Un lundi matin, la narratrice apprend par son répondeur que son père vient de mourir.
«Tu es mort. Enfin.»
Ce cri du cœur résume à lui seul toute l’histoire!
Pendant une semaine, celle des funérailles, elle s’adressera à ce père difficile, évoquant leur passé commun douloureux qui la poursuit encore malgré une vie réussie.
C’est donc en Bretagne près de Saint Pol de Léon où repose le corps du père que la famille va se reconstituer le temps de l’enterrement : la mère exemplaire et aimante, la sœur et le frère complices et soudés dans leurs souvenirs.
Le père était un tyran domestique, autoritaire, jaloux, égoïste, aux colères constantes et incontrôlables qui se faisait autant de mal à lui-même qu’à sa famille.
Mais c’était aussi un grand malade, rendu totalement dépendant par la maladie de Parkinson , soigné chez lui pendant trente ans par sa femme, d’où le double sens de l’exclamation «enfin!» poussée par ses enfants à l’annonce de sa mort surtout ressentie comme une délivrance .
Le «crieur de nuit» est un esprit malfaisant, traduction française du "hopper-noz" breton, évoqué par Anatole le Braz dans son livre: «Les légendes de la mort»
Voici ce qu’en dit l’auteur dans une interview :
«Au départ, ces citations venaient simplement en contrepoint d'un récit par ailleurs très réaliste. Je trouvais drôle de décrire une famille moderne de gens extrêmement rationnels et parfaitement athées plongée au milieu de tout ça. Et au fur et à mesure de l'écriture, ces citations sont venues rythmer le récit jusqu'à donner au livre sa structure, et même son sens profond. Car cette histoire est elle-même une sorte de conte, même si l'on ne s'en rend compte qu'à la toute fin.
En fait, c'est aussi une comédie. Une comédie noire, certes, grinçante, cruelle et même macabre, mais une comédie. Pris au premier degré, même ce que rapporte Anatole Le Braz est plutôt drôle. Cette superstition selon laquelle il ne faut surtout pas balayer la pièce où se trouve quelqu'un qui vient de mourir, parce qu'on risquerait de balayer l'âme du défunt avec... Sauf que derrière tout cela, il y a la question de la survie de l'âme et l'idée, comme dans la plupart des religions, que la mort ne peut être acceptée avec sérénité que lorsque la vie a été pleinement vécue, que le défunt a atteint un certain degré d'accomplissement Il me semble que dans ce contexte, l'anorexie du personnage n'a pas grand-chose à voir avec le matérialisme de notre société. C'est plutôt une tentative de prise de contrôle sur elle-même, un contrôle dont elle a été privée par une trop grande soumission à l'autorité paternelle et, plus tard, masculine. »
C’est un très beau livre que j’ai beaucoup aimé et je ne crois pas que ce soit uniquement pour avoir vécu dans les lieux où se déroule l’histoire. J'y retrouve toute la réalité de cette Bretagne du Finistère nord, si dure et si généreuse à la fois!
C’est une histoire de famille, douloureuse mais pleine d’amour aussi malgré les reproches, les regrets, les mauvais souvenirs, un roman très prenant où le rire et l’absurde côtoient les pleurs, où la fratrie se reconstruit autour de la mère qui est une figure magnifique ici, où tout m’a semblé juste et maîtrisé, sans exagération ni mélodrame. Juste un cri d’amour et un dernier adieu au passé et aux ancêtres pour mieux renouer avec le présent.
C’est le premier roman de Nelly Alard, comédienne et scénariste, ancienne élève du Conservatoire national d'art dramatique de Paris
Merci à Clara qui en a fait un livre-voyageur. Le Crieur De Nuit de Nelly Alard
(Ed. Gallimard, 2010, 112 p)
Comme je l'avais dit chez Clara, ce thème me rappelle un peu trop de mauvais souvenirs pour que j'aie envie de m'y plonger. Plus tard peut-être... car je pense que c'est un auteur à découvrir.
RépondreSupprimerAh, je suis contente qu'il t'ait plu ! Super !!!!
RépondreSupprimerOuh, là, là, je ne sais pas... Le "Tu es mort. Enfin." adressé à son père me refroidit un peu tout de même... ;-)
RépondreSupprimerC'est drôle, ton billet me fait nettement moins peur que celui de Clara, du coup j'aurais presque envie de le lire.
RépondreSupprimerGwenaelle, c'est un sujet délicat mais traité à l'économie! Aucune esbrouffe!
RépondreSupprimerclara, Kerfissien à Cléder était une des plages de note enfance: elle en parle très bien!
RépondreSupprimerLounima, en plus de sa rancune, elle avait de bonnes raisons aussi de penser ça: il était impotent depuis trente ans!
RépondreSupprimerAifelle, pour moi, c'est un premier roman réussi! Bien sûr, c'est une autofiction mais qui se lit facilement!
RépondreSupprimerBon, et bien il ne me reste plus qu'à m'inscrire chez Clara pour ce lire voyageur !
RépondreSupprimersylire, le livre est prêt à partir!
RépondreSupprimerUne lecture qui ne me tente toujours pas.
RépondreSupprimerManu,:(
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