissent le mieux.
M. Watts nous offrait en partage une portion du monde, où je pouvais me réfugier aussi souvent que j'en avais envie.
Bientôt les enfants se passionnent pour les aventures de Pip, surtout Matilda qui raconte avec enthousiasme le récit quotidien à sa mère. Celle-ci devient vite jalouse de ce Pip et de M. Watt. Elle sent sa fille échapper à son influence.
Elle me demanda un jour si Bel Œil nous enseignait la Parole Divine. Puis elle se rabattit sur son autre souci du moment en m’interrogeant sur les personnes, les poissons et les oiseaux qui composaient notre arbre généalogique.
J’échouai misérablement. Quelle raison aurais-je pu avoir  de les garder en mémoire ?  A l’inverse, je connaissais tous les personnages des Grandes Espérances. Mais il est vrai que je les avais entendus parler, eux. Ils m’avaient fait part de leurs pensées. Parfois même, tandis que M. Watts lisait à voix haute, il m’arrivait de distinguer leurs traits. Pip, Miss Havisham et Joe Gargery faisaient davantage partie  de ma vie que tous mes ancêtres et tous les membres de mon entourage. 
Cependant, les luttes se resserrent autour de l’île épargnée jusque là.
Des combattants arrivent pour rechercher M. Pip. Qui est-il ? Qui est ce M. Dickens dont on parle dans toutes les familles?
Ce n’est que le commencement: le pire est à venir.
Quelle merveille, ce livre!

Autres avis: Papillon,  Karine,  et sur Babelio...

Mister Pip, Lloyd Jones, 
Traduit de l'anglais (Nouvelle Zélande) par Valérie Bourgeois,
(Michel Lafon, 2008, 260 p.)

Lloyd Jones: né en 1955,  en Nouvelle Zélande,  son roman,   Mister Pip a remporté le Prix des meilleurs écrivains du Commonwealth et a été finaliste pour le Booker 2007 .

jeudi 22 août 2013

Deux étrangers, Émilie Frèche

«Mon père se comparait très souvent à François Mitterand. Il n’avait pas d’admiration particulière pour cet homme de gauche, mais une fascination absolue  pour le pouvoir et le président en était l’incarnation suprême.  Comme lui, il portait donc une écharpe rouge, collectionnait les maîtresses, avait un rond de serviette  Chez Lulu, lisait Le Prince de Machiavel et possédait un labrador prénommé Adriatique en tout point semblable à Baltique, la célèbre chienne du chef de l’État. Il n’y avait qu’avec cette bête  que mon père était vraiment gentil. Et d’humeur toujours égale.» (Premières lignes)

J’aime bien ce début qui nous présente le héros du roman, ce père  d’Élise,  la narratrice,  qui la hante encore après sept ans de silence total pendant lesquels ils sont devenus  étrangers l’un à l’autre. 
Elle est mariée à Simon qui, lui, n’aime que les chats. 
«Je crois qu’au fond, c’est aussi cela chez lui qui m’a séduite. S’il avait aimé un chien à la place de ce chat, les choses auraient été différentes; s’il avait aimé un chien, je suis certaine que nous n’aurions pas eu d’enfants ensemble.» mais ils ont eu deux fils, d’une dizaine d’années désormais,  lorsque sur un coup de fil soudain de son père qui lui demande de venir le rejoindre à Marrakech, elle laisse tomber sa famille, prend la vieille voiture de sa mère décédée et se lance dans un voyage chaotique  à travers la France, L’Espagne et le Maroc pendant lequel elle revit ses années passées avec ce père qu’elle déteste. 
C’était un tyran domestique, un père castrateur et violent, qui la rabaissait sans cesse et pourtant elle accourt vers lui à son premier appel. Elle écoute aussi les nouvelles du monde pendant ce voyage et elle revit l’histoire de sa famille, père ashkénaze et mère séfarade,  celle des grandes tragédies du XXe siècle par là-même. 
La grande question naturellement pendant toute la lecture est de savoir les raisons de ce ce genre d'ultimatum lancé par son père et s'ils réussiront à se rapprocher. 

J'aurais voulu pouvoir me dire  séduite par ce récit. Il a reçu un prix  malgré tout! Cependant à part quelques bons passages comme le début, je me suis trop souvent ennuyée pour la simple raison que je n'ai pas cru à cette histoire. Non qu'elle soit invraisemblable, loin de là,  mais les personnages manquent de chair. Tout est trop centré sur le ressenti de la jeune femme qui cherche avant tout  à combler le manque essentiel de son enfance: l'approbation, l'amour de ce père trop exigeant. Ses fils, si vite abandonnés, ne pèsent pas lourd dans cette histoire. 
C'est un livre ambitieux, qui parle aussi bien de généalogie, de transmission, d'hérédité, d'héritage, que d'amour, de trahison, de solitude. La vérité, c'est que je n'ai pas bien compris cette femme, ses choix, ses sentiments, ses priorités. Elle m'est demeurée une énigme.  Je ne l'ai pas assez aimée pour souffrir avec elle de ce qui lui arrive et dernière déception: la fin n'a pas été à la hauteur de ce que j'espérais, ce n'était qu'un flop, m'a -t-il semblé. un comble puisque je n'ai poursuivi ma lecture que par curiosité pour le dénouement! 

Deux étrangers, Émilie Frèche
(Actes Sud,  janvier  2013, roman, 274 p.)

Prix Orange du Livre 2013  (Les internautes et le jury du Prix Orange du Livre ont élu Emilie Frèche pour son roman. Le public pouvait voter du 15 mai au 4 juin et choisir parmi les six ouvrages sélectionnés par le jury, présidé par Erik Orsenna et composé d'Arthur Dreyfus, Colombe Schneck, Florian Zeller, Eric Reinhardt, Alain Schmidt, Anne-Sophie Thuard et de huit internautes, sélectionnés sur candidature.)

