Cette fois-ci c’est son frère de vingt et un ans atteint d’un cancer digestif que la narratrice accompagne jusqu’à sa disparition. Elle a gardé un souvenir très doux des heures passées avec lui dans sa chambre d’hôpital. Elle y pense sans cesse, peut-être parce que nous étions deux et que nous n’avons pas reçu beaucoup d’affection de nos parents.
Elle raconte sa vie depuis le moment de l’arrivée de son frère, un jour d’automne, dans ce grand hôpital de Tokyo jusqu’à sa mort, au début du printemps quelque temps plus tard quand la neige a disparu, et que les pétales des fleurs de cerisiers commencent à voltiger comme des flocons. Il n’avait pas réussi à vivre treize mois.
Cette chambre est parfaite pour elle qui a vécu avec une mère atteinte de maladie mentale dans une crasse invraisemblable, cause du divorce de ses parents et de sa grande solitude.
Je n’avais jamais eu jusqu’ici l’occasion d’apprécier une propreté aussi paisible. Si j’aimais tellement cette chambre de malade, c’est parce que la vie n’y avait pas sa place. Mais à côté de l’attachement que j’éprouvais pour cette chambre, la maladie était en train d’envahir lourdement l’intérieur du corps de mon frère. …La liste des aliments qu’il pouvait encore assimiler se réduisait vite. J’ai perdu l’appétit en même temps que lui .Elle passe donc tout son temps libre dans la chambre de son frère, qui devient synonyme de pureté, de silence et de paix contrairement à sa propre cuisine où elle retrouve son mari, un chercheur très occupé qui rentre toujours vers trois heures du matin et qui lui demande alors de lui faire à manger. Elle ne voit plus que les bouches des gens, celles de sa mère, de son frère, de son mari. Elle en est obsédée.
Personne ne mangeait aussi joliment le raisin que mon frère. Le mouvement des lèvres, le bruit de la salive qui gicle ou l’aspect des dents, il y avait toujours quelque chose qui me déplaisait chez les autres.La réalité des corps lui devient douloureuse. L’action de manger lui devient laide. Elle l’associe aux ordures, aux poubelles qu’il faut sans cesse vider.
Si l’on pouvait se débarrasser de toutes les choses de la vie dans un vide-ordures et vivre aussi légèrement qu’un morceau de cristal!... pensais-je au fond de moi, et j’arrondissais le dos. J’ai toujours détesté la vie.Elle rencontre souvent au bar ou à la bibliothèque de l’hôpital le professeur qui soigne son frère et qui, lui, souffre de se sentir orphelin depuis son enfance.
J’aimais aussi la bibliothèque, de la même manière que j’aimais sa chambre à l’hôpital. Là non plus on ne sent pas la vie.
Un soir, à sa demande, le professeur la serre dans ses bras et elle éclate enfin en sanglots, ce qui l’apaise.
Une chambre d’hôpital est un endroit parfaitement purifié de toutes les turpitudes de la vie. Quand je suis dans cette chambre, j’ai l’impression de devenir un ange ou une fée.
Elle n’a jamais revu le professeur.
Simplement quand je pense à mon frère, je me souviens de cette nuit de neige où il me tenait serrée sur son cœur et je pleure.
Une chambre parfaite donc, comme un seuil, un hâvre de paix, une halte avant le grand saut!
Pour une fois j’ai laissé beaucoup de citations car le charme de Ogawa vient de ses phrases si faussement calmes, si belles, si apaisées mais qui contiennent toute la violence des grandes douleurs.
Participation 3 au challenge de ChocoUne parfaite chambre de malade de Yoko Ogawa
(Thesaurus,Actes sud, tome 1,1989/200)
Récits traduits du japonais par Rose-Marie Makino, page 47 à 85)
Je me demande si ça n'est pas un peu tricher ça, de découper un mini recueil de nouvelles en 2 billets... ;)
RépondreSupprimerChoco, ne le compte pas si tu veux, mais mon volume comprend quatorze titres de Ogawa puisque Actes sud veut publier en deux tomes les nouvelles et les romans de cette romancière. J'ai mis cette couverture parce que j'ai déjà choisi l'autre avant, la verte, celle du Thesaurus, tome 1 qui comprend aussi ses romans "Hôtel Iris", "Tristes revanches " et quelques autres...
RépondreSupprimerJe n'ai pas du tout aimé cette nouvelle
RépondreSupprimerclara, j'ai vu ça!
RépondreSupprimerJe pense l'avoir lue aussi cette nouvelle. En tout cas, ça me rappelle quelque chose !
RépondreSupprimerUne nouvelle qui me semble un peu trop triste par son sujet... je passe ;-)
RépondreSupprimerJe n'aurai pas le courage de me plonger dans cette nouvelle, mais c'est sûr je relirai Yoko Ogawa pour son écriture.
RépondreSupprimerManu,c'est tout-à-fait possible car elle est aussi en livre de poche avec une autre histoire.
RépondreSupprimerLounima, de cette romancière je n'ai lu encore que des histoires tristes.
RépondreSupprimerAifelle, écrit-elle des histoires plus gaies?
RépondreSupprimer"La formule préférée du professeur" que j'ai lue était très touchante, mais je ne l'ai pas trouvée triste, même si l'auteure ne fait jamais dans la franche rigolade !
RépondreSupprimerAifelle, c'est vrai qu'elle n'est pas toujours aussi triste et j'ai beaucoup aimé aussi "La formule préférée du professeur".
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