lundi 20 juin 2011

Yoko Ogawa. La Piscine

Aya est une jeune adolescente dont les parents gèrent un orphelinat. Elle est malheureuse et seule,  se sentant délaissée par ses parents,  trop occupés par leurs autres enfants.
 Son seul plaisir est d’aller à la piscine en cachette pour admirer le corps de Jun lorsqu’il plonge dans l’eau. C’est un garçon de son âge élevé avec  elle,  toujours d’humeur égale,  le seul ancrage positif de son existence.
Le côté négatif d'Aya, en revanche, est sa tendance à persécuter le bébé d’un an et demi qu’on lui confie souvent, une jolie petite fille qu’elle fait pleurer puis qu'elle l'enferme,comme par jeu, dans une jarre et enfin qu’elle rend très malade en lui offrant consciemment un gâteau avarié. Je voulais encore entendre des sanglots de bébés ; je voulais goûter à toutes sortes de pleurs.
 Un soir, au retour de la piscine, elle se rend compte soudain que Jun sait qu'elle est  la responsable de ces méfaits car il ne la quitte pas des yeux. Tout en suivant son profil du regard, je pris conscience du fait que je ne pourrais plus rien lui demander. Ni caresses, ni protection, ni chaleur. Il ne plongerait sans doute plus jamais  dans ma propre piscine troublée par des pleurs d’enfants orphelins. Des vagues de regrets arrivaient sur moi, doucement mais sans relâche. 
C’est un récit des plus ordinaires et des plus troublants à la fois, bien spécifique de l’écriture de Yoko Ogawa qui aime décrire la perversité des êtres innocents et fragiles, à la recherche d’eux-mêmes, partagés entre leur désir de pureté et de plénitude tranquille d’un côté et par leur tendance au sadisme et à la cruauté de l'autre. Simple constatation au-delà de toute morale qui n’est pas de mise ici.
Plus je lis Ogawa, plus je l’apprécie.

Début de "La piscine"
Jun avance sur le plongeoir de dix mètres. Il a pour maillot le slip de bain rouge foncé que j’ai vu hier pendu sous l’auvent de la fenêtre de sa chambre. Arrivé à l’extrémité de la planche, il tourne lentement le dos à la surface de l’eau et aligne les talons. Tous les muscles de son corps sont bandés à l’extrême, comme s’il retenait sa respiration. C’est la ligne musculaire qui part de la cheville pour atteindre la cuisse à ce moment-là que je préfère dans son corps. Elle a l’élégance glacée d’une statue de bronze.
Yoko Ogawa, La Piscine (ダイヴィング・プール)  (Thesaurus, tome 1,  Actes Sud 1992, Nouvelle)

25 commentaires:

  1. Intéressant...une lecture de plus, mais en ce moment je suis un peu débordée par mon livre du moment !!! Plus tard, peut-être. Bonne journée :)

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  2. Une belle lecture, rapide en fait mais inoubliable tellement c'est dense!

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  3. Tu n'es pas la première à vanter les mérites de Yoko Ogawa. Je vais mettre un de ses livres au programme de l'été. Un conseil?

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  4. Toi aussi, tu te laisses tenter par la quinzaine de Choco ! Il faut dire que son logo est superbe ! ;-)

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  5. Ogawa aime beaucoup les jeunes filles seules dans leur tête on dirait ;) Beau billet qui résume bien l'univers mystérieux d'Ogawa et me donne bien envie de poursuivre ma découverte de l'auteure (avec ce titre-ci notamment) !

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  6. Je pense que Yoko Ogawa mérite clairement tout le bien qu'on dit d'elle. Et plus, sans doute.
    C'est un des vraiments grands écrivains actuels.

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  7. vraiment, sans s, c'est mieux ;-)
    Désolée

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  8. Je crois que c'est le premier d'Ogawa que j'ai lu, on me l'avait offert. Il est très représentatif de son talent, ces petits récits qui mettent mal à l'aise.

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  9. Un Ogawa pas lu c'est du bonheur en perpective !

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  10. J'espère bien que Blog après Blog, nous parviendrons à faire un peu de publicité pour notre ami Ötli!!!!

    Belle soirée Mango

    Chrys

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  11. Un auteur que je souhaite découvrir bientôt...

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  12. Un auteur que je souhaite découvrir bientôt...

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  13. Tout ça me fait bien envie ! :)
    Merci pour ta participation !

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  14. Fransoaz, Je ne me sens pas du tout qualifiée pour te donner un conseil à ce sujet car j'aime tout ce que j'ai lu d'elle jusqu'ici. Elle ne m'a encore jamais déçue,ce qui est peut-être douteux d'ailleurs et fait de moi une inconditionnelle de cette écrivain. J'ai le Thésaurus tome 1 qui rassemble bon nombre de ses récits, alors je n'ai que l'embarras du choix. J'ai bien aimé:"La désagrégation du papillon" par exemple mais aussi:"Un thé qui ne refroidit pas", très étrange et "Une parfaite chambre de malade". Ceci dit, il y a quelques irréductibles qui n'entrent pas dans cet univers. Tiens-moi au courant de ton choix finalement. Je lirai tes impressions avec plaisir.

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  15. Kathel, Elle sait être très convaincante!

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  16. Cynthia, ces jeunes femmes restent un vrai mystère à chaque fois pour moi. Je suis subjuguée par leurs réactions si étranges sous des dehors si calmes.

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  17. Sibylline,C'est aussi mon sentiment. Je suis bien d'accord avec toi. C'est une des plus grandes.

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  18. nathalie (Mark et Marcel),ils séduisent tout en mettant mal à l'aise. Curieux!

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  19. Dominique, un vrai bonheur à chaque fois.

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  20. chrys, nous y arriverons, tu verras!

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  21. Moka, Une telle découverte vaut vraiment la peine!

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  22. Choco, C'est grâce à toi que je l'ai découverte. Encore merci.

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  23. j'avais été charmée par son écriture dans "La formule préférée du professeur", j'en lirai d'autres, c'est sûr!! peut être même celui ci en tête de lite! :)
    merci!

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  24. Lasardine,Mais oui, j'avais oublié "La formule préférée du professeur". Je l'ai bien aimé aussi.

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  25. J'aime beaucoup l'univers et la plume de Yoko Ogawa. Je n'ai pas encore lu cette nouvelle.

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