Octave, le narrateur, confesse comment de 19 à 21 ans, il est passé par toutes les formes possibles de l’amour, du plus pur au plus débauché au point d’être devenu cet enfant du XIXe siècle, des années 1830, les grandes années du Romantisme français dont Musset, son créateur, est l’un des plus beaux exemples.
Celui-ci vient de quitter George Sand
et souffre encore de sa trahison, lors de leur célèbre escapade amoureuse, à Venise. Depuis, il a connu la débauche et l’alcoolisme dont il ne peut plus se libérer. Il en est très malheureux. Son roman, destiné surtout aux très jeunes gens, se veut à la fois confession et mise en garde contre ces plaisirs très en vogue dans le milieu de la jeunesse parisienne de cette époque de la Restauration, mal située entre
l’Empire napoléonien, glorieux mais fracassé, et la morne monarchie bourgeoise de Louis-Philippe.
Musset, à travers Octave, se veut l’exemple malheureux de toute cette génération de déçus et d’insatisfaits que sont les grands Romantiques.
Au début du roman, Octave est amoureux fou et se croit aimé de même. Il a vingt ans. Il est pur, ardent, séduisant mais sans expérience. C’est un grand naïf ou un idéaliste qui croit que l’amour sincère et passionné peut durer toujours !
A la fin du roman, il aime encore et se croit aimé mais il ne cesse d’en douter. Il n’est plus sûr de rien. Il est constamment jaloux, blessant, cynique et désabusé. S il aime encore, ce n’est plus que dans la douleur et le doute. Il est perpétuellement tourmenté et déçu et pour abréger ses souffrances, il rompt aussi vite qu’il s’éprend.
Le roman s’ouvre par la scène initiale, cause de ce changement. Un soir, à souper, face à sa maîtresse adorée, alors qu’il se baisse sous la nappe pour ramasser sa fourchette, il aperçoit les jambes entrelacées de sa belle et de son ami intime. Bouleversé, il quitte la femme aimée, provoque son ami en duel, est lui-même blessé, se jette dans la débauche, l’alcool et l’orgie. Il est malheureux : «la maladie du siècle» l’a atteint à son tour.
La mort de son père stoppe ces excès. Il s’enferme à la campagne, dans la solitude la plus totale. Il y tombe amoureux de Mme Pierson, une jeune veuve aimante, agréable, sincère, tendre et dévote qui, après un long moment de résistance, lui avoue, à son tour, son amour. Ils ont tout pour être heureux mais le passé de débauché d’Octave le poursuit désormais et il doute de ses propres sentiments, épie les moindres faits et gestes de la jeune femme. Elle est trop parfaite et cet aspect trop lisse finit par le lasser. Il crée alors des scènes de jalousie en ressuscitant le passé. Il se montre triste, amer, indifférent dans le plaisir puis il s’exalte, se contredit, s’emporte, s’attendrit tour à tour, sans raison. Il détruit désormais tout amour véritable. Il souffre et fait souffrir.
Ce siècle est sans pitié et il en est l’enfant: telle est sa confession.
Le style aussi est de ce siècle : vif, brillant, classique et romantique à souhait, comme l’auteur. J’admire tout en déplorant son côté suranné, plaintif, voire larmoyant et les longs passages moralisateurs un peu exaspérants de la narration!
"Toute la maladie du siècle présent vient de deux causes; le peuple qui a passé par 93 et par 1814 porte au cœur deux blessures. Tout ce qui était n'est plus; tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux."
La confession d’un enfant du siècle de Alfred de Musset (Folio, 368 pages)