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samedi 9 novembre 2013

Secrets de Polichinelle, Alice Munro, Prix Nobel 2013

"C'était samedi par une matinée 
Aussi belle qu'on pouvait l'espérer. 
Sept filles de leur cheftaine Miss Johnson accompagnées 
S'en allèrent camper loin du C.G.I.T." (Canadian Girls  in Training)" 
Ainsi commence une des huit nouvelles du recueil, celle qui lui a donné son nom et qui raconte - en 39 pages - la disparition de l'une des adolescentes parties en expédition, un week end, sous les ordres de leur cheftaine mystique.  Le contraste est saisissant entre l'insouciance et la gaieté des unes et l'irresponsabilité de l'adulte accompagnatrice. L'ambiance est bon enfant  au début et les jeunes filles s'amusent comme des petites folles   autour d'une cascade  mais au moment de partir, une d'elles manque à l'appel.
"Il y avait Betsy et Eva Trowell, 
Et Lucille Chanders également,  
Ginny Bos et Mary Kaye Trevelyan 
Robin Sands et la pauvre Heather Bell 
 Ce n'est pas un accident mais nul ne parle et après l'effervescence des premières recherches, l'oubli s'installe, sauf dans les consciences de ceux qui savent ou qui se doutent  et qui  ressassent désormais  "un secret  que l'on ne trouve pas effrayant avant de penser à essayer de le raconter."
"Ainsi chanterons-nous la chanson d'Heather Bell, 
Jusqu'à ce que touche à sa fin cette journée 
Dans les bois elle fut retirée de la scène,  
Bien que sa vie ne fît que commencer.   
Rien à voir avec une nouvelle policière. Tout se passe dans les souvenirs, les rêves, les hallucinations, les déviances psychiques des un et des autres. La campagne est belle, les habitants bienveillants,  sereins et respectables et pourtant dans le secret des cœurs, que de tourments.!Le style est à l'image du récit, les phrases se déroulent calmement  mais ça et là percent les réalités, comme des "'petites poules effrayées". 

 Alice Munro -  Secrets de Polichinelle
Traduit de l’anglais (Canada) par Céline Schwaller-Balaÿ
Titre original: Open Secrets
(Points, 1995/2012, 378 p.)
Alice Munro est née en 1931 dans l'Ontario. C'est une ancienne libraire, elle a remporté trois fois le Governor General's Literary Award, le prix littéraire le plus prestigieux du Canada, ainsi que plusieurs autres prix.  Presque toute la fiction d'Alice Munro est placée dans l'Ontario du sud-ouest au Canada. Les thèmes des histoires de Munro se sont clairement développés à partir de sa propre vie. Ses personnages sont proches de ceux de Faulkner ou Flannery O' Connor. 

samedi 12 octobre 2013

Alice Munro - Secrets de Polichinelle - Emportés

«Ce recueil de nouvelles a pour personnages principaux des femmes en compagnie des amants trouvés, des amants perdus. En filigrane, l'histoire d'un village canadien des années 1850 jusqu'à nos jours et sa transformation en une ville industrielle.»
                                 ***
Une chance! Le prix Nobel de cette année était dans ma Pal. Quand, où  et sous quelle influence ai-je un jour acheté ce livre de Poche? Je ne m’en souviens plus mais je l’ai retrouvé et c’est déjà très  bien.  C’est le moment de me jeter dessus, toutes affaires cessantes!  C’est ce que je viens de faire en lisant la première des huit nouvelles annoncées dans la Table (Enfin un éditeur qui n’a pas abandonné cette ancienne politesse de la Table des Matières)
Seulement voilà: je ne sais pas résumer un livre de nouvelles: ça ne m’intéresse pas,  même s’il possède une véritable unité.  Je préfère suivre mon plaisir en résumant chaque nouvelle tour à tour, quitte à terminer sur une vue plus générale. 

Première nouvelle: Emportés (60 pages) Cette première nouvelle est divisée en  cinq parties,   évoquant chacune un épisode marquant de la vie de Louisa, la bibliothécaire au centre de ce récit.
  • Dans Lettres  se trouve la correspondance échangée à partir de 1917  entre elle et un ancien lecteur inconnu, désormais soldat blessé à la guerre et dont elle devient intimement amoureuse. Elle espère le voir à son retour dans leur petite ville  de Carstairs, Ontario. Elle a 25 ans, a déjà été amoureuse d’un médecin au sanatorium où elle était soignée mais il était marié, c’est pourquoi elle lui avait demandé de la quitter et elle-même  avait abandonné Toronto, sa ville d’origine pour se lancer dans la représentation commerciale.  «Sa dernière lettre avait été ferme, stoïque, et l’intime conviction d’être une héroïne de tragédie amoureuse accompagnait Louisa à travers le pays, tandis qu’elle traînait ses valises d’échantillons dans les escaliers de petits hôtels, parlait de la mode parisienne, affirmait que ses modèles de chapeaux étaient ravissants et buvait son verre de vin en solitaire.»   Louisa envoie sa photo au  soldat, sur sa demande et se rend utile en lui tricotant un cache-nez. Dans ce groupe de tricoteuses elle fait la connaissance de Grace,19 ans, qui s’est secrètement fiancée à un jeune soldat  avant son départ au front.
  • Grippe espagnole: L’hiver 1919, guérie  de cette grippe qui fait des ravages, Louisa, d'habitude si discrète, raconte à un ami  l’histoire de cet amour naissant avec le soldat resté inconnu alors qu’elle a maintenue ouverte la bibliothèque rien que dans l’ espoir  de cette rencontre. Un soir, elle trouve un billet glissé sous la porte… Ce  soir-là, l’ami devient l’amant. 
  • Accidents: Des années  plus tard, des accidents surviennent dans l’usine de la ville dont un particulièrement atroce or tous ceux que Louisa connaît s’y trouvent impliqués d’une manière ou d’une autre.  On découvre alors l’ importance des livres de la bibliothèque et les conséquences inattendues de ces événements dans sa vie. Son mariage a lieu bien soudainement
  • Les martyrs de Tolpuddle: Au milieu des années cinquante, Louisa se rend dans une ville voisine pour des ennuis de santé. Sa vie passée lui revient  par fllashes «On pouvait dire ce qu’on voulait sur ce qui s’était produit – mais cela revenait au même que  de passer sous une vague. Elle était passée dessous et l’avait traversée, gardant de celle-ci un reflet froid sur la peau, un battement dans les oreilles, un creux dans la poitrine, une révolte dans le ventre. C’était contre l’anarchie qu’elle s’élevait -  cette confusion dévorante."
Cette première nouvelle  m'a plu par son approche du personnage féminin  tellement plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Tout commence doucement: une bibliothécaire célibataire et solitaire tombée amoureuse d'un soldat inconnu, ancien lecteur jamais remarqué auparavant pour laquelle tout s'accélère bientôt et devient un peu fou. Les changements s'améliorent très  rapidement en apparence, les décisions sont surprenantes mais dans le fond... à la fin de tout...quand on y réfléchit... Qu'a-t-elle réellement voulu et décidé,  Louisa, qui a pu sembler si réservée et volontaire?   
Autre billet: Malice, 
Alice Munro -  Secrets de Polichinelle
Nouvelles - Traduit de l’anglais (Canada) par Céline Schwalier-Balaÿ
(Points, 1995/2012, 318 p.)

Alice Munro :(trouvé ICI,)
"Née le 10 juillet 1931, à Wingham, une ville proche du lac Huron (Ontario), Alice Ann Laidlaw est la fille d'un éleveur de visons et d'une institutrice. A 19 ans, elle signe sa première nouvelle, Les Dimensions d'une ombre. Elle est encore étudiante à l'université de Western Ontario, gagne sa vie comme serveuse, cueilleuse de tabac ou aide-bibliothécaire et ne va pas tarder à épouser James Munro, en 1951. Ils auront quatre filles dont une morte à la naissance. En 1963, le couple s'installe à Victoria (Colombie-Britannique), et ouvre une librairie qui existe encore, Munro's Books.
(Suite sur le lien indiqué)

lundi 9 septembre 2013

Les larmes de mon père de John Updike


"Je n'ai vu mon père pleurer qu'une fois."

Dernier livre de l'auteur avant sa mort en 2009, à 77 ans, ce recueil de nouvelles est aussi le livre du commencement  et de la  fin. Pas étonnant puisque l'auteur l'a écrit en sachant que ce serait aussi son dernier. C'est pourquoi il s'est penché sur ce qui l'intéressait le plus à ce moment-là: jeter un coup d'œil en arrière. 
Ses personnages sont tous des retraités qui recherchent leurs anciennes amours. Ils tentent de retrouver la flamme amoureuse, ne serait-ce qu'un court instant et ils y parviennent le plus souvent - le temps d'un vol de papillon - comme en une cérémonie des adieux, nostalgique, ironique et légèrement amère quoique pudique.

Ainsi de "La panne", le premier récit du recueil  qui commence ainsi:

 Le joyeux présentateurs de la météo à la télévision, toujours à l'affût de catastrophes pour gonfler l'audience, avaient annoncé une violente tempête automnale en Nouvelle-Angleterre, avec fortes pluies et gros vents.

Ce jour de grosse tempête, tout s'éteint dans la maison: plus de lumière et plus d'ordinateur,  plus  rien de toutes les  choses pratiques ... Evan Morris prend alors son mal en patience et monte dans sa voiture pour poster des lettres mais  rien ne fonctionne ni à la poste ni à la banque.  Il achète alors un paquet de cajous et déambule tranquillement dans les rues où l'ambiance est très joyeuse, presque festive. 
Près de chez lui, ayant rencontré une voisine, ils se mettent à parler de tout et de rien. Il l'invite à  monter dans sa voiture pour  la raccompagner chez elle, puisqu'elle vient de lui avouer, les larmes aux yeux, qu'elle se sent seule, son mari étant au travail et sa fille en pension.
Son intérieur est  plus chic  que le sien, plus moderne, d'un goût plus sûr note-t-il. Très vite, ils échangent des baisers et montent dans la chambre où elle parle encore de son mari parti à Chicago  et qu'elle soupçonne de la tromper.  Elle a peur toute seule avoue-t-elle en l'aidant à se déshabiller. Il est aux anges ... lorsque, brutalement, la lumière revient, avec mille bruits (lave-vaisselle, télévision, bip bip de l'alarme antivol) ... les appareils se remettent en marche.  Gênés, ils se rhabillent. 
Dehors, le vent souffle toujours très fort. Les alarmes se sont tues. Tout est normal. Il rentre chez lui: "Je ne sers plus. C'est ainsi. C'est la vie"  Adieu fougue de la jeunesse! 

J'ai aimé cette lecture des 18 récits, tous très  agréables, bien que les thèmes en soient très variés jusqu'à l'évocation du 11 septembre vu à la fois  par les kamikazes, les victimes et les spectateurs et curieusement intitulé: "Variété des expériences religieuses." Du grand Updike! 

John Updike, « Panne"
in  Les larmes de mon père 
Traduit par Michèle Hechter
2011.

Né en 1932 en Pennsylvanie, John Updike a reçu deux fois le prix Pulitzer. Auteur de romans, de poèmes et de nouvelles, il est décédé en 2009. 

samedi 6 juillet 2013

Pulsations, Julian Barnes

J’ai beau tourner et retourner ce volume  en tous sens: rien, nulle part, n’indique qu’il s’agisse de nouvelles, (14 en tout) - et je le déplore. Je pensais choisir un roman. 
Peut-être est-ce pour cette raison que j’ai eu bien du mal au début à m’attacher à ces récits disparates:  j’attendais toujours le lien pour rattacher entre eux les différents épisodes concernant les histoires de ces  couples de bonne compagnie, de la classe moyenne anglaise, dont quelques-uns se retrouvent d’une nouvelle à l’autre. J’attendais d’entrer dans l’histoire en somme mais quand j’ai enfin compris qu’il n’y en avait pas vraiment, j’ai commencé à apprécier ma lecture sans cette nécessité de m