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dimanche 23 mars 2014

Les évaporés, un roman japonais, Thomas B. Reverdy

J'ai beaucoup aimé ce roman qui évoque le Japon de toujours avec ses qualités et ses défauts:  la douceur de vivre mais aussi l'omniprésence des Yakuzas, cette mafia qui gangrène et contrôle la société industrielle. 
Cependant l'histoire se déroule dans le Japon d'aujourd'hui, celui d'après la grande tragédie: celle de Fukushima. Il y est question de fuite en avant, de disparition mystérieuse, d'enquête et de course poursuite d'une fille  pour retrouver son père "évaporé" un soir sans plus donner aucun signe de vie. 
Kaze était un père affectueux, un mari aimant et un cadre de banque très  estimé  mais qui venait d'être congédié par ses supérieurs pour avoir eu connaissance des agissements des Yakuzas au sein de son entreprise. Selon la loi japonaise, un adulte qui décide de disparaître ainsi brusquement n'est jamais recherché. On considère que c'est sa liberté. 
Appelée par sa mère désespérée, Yukiko revient de Californie où elle travaille avec Richard, son détective amoureux. 
Les recherches seront longues et vaines très longtemps et on ne peut que craindre le pire jusqu'au moment où le récit prend un ton nouveau avec un genre d'espoir  tout à fait inattendu grâce à  la rencontre d'un très jeune survivant du  tsunami et des jours catastrophiques qui l'ont suivi. On est alors comme dans un autre monde avec les réfugiés du camp de Sendaï. On espère on tremble, on cherche, on s'attriste avec les personnages. On réalise que tous sont en fuite à leur manière et nous peut-être  aussi, comme eux et avec eux. C'est un livre très riche, qui m'a emportée très loin dans cette aventure et ce pays si proche et pourtant si différent! Un très joli moment!  
Les évaporés, Un roman japonais, Thomas B. Reverdy
Flammarion, 2013, 302 pages

dimanche 29 septembre 2013

Les 10 amours de Nishino, Kawakami Hiroki

Qui est donc Nishino dont les femmes tombent si facilement amoureuses  et qu’il est si facile de quitter par la suite mais qu’on n’oublie jamais tout à fait  malgré tout? 
C’est ce que je me suis demandée tout au long de ma lecture teintée de curiosité et d’étonnement!  Une agréable lecture  même si chaque chapitre ressemble à une histoire nouvelle avec à chaque fois une nouveau point de vue et une nouvelle narratrice, mais l’objet reste le même: Nishino Yukihito, l’ami, l’amant, l’amoureux idéal, l’homme insaisissable  difficile à cerner. 
Un tel portrait est difficile à dresser. On entend dix voix  différentes, celles des dix femmes qui ont vécu avec lui tour à tour, l’une remplaçant l’autre car la morale de Nishino veut qu’il n’en ait jamais deux en même temps,ce qui fait aussi son malheur puisque ces femmes finissent toutes par le quitter en apprenant l'existence des précédentes ou des prochaines.
C’est un portrait en creux qu’on finit par tracer mais est-on jamais sûr d’arriver à atteindre  et à  comprendre la personnalité de ce personnage si énigmatique et pourtant si charmant et si facile à vivre?
J'ai aimé cette approche en biais d'un homme séduisant mais fuyant. Le style tout en nuances et en simplicité de l'auteur s'y prête parfaitement


Les 10 amours de Nishino,  Kawakami Hiroki

Roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu

(Éditions  Philippe Picquier, 2003/2013, 207 pages)

Kawakami Hiromi est née à Tôkyô en 1958.
Son oeuvre. couronnée de nombreux prix littéraires, a su s'imposer par la tonalité très particulière de son style,très subtil.  Ses thèmes privilégiés sont le charme de la métamorphose, l'amour et la sexualité.

Ce qui suit n'est pas indispensable  à ceux qui ne veulent pas connaître les détails. 

1 - Le premier récit, «La crème glacée» est celui de Natsumi, la mère de Minami. Celle-ci n’a que sept ans à l’époque mais racontera sa propre aventure avec Nishino, bien des années plus tard.
Natsumi a trente ans  et vit avec  un mari indifférent mais elle est éprise  de Nishino, la quarantaine, qui occupe un poste élevé et  "toujours entouré de plusieurs ombres féminines." Elle le quitte  quand sa fille a dix ans mais  le voit revenir chez elle quinze ans plus tard et elle repense à ce qu’il lui disait sans cesse:
«Au moment de mourir, je voudrais que tu sois près de moi, à mes derniers instants.» 
Il  a tenu sa promesse, semble-t-il.
Je n’en donne peut-être pas l’impression, avec mon allure plutôt nonchalante, mais dans mon cœur, je ne transige pas. …Fais-moi une tombe au moins , comme celle d’un poisson rouge, ça serait très bien.
2 -  «Dans l’herbe»
Shiori, compagne de classe de Nishino.
«Lui qui est si peu loquace, comment expliquer qu’il n’ait pas du tout l’air rébarbatif?  Il flotte autour de lui un climat mystérieux. L’atmosphère qui se dégageait de lui était douce, tiède, infiniment agréable. Une atmosphère qui faisait qu’insensiblement, ce qui se dégageait de sa présence donnait l’illusion de ne faire plus qu’un avec lui. Oui, une aura de cette nature.»
C’est elle qui surprend l’émouvante scène où Nishino soulage sa sœur qui vient de perdre son bébé.