Emilie Frèche succède à 
  • Fabrice Humbert (L’Origine de la violence, Le Passage), 
  • Jacques Gélat (Le Traducteur amoureux, Corti),
  •  David Thomas (Un Silence de Clairière, Albin Michel) 
  •  Arthur Dreyfus (Belle Famille, Gallimard), respectivement distingués de 2009 à 2012.
 Elle a reçu une dotation de 15 000 euros.

mercredi 21 août 2013

C'était le bonheur, Blutch, ma BD du mercredi


Blutch, ou  Christian Hincker, est  un auteur dessinateur très connu que je découvre seulement maintenant avec cet album paru en 2005.
Il s’agit d’un recueil de petites scènes  sur le couple et l’enfant au moment où se pointe le  divorce. 
Le bonheur est passé mais il faut s’accrocher. 
Tout y passe : souvenirs heureux ou cruels, regrets, colères, abattement, séduction, solitude, nouveaux espoirs, énergie nouvelle. 
L’enfant est au milieu et il faut le ménager.
Les dessins d’humour,  griffonnés au stylo à bille, sont rapides, efficaces,  caustiques. L’ensemble me laisse mélancolique car l’histoire est triste au fond, voire cruelle si l’on se place du point de vue de l’enfant mais la lecture de cet album a été agréable, un peu rapide bien sûr, il y a très peu de texte,  mais  je me suis souvent surprise à sourire, étonnée par l’originalité d’un  épisode ou  par une succession de dessins totalement inattendus!  


C'était le bonheur, Blutch,
(Futuropolis, 2005)

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Anne,  Alex, Asphodèle,  Blogaelle, Brize,

  Choco,  Cristie, Crokbulle,  Cuné Delphine,  Didi,  Élodie, Estellecalim,  Hilde, Hélène,  Sophie,  

Hérisson, Iluze,  Irrégulière,  

Itzamna, Jérôme,  Kikine,  La-ronde-des-post-it,

Lirepourleplaisir, Lou, Lounima,   Lystig,  Mango, Manu,  Margotte,  Marguerite, Marie, 

 Marion,  Marion Pluss,  Marilyne,
  
Mathilde, Mélo, Miss Alfie,

Miss Bouquinaix, Moka Mo',    Natiora,  Noukette,  OliV',   Pascale, Paulinelit,

  Sandrine,  Sandrounette,  Sara,  Sophie,   Soukee,  Stephie,  Syl, Theoma, 

Un amour de BD,  Valérie,  Vero,  Yaneck,    Yoshi73, Yvan,

lundi 19 août 2013

Un peu de baume au cœur ou un petit tour en librairie


Branle-bas de combat, comme toujours,  après le 15 août.
 La rentrée approche et c'est toujours le moment des grands chambardements.  

 Les moineaux s'envolent ou reviennent. Les horaires et les adresses changent. Petite baisse de régime habituelle en cette fin de saison. Seule solution, le petit tour en librairie malgré la Pal qui n'a que très peu diminué cet été et avant le rush vers les nouveautés de la rentrée qui commencent à  s'afficher. Résultat? Rien de bien transcendant mais  deux livres  qui me tentent depuis longtemps parce que je sais qu'ils sont  tout doux et   apaisants, peu ruineux puisqu'en Poche. C'est l'achat compulsif type. A peine aperçus, aussitôt pris. Deux secondes auparavant, je n'y songeais même pas.  Mais j'ai plein d'autres de la bibliothèque encore à lire dont  la date de retour approche ?  
Tant pis, ils attendront! Ceux-ci sont tout minces. 
Je devrais les lire vite. 
Un bleu et un rose ... (plus rose que sur la photo où il semble violet),  
avec un bandeau rouge indiquant que c'est aussi le choix des libraires. 
Je devrais passer un bon moment grâce à eux.  
A Mélie , sans mélo... Et puis Paulette...
Barbara Constantine

dimanche 18 août 2013

La voix de Baudelaire et les Paradis artificiels

Mon berceau s’adossait à la bibliothèque,
Babel sombre, où roman, science, fabliau,
Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
Se mêlaient. J’étais haut comme un in-folio.
Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
Disait : " La Terre est un gâteau plein de douceur ;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme !)
Te faire un appétit d'une égale grosseur. "
Et l'autre : " Viens ! oh ! viens voyager dans les rêves,
Au delà du possible, au delà du connu ! "
Et celle-là chantait comme le vent des grèves,
Fantôme vagissant, on ne sait d'où venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te répondis : " Oui ! douce voix ! " C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, hélas ! nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J'aime si tendrement le désert et la mer ;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer ;
Que je prends très souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit: "Garde tes songes :
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous!"

Les Fleurs du Mal, ( 1868)
Spleen et Idéal,
La voix,
XCIII

Pourquoi ce choix, ce dimanche précisément? 
Parce que  je suis tombée, lors d'un  ultime rangement , sur  un livre si jauni (en 10/18) et pas encore lu depuis le temps  que je me suis décidée à l'ouvrir et à le feuilleter. il s'agit de:  Les Paradis artificiels de Baudelaire dont la préface par Maurice Nadeau s'ouvre justement par le début de ce poème. J'aime particulièrement  les quatre premiers vers. 
Plus loin Baudelaire affirme en  ouverture à son étude
"Le bon sens nous dit  que les choses de la terre  n'existent que bien peu, et que 
la vraie réalité n'est que dans les rêves." 

Je ne suis pas sûre qu'il ait raison mais j'ai très envie parfois de le croire!