3 – «Bonne nuit» 
Nushino Yukihiko et Enomoro Manami, sa supérieure.  
(Portrait physique de Nushino)
«Yukihiko était sauvage. Le mot surprendra peut-être car il serait difficile de trouver quelqu’un à qui ce qualificatif s’applique le moins. 

De beaux cheveux. Un menton carré, sans que le bas du visage s’en trouve durci. De grands yeux noirs. Des lèvres aux commissures toujours relevées. Toujours le sourire. Une voix douce. 

Yukihiko n’était jamais vraiment net, il y avait toujours quelque chose en lui de discordant. Lui qui était si nonchalant dans ce qu’il faisait, dans ses paroles, dans ses gestes. Tout en nonchalance, vraiment rien à dire, plein de charme. Et pourtant, à l’intérieur de lui-même, un manque de souplesse. Un sorte de rigidité intérieure. 
Nous étions inquiets. Nous délirions. Nous étions désespérés. Nous étions légers. Nous étions sur le point de commencer à nous aimer. Mais, incapables de nous aimer, nous restions immobiles à jamais en bordure de l’amour qui était juste devant nous.

Pourquoi ne suis-je pas capable d’aimer quelqu’un pour de bon? (Plainte de Nishino.)
4 – Le cœur battant.
 Kanoko, celle qui était jalouse de Manami. 
Douceur, netteté, méticulosité composent ce charme qui n’appartient qu’à lui.  Yukihito plaît aux femmes. J’ai un amant, je fais plutôt bien mon travail, je suis censée avoir beaucoup d’amis, mais quand vient le soir, j’appelle Yukihito. 
5 -Le royaume de la fin de l’été
 Nei. Une petite rencontre de rien du tout. A cette fille volage qu’il connaît peu, il avoue n’être qu’un coureur et c’est alors qu’elle se met à l’aimer vraiment tout en sachant que, lui, en est incapable. C’est dans cet épisode qu’on apprend, en passant,  que s’il n’aime pas la fin de l’été, c’est que sa sœur est morte à cette période, suicidée en son absence. 
Voilà un homme qui portait en lui un désespoir si profond. J’ai pensé que c’était sans espoir.
Alors même qu’elle avait supporté sans problème ses infidélités, Nei ne peut supporter cette révélation et met fin à ses relations avec Nishino. "J’aurais beau faire, ce malaise  glacial et effrayant ne s’effacerait plus jamais."
6 -  La tour d’Osaka, les deux lesbiennes. 

7 – Solitude
Eriko, la voisine et Maou, le chat. Il sont prêts à s’aimer et à se marier mais s’en empêchent: 
J’ai toujours fait attention de ne pas en arriver là. » dit Nishino
Il part appelé pour un autre travail. Le chat aussi disparaît. Infinie solitude. (J’aurais dû les retenir.)

8 – Marimo, 
Madame Sasaki  Sayuri qui aime épargner. Ils se sont connus dans un cours sur l’économie domestique où Nishino avait été envoyé en mission par sa société. 
Il était la coqueluche des femmes  du groupe qui cherchaient toutes à lui plaire. … Pour commencer, Nishino était plutôt un beau mec. Il était soigné. Bien élevé et doux. Pour couronner le tout, il travaillait dans une société qui avait pignon sur rue
Il avait trente sept ans. Un jour il  disparut sans crier gare.

9 – Le raisin. 
Ai, celle qui n’a jamais aimé personne et à laquelle il demande de mourir ensemble. Elle est très jeune et  ne l’aime pas. Il a un accident. Il va mourir et lui téléphone pour  lui dire qu’elle lui ressemble puis  il meurt.

10 – Le thermomètre
Nozomi Misono le rencontre  alors qu'ils ont 18 ans, tous les deux. 
Elle  couche avec un garçon différent chaque jour. Nishono lui raconte l’histoire de sa sœur qui le traumatise et le fait toujours pleurer comme un bébé.  
Nishino était froid. Mais cette froideur  se doublait de tendresse.  Plus que de l’indifférence complète, c’était cela le plus difficile à accepter. 
Un jour il revient lui offrir le thermomètre de sa sœur  puis ne la revoit plus. Elle pense parfois à lui  mais ignore ce qu’il est devenu. Elle  espère qu’il aura eu une petite fille comme il le désirait.
«A-t-il pu un jour aimer quelqu’un? 

Dans ce monde qui ne s’arrête jamais, saura-t-il un jour trouver sa place? »
Les 10 amours de Nishino,  Kawakami Hiroki
Roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu
(Éditions  Philippe Picquier, 2003/2013, 207 pages)

jeudi 13 juin 2013

"Ris d'oser des mots roses", Charles Cros


Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses.

Charles Cros

mercredi 12 juin 2013

L'âme du Kyudo, Hiroshi Hirata, Manga, Quinzaine nippone 2013, ma BD du mercredi


Peu habituée à lire des mangas et encore moins des histoires de samouraïs,  mais désireuse de participer à la quinzaine nippone de Choco, je suis très surprise d’avoir autant de bien à dire sur cet ouvrage de 460 pages  évoquant le Japon féodal de l’ère Edo par l’intermédiaire  des efforts gigantesques et dramatiques d' un jeune paysan qui  deviendra après bien des années le meilleur tireur à l’arc  dans l’épreuve du Toshiya.

(Ce concours  remonte à 1606 quand un samouraï est dit avoir tiré 51 flèches en succession rapide sur toute la longueur de la véranda d'un temple de Kyoto Au début, les archers ont tiré des flèches de l' extrémité sud de la véranda à l'extrémité nord, où un rideau ornement-like a été érigé comme une cible. Le concours a gagné en popularité au cours de la période Edo et la fin des compétitions du 17ème siècle  attirait de grandes foules.  Le Toshiya sera plus tard utilisé comme motif dans des histoires et des films. W)

  
(photo de W,  hors texte)

Le récit commence en 1606, dans un temple de Kyoto, célèbre pour la longueur de sa galerie extérieure à travers laquelle un samouraï, mis au défi, avait réussi à faire passer une cinquantaine de flèches d'un bout à l'autre, en moins de vingt quatre heures.  Dès lors les fiefs rivaux de l'endroit s'affrontent pour améliorer ce résultat. Ils s'endettent et poussent les vaincus à faire seppuku ou suicide rituel  immédiatement. Bientôt, le record atteint les 6000 flèches et personne ne semble plus pouvoir le dépasser. . 



Pour venger son père, mort accidentellement d'une flèche égarée, le  jeune Kanza, de basse classe  consacre sa vie à tenter l'impossible pour battre le record. On suit de près son entraînement qui n'a rien de simple. Il devra subir toutes sortes d'épreuves des plus dramatiques, de la solitude aux attaques armées, et aux déchaînements des éléments  naturels eux-mêmes qui contrarieront souvent ses plans.  


L'histoire m'a tellement intéressée et les dessins en noir et blanc sont si vigoureux et convaincants que j'ai eu un grand plaisir à suivre toutes les mésaventures héroïques d'un autre temps dans un  pays bien étrange et déroutant où l'honneur, le courage, la force, l'habileté,  la persévérance et la fierté rivalisent sans arrêt avec la corruption, la violence, le crime, la trahison et le suicide quand l'échec entraîne la honte et la perte de l'honneur. 

J'ai trouvé  très beau et très  intéressant ce one-shot. (A retenir qu'il s'agit ici d'un Gekiga : un manga au dessin très réaliste, destiné aux adultes.)
Billets de Yvan, Mo, Choco Yaneck, 
L'âme du Kyudo, Hiroshi Hirata,  (2006, Delcourt2007, Traduction: Tetsuya Yano, 460 p.)

Logo BD rougeLogo BD noir


 Anne, Alex, Asphodèle,  Blogaelle, Brize,  Choco,  Cristie,   Cuné, 


Delphine,  Didi,  Élodie


Estellecalim,  Hilde,


Hélène,  Sophie Hérisson, Iluze,  Irrégulière,

Itzamna,



Lou, Lounima,   Lystig, Mango,


Manu,  Margotte,  Marguerite, 


Marie, Marion,  Marion Pluss  Marilyne 


Mathilde, Mélo,


 Miss Alfie, Miss Bouquinaix,


Moka, Mo',   Natiora,  Noukette,   OliV,   Pascale,


Paulinelit, Sandrounette, Sara,  Sophie,  


Soukee, Stephie,  Syl,




  Yaneck,    Yoshi73,  Yvan,   Mr Zombi, 32 octobre,

dimanche 9 juin 2013

La grossesse, Yoko Ogawa, Quinzaine nippone 2013

29 décembre (lundi)
Ma sœur aînée est partie à la clinique M.
Comme elle ne s’est pratiquement jamais fait suivre, excepté par le professeur Nikaido, elle était assez angoissée avant d’y aller. «Je ne sais pas du tout comment m’habiller» ou «Je me demande si j’arriverai à parler correctement devant un médecin que je vois pour la première fois» disait-elle, et elle a tellement traîné que le dernier jour de consultation de l’année a fini par arriver. Ce matin encore, elle a levé distraitement les yeux vers moi en disant :
Je me demande,  pour la courbe des températures, combien de mois je dois leur montrer, et elle n’en finissait pas de quitter la table du petit-déjeuner.  (p.1)

Yoko-Ogawa-OEuvres-1.jpgElles sont deux  sœurs, tôt orphelines. L’aînée,  coiffeuse,  est mariée, sans enfant. Elle souffre d’une maladie des nerfs et consulte un psychanalyste depuis plus de dix ans. La cadette,  étudiante et vendeuse dans une grande surface, vit avec elle et son beau-frère. Elle écrit son journal et rien ne lui échappe: elle a la dent dure.  Très observatrice, elle semble soumise et  aux petits soins pour ceux qui forment sa seule  famille. Les problèmes de nourriture  l’obsèdent: elle y est très attentive, particulièrement pendant cette  première grossesse de sa sœur.
«Mais au fait, dois-je me féliciter de la naissance d’un enfant  entre ma sœur et mon beau-frère? J’ai cherché le mot «félicitations» dans le dictionnaire… J’y ai trouvé la définition suivante: "Compliments pour fêter un événement heureux.»«Cela n’a aucune signification  en soi,» ai-je murmuré en suivant avec le doigt  la ligne de caractères qui ne présageait absolument rien d’heureux. 
 On ne connaît que peu de choses  concernant ces trois personnages – jusqu’à leurs noms - mais on sait tout de leurs façons de se nourrir.
«Il met toujours une grande quantité de lait et de sucre dans son café, si bien qu’au petit déjeuner, on se croirait dans une pâtisserie. Je me demande comment il fait pour boire du café aussi sucré sans penser aux caries, lui qui est prothésiste dentaire. Ma sœur aînée a raclé le couteau à beurre sur son toast.»
 Si elle ne s’intéresse pas au bébé lui-même qu’elle n’envisage que sous la forme d’un chromosome, en revanche,  rien ne lui échappe des différents épisodes de la grossesse elle-même, des nausées aux périodes de boulimie. C’est  elle qui la nourrit  désormais en lui  préparant régulièrement de la gelée de confiture avec des  pamplemousses d’exportation rapportés de son lieu de travail.

Attention, spoiler!
 En tant qu’étudiante, elle venait justement de lire une brochure de mise en garde à leur sujet, évoquant des produits antimoisissures toxiques pour les chromosomes humains.

Dès lors on imagine la suite.
«Du jus de couleur jaune giclait  soudain comme pour un être vivant, sur la lame du couteau, le dos de mes mains ou la planche à découper. La peau elle aussi avait des motifs. Des dessins irréguliers, semblable à ceux d’une membrane humaine vue au microcosme.» (suite de la préparation de la confiture)
Nous n'en saurons pas beaucoup plus. C'est ce que j'aime chez Ogawa. Rien n'est affirmé mais le ver est dans le fruit!

Billets déjà parus: Les abeilles,  La piscine, Un thé qui ne refroidit pas, Une parfaite chambre de malade,   La désagrégation du papillon, 
Première participation au challenge de Choco 2013


La grossesse, Yoko Ogawa,
 (œuvres,  tome 1, Thesaurus, Actes Sud, 906 pages – p. 197, 1997-2006) Traduction française de  Rose-Marie Makino)

samedi 17 novembre 2012

Foujita, Le Maître du Trait, Anne Le Diberder


C’est un bel album, séduisant à première vue, sur un peintre que j’aime bien. On dirait un de ces catalogues d’exposition dont je suis friande sauf qu'il présente un des plus gros défauts qui soit à mes yeux: il est illisible! Ma vue n’est pas en cause ni la lumière de la pièce, c’est tout simplement  que  l’encre choisie est gris pâle sur fond blanc!  Au bout d’une page, je suis obligée  d’abandonner ma lecture! Tant pis, je me  contente des dessins et des peintures  qui suffisent à faire mon bonheur. Quel dommage malgré tout ! 

Le Mot de l'éditeur :
Dans les années 1920, « le plus japonais des Parisiens et le plus parisien des Japonais », selon ses propres termes, est une figure centrale de l’Ecole de Paris. Adulé, fêté, Foujita fut l’enfant chéri de Montparnasse. Des décennies parisiennes à ses dernières années dans son atelier de Villiers-le-Bâcle en Essonne, cet ouvrage est l’occasion d’une redécouverte: celle d’un artiste qui sut allier Orient et Occident avec finesse et subtilité, tout à la fois fier de ses origines japonaises, amoureux de la France et de la culture européenne. Riche d’œuvres et de photographies inédites, il permet de saisir la singularité de celui que ses contemporains ont souvent qualifié de magicien, tant la maîtrise de son trait, la délicatesse de ses coloris et le raffinement de ses œuvres les subjuguaient.

                                                             Les Fables de la Fontaine

                                                                    Au café, 1949

                                                                 Kiki de Montparnasse



                                                                  Nus de Foujita

Foujita, Le Maître du Trait,  Anne Le Diberder, conseil général de l’Essonne, (Èditions Philippe Picquier, 2008, 256p.)
En savoir plus sur le peintre Léonard Tsugouharu Fujita 1886-1968
Foujita monumental ! Enfer et paradis, Anne Le Diberder, David Liot, Collectif.
Maison atelier Foujita, 7, route de Gif, 91190 Villiers-le-Bâcle

vendredi 2 novembre 2012

Appel du pied de Wataya Risa, coup de cœur!

"Je n’arrive jamais à trouver les adjectifs que je veux. Pour compenser, j’empile les détails. La première phrase de Coup de pied m’a pris six mois à écrire."
Cette première phrase, la voici: "La solitude me sonne dans la tête."

Et voici la quatrième de couverture d'un récit minimaliste  sur l'adolescence, dont je n'avais jamais encore entendu parler mais que j'ai adoré au point d'en faire un coup de cœur. Je l'ai choisi  par hasard en lisant le résumé de l'éditeur qui dit l'essentiel. 

L'histoire qui a conquis le jury et le public japonais n'est sans doute pas très éloignée de la propre expérience de lycéenne de l'auteur, il n'y a pas si longtemps. Ce journal intime d'une jeune fille qui n'arrive pas à s'intégrer dans sa classe est au plus près des sensations, de la contradiction des sentiments qui affleurent sous la surface unie des apparences. De ces moments où l'on cherche un sol ferme sous ses pieds, pour s'aventurer à la découverte de la vie. Et lorsqu'on se sent attirée par un garçon qui vit confiné dans sa passion pour un mannequin vedette, on aimerait bien le réveiller de son rêve pour qu'il fasse ses premiers pas avec vous, sur ce chemin incertain. Une chronique sensible, et pleine d'humour, de cet âge oscillant entre la nostalgie d'une enfance innocente et la naissance, presque malgré soi, de ce qui pourrait bien s'appeler l'amour.

Pourquoi ai-je aimé ce récit?  Parce que c'est bien vu, ça sonne juste, c'est pudique, frais, sensible  et cruel à la fois, drôle aussi car Hatsu,  la jeune narratrice est loin d'être sotte et sait se moquer de ses propres réactions autant que de celles des autres, professeurs comme élèves. 
Rejetée par tous les groupes de sa classe, elle se fait un point d'honneur à rester solitaire mais ne cesse d'en éprouver de la honte, et observe les autres de façon très pointue. Elle feint d'être dure mais elle fond à la première occasion quand Kinuyo, sa meilleure amie,  lui adresse à nouveau la parole. 
Logiquement elle se rapproche de Ninagawa, l'autre "rebut" de la classe, un fan d'une Top modèle- chanteuse que Hatsu a eu l'occasion de rencontrer au super marché voisin. Il n'en faut pas plus pour que le jeune "Otaku" (fan de), s'intéresse à elle. C'est là que commence une histoire pleine de silences et de non-dits, de  rapprochements à peine esquissés dont le plus remarquable est cet appel du pied  de la fille vers le garçon, comme pour le secouer, le forcer à quitter ses rêves pour la voir enfin. Plus elle s'attache à lui, plus elle a envie de le frapper du pied. Des complications et des effrois d'ados!... Kinuyo, l'amie d'enfance, elle, qui a grandi plus vite, comprend mieux la situation, mais bon, à chacun son rythme!  C'est très joliment écrit! 
J'y ai cru à cette étrange histoire! Beaucoup même! 
L'appel du pied comme un appel d'amour! 

Extraits:
La bouche tordue dans ma main, les sourcils contractés comme un boudha irrité, je dois me retenir pour ne pas rire. Combien de fois ai-je été obligée de retenir un rire depuis que je suis au lycée? Rire , c'est baisser sa garde, et il faut un grand courage pour  baisser sa garde quand on est seule. Je ne voudrais pas être prise sur le fait et sentir un regard qui demande ce qui m'arrive. (p.89) 
Je veux être reconnue. Je veux qu'on m'accepte. Je veux que quelqu'un délie peu à peu tous les fils noirs qui sont pris dans mon cœur comme on détache un à un les cheveux pris  dans un peigne, et les jette à la corbeille. Je voudrais que les autres répondent à mon attente, mais je ne suis même pas capable de penser à faire quelque chose  pour quiconque. (p.105)
 En parle aussi: Antigone, 
Appel du pied de Wataya Risa, (Picquier poche, 2008,164 pages)
Roman traduit du japonais par Patrick Honnoré,  (2005)
Titre original: Keritaï Senaka (2003)
Plus d'un million d'exemplaires vendus au Japon.

Risa Wataya est une romancière japonaise née en 1984. L'appel du pied est son second roman qui a reçu le Goncourt japonais  en 2003le prix Akutagawa. C'est le plus jeune auteur (19 ans) à avoir reçu ce prix.

Challenge de Catherine

samedi 11 juin 2011

Amélie Nothomb et l'aide au Japon.

Pour venir en aide au Japon après les catastrophes en chaîne du mois de mars dernier, une édition spéciale du roman d’Amélie Nothomb : Stupeur et Tremblements, sortira en librairie , le 22 juin prochain.dans un coffret spécial pour l’occasion,   suivi d’une nouvelle inédite : "Myrtilles". Ce sera un collector à 6,95€. L'intégralité des bénéfices sera reversée à l'organisation Médecin du Monde pour le Japon
Les lecteurs d’Amélie Nothomb connaissent depuis longtemps les liens qui unissent la romancière et ce pays où elle a vécu sa petite enfance. Le livre où elle en parle le mieux est son neuvième roman : "Stupeur et tremblements"  qui est aussi autobiographique puisqu’elle-même est retournée vivre au Japon  à l’âge adulte en tant que  traductrice pour la célèbre compagnie Yumimoto. Elle a cherché alors à s’intégrer le plus possible dans la société  en vivant comme une vraie japonaise. Ce livre fut un succès et reçut le Grand Prix du roman de l’Académie française en 1999. Depuis il a fait l’objet d’une adaptation filmique par Alain Corneau.

mercredi 25 mai 2011

Rohan au Louvre, Hirohiko Araki, ma BD du mercredi

Voici  le premier manga de la collection de bandes-dessinées des éditions du musée du Louvre.
C’est un très bel album à première vue et c’est ce qui m’a tout de suite attirée: une couverture glacée, cartonnée, avec un double dessin aux belles couleurs vives dans les bleus, les jaunes et les rouges. En le feuilletant, ce qui m’a frappée aussi ce sont les grandes pages divisées en quelques cases  larges et colorées également. Les dessins sont très beaux, dessinés avec  précision et netteté. Beaucoup de mouvement,de dynamisme mais rien d’extrême. La lecture se fait de droite  à gauche comme pour tout manga. 
Rohan Kishibe dispose d’un étrange pouvoir : il peut lire dans les gens comme dans un livre. Il se propose de nous raconter l’aventure singulière dont il a été témoin quelques mois auparavant au cours d’un voyage où il a vu la couleur noire la plus sombre du monde, le contraire même de la lumière et où quatre  personnes disparurent dont une traductrice japonaise en langue française, deux pompiers français et un responsable de la section Extrême-Orient du département des Arts d’Asie du Musée du Louvre. 
Avant cela il évoque son apprentissage de mangaka, au Japon, ainsi que la rencontre dans l’auberge de sa grand-mère d’une belle locataire qui lui parle du tableau le plus étrange du monde, celui de Nizaémon Yamamura, peint avec la couleur la plus noire jamais créée, dont la matière aurait été extraite d’un grand arbre, vieux de plus de 1000 ans. Il s’agit d’un tableau maudit. Le peintre fut condamné à mort par son Seigneur pour avoir abattu cet arbre vénérable.et ce fut le Louvre qui l’acheta , deux cents ans auparavant.
Dix ans plus tard,  cette histoire s’impose à nouveau à Rohan, devenu célèbre qui, profitant d 'un séjour à Paris, décide d’aller voir ce fameux tableau noir mais il apprend qu’il a disparu. Bien entendu, Il va partir à sa recherche dans les sous-sols  et les souterrains mystérieux du musée où il fera de bien curieuses rencontres réelles et fantastiques. 
Les monstres surgissent de partout et les combats  s’enchaînent très vite mais  pour une fois même les scènes de combat m’ont paru belles. 
C’est en effet le côté artistique des dessins et des couleurs qui a surtout retenu mon attention. L’histoire m’a semblé  secondaire, juste un prétexte pour la démonstration du style de l’auteur parfaitement maîtrisé et efficace. J’ai refermé ce one-shot en me disant qu’il était vraiment beau et digne du grand musée évoqué. J’ai beaucoup aimé. 

Rohan, Hirohiko Araki, (Futuropolis, Shueisha, Musée du Louvre éditions, avril 2010) Traduit et adapté du japonais par Victoria Tomoko Okada et Nathalie Bougon 
(Top BD de Yaneck: 14/20)

Participent aux BD du mercredi:
Benjamin,Choco,Chrys,Delphine, Dolly,Emmyne, Estellecalim, Hilde, Hérisson08, Irrégulière,  Jérôme,  KikineLire pour le plaisir, Lounima, Lystig, Manu, Marguerite,  Mathilde, Mo'laFée, Noukette,  Sandrounette,  Sara, Soukee,  Theoma,  Valérie,  Vero, Wens,  Yaneck, Yoshi73, Yvan, Mr Zombi

Je participe aussi au challenge BD Pal sèches  de Mo' et au Top BD de Yaneck

samedi 2 avril 2011

La vie à Sendai après le désastre. Témoignage et leçon de vie.


Voici une traduction rapide, reçue par une de mes amies,  d’un courriel envoyé par une survivante de Sendai, au Japon,  le jeudi 17 mars 2011 à 11h27.
La vie ces jours-ci à Sendai  est plutôt surréaliste... Mais j'ai la chance d'être entourée d'amis qui m'aident énormément. J'ai d'ailleurs pris refuge chez eux puisque ma bicoque délabrée est maintenant totalement digne de ce nom. 

Nous partageons tout: eau, aliments, ainsi qu'un chauffage d'appoint au fuel. 
La nuit, nous dormons tous dans une seule pièce,  nous dînons "aux chandelles", nous partageons nos histoires. C'est très beau, très chaleureux. Le jour, nous essayons de nettoyer la boue et les débris de nos maisons. 
Les gens font la queue pour s'approvisionner dès qu'un point d'eau est ouvert, ou ils restent dans leur voiture, a regarder les infos sur leur GPS.
Quand l'eau est rétablie chez un particulier, il met une pancarte devant chez lui pour que les autres puissent en profiter.
Ce qui est époustouflant, c'est qu'il n'y a ni bousculade, ni pillage ici, même si les gens laissent leur porte d'entrée grande ouverte, comme il est recommande de le faire lors d'un séisme.
Partout l'on entend: "Oh, c'est comme dans le bon vieux temps, quand tout le monde s'entraidait! "
Les tremblements de terre continuent: La nuit dernière, nous en avons eu tous les quarts d'heure. Le hurlement des sirènes était incessant, ainsi que le vrombissement des hélicoptères au dessus de nous.
Hier soir, l'eau a été rétablie pendant qq heures, et aujourd'hui pendant la moitie de la journée. Nous avons aussi eu droit a un peu de courant cet après-midi. Mais pas encore de gaz.  Les améliorations dépendent des quartiers. Certains ont de l'eau mais pas d'électricité, et d'autres le contraire.
Personne ne s'est lavé depuis des jours. Nous sommes crasseux mais c'est de peu d'importance. 
J'aime ce sentiment nouveau, cette disparition, desquamation du superflu, de tout ce qui n'est pas essentiel. Vivre pleinement  intuitivement, instinctivement, chaleureusement, et survivre, non pas en tant qu'individu mais en tant que communauté entière...
Des univers différents se côtoient étrangement: 
Ici, des demeures dévastées, mais là, une maison intacte avec ses futons et sa lessive au soleil!  
Ici, des gens font interminablement la queue pour de l'eau et des provisions, alors que d'autres promènent leur chien.
Puis aussi quelques touches de grande beauté: d'abord, la nuit silencieuse. Pas de bruit de voiture. Personne dans les rues. Mais un ciel étincelant d'étoiles.  D'habitude je n'en distingue qu'une ou deux...  Les montagnes autour de Sendai se détachent en ombre chinoise, magnifiques dans l'air frais de la nuit,
Les Japonais sont eux-mêmes magnifiques: chaque jour, je passe chez moi, comme en ce moment même ou je profite du rétablissement de l'électricité pour vous envoyer ce courriel, et chaque jour, je trouve de nouvelles provisions et de l'eau sur le seuil! Qui les a déposées? Je n'en ai pas la moindre idée!
Des hommes âgés en chapeau vert passent de maison en maison pour vérifier que chacun va bien. Tout le monde vous demande si vous avez besoin d'aide.
Nulle part je ne vois de signe de peur. De résignation, oui. Mais ni peur ni panique!
On nous annonce cependant des répliques sismiques, voire même d'autres séismes majeurs dans les prochains mois. En effet, le sol tremble, roule, gronde. 
J'ai la chance d'habiter un quartier de Sendai qui est en hauteur, un peu plus solide, et jusqu'à présent nous avons été relativement épargnés.
Hier soir, autre bienfait: le mari d'une amie m'apporte de la campagne des provisions et de l'eau.
Je viens de comprendre a travers cette expérience, qu'une étape cosmique est en train d'être franchie partout dans le monde. Et mon cœur s'ouvre de plus en plus.
Mon frère m'a demandé si je me sentais petite et insignifiante par rapport à ce qui vient d'arriver. Eh bien non! Au lieu de cela, je sens que je fais partie de quelque chose de bien plus grand que moi. Cette "renaissance" mondiale est dure, et pourtant magnifique!
 Photographie trouvée ICI 

samedi 19 mars 2011

Hommes et destins de Stefan Zweig, Lafcadio Hearn devenu Koizumi Yakumo

C’est en lisant les courtes biographies des écrivains que Stefan Zweig aimait  et présentait dans son recueil «Hommes et destins» que j’ai découvert un écrivain irlandais dont je n’avais encore jamais entendu parler. 
C’est pourtant lui, Lafcadio Hearn,  qui fit vraiment  connaître la culture japonaise aux Occidentaux lorsqu’il s’installa  définitivement au Japon  en 1890.
Il fut aussi « l'importateur du judo en Amérique, ayant convaincu son ami Theodore Roosevelt, alors président, d'inviter aux États-Unis l’un des principaux experts du Kodokan, Yoshiaki Yamashita. Cette visite japonaise déclenche alors une mode pour ce sport en Amérique ». 
D’abord invité par l’ambassadeur du Japon à découvrir son pays, il y épousa la fille d’un samouraï, changea de nom,  devint Yakumo Koizumi,   obtint un poste de professeur à l’université de Tokyo avant de  mourir d’une crise cardiaque à 54 ans après avoir traduit  en anglais Maupassant, Théophile Gautier, Flaubert, Mérimée, Hugo, Zola, de Nerval et Anatole France. 
Né dans l'île de Leucade(Lefkada), d'où son nom, ,d’une mère grecque qui finit par l’abandonner et d’un père irlandais, militaire dans l’armée britannique, il fut mis en pension et rejeté par sa famille. A treize ans, à la suite d’une dispute avec ses camarades, il devint borgne, partit en Amérique où il se retrouva  journaliste, épousa une métisse alors que les mariages mixtes étaient illégaux, s’intéressa alors à la culture créole de la Nouvelle Orléans  puis s’installa deux ans en Martinique où il écrivit un premier roman : «Yuma » jusqu’à son départ pour le Japon.
«Cet homme providentiel devait apparaître juste au moment où le Japon était mûr pour lui et lui pour le Japon, afin que cette œuvre puisse être conçue, que voient le jour ces livres consacrés à la beauté moribonde du Japon, immortalisée en partie grâce à lui seul.
Voilà pourquoi la vie de Lafcadio Hearn, cette ruse de la nature en vue de fins sublimes, mérite d’être racontée.» 
"Certes, à côté de celui de Lafcadio Hearn un autre Japon était à cette époque déjà en pleine ascension : le Japon occupé à préparer la guerre, producteur de dynamite et constructeur de torpilles, un pays vorace, trop pressé de devenir européen. Mais Lafcadio Hearn n’avait aucun besoin de parler de ce Japon –là, qui savait de lui-même attirer l’attention sur lui par le bruit des canons.
Et le destin aimait l’œuvre de Lafcadio Hearn. Il lui accorda un dernier cadeau : il le fit mourir au bon moment,de la même façon qu’il l’avait au bon moment envoyé accomplir sa tâche. Le héraut du Nippon ancien disparut l’année où les Japonais vainquirent la Russie, où ils accomplirent ce fait d’armes par lequel ils forcèren les portes de l’histoire du monde. 
Lafcadio Hearn mourut à la même heure que le vieux Japon, que la civilisation japonaise.
Mais il était si cher au cœur de ce peuple devenu le sien que, au beau milieu d’une guerre qui chaque jour leur ravissait des milliers d’entre eux, tous les gens furent saisis d’effroi à la nouvelle de sa mort. Une partie de leur âme s’éteignait avec lui, ils en étaient conscients. Ils furent des milliers à marcher derrière son cercueil qui fut descendu en terre selon le rite bouddhiste. »
Zweig se reconnaissait-il en cet écrivain irlandais qui avait si bien su être le passeur entre deux mondes,deux civilisations, deux cultures,comme lui avait toujours voulu l' être. Texte écrit avant la guerre,  où l'on sent cependant  Zweig déjà très inquiet  de ce qui se passe autour de lui, des bouleversements du monde  et où la mort précoce  de son héros avant les préparatifs de guerre  lui paraît un don des dieux! Prémonition déjà   de sa fin volontaire en février 1942? Cher, très cher Zweig!
Lafcadio Hearn devenu Koizumi Yakumo
  dans Hommes et destins de Stefan Zweig, (Livre de Poche, 2000, 219),Traduit de l’allemand  par Hélène Denis-Jeanroy.Participation au challenge de Kathel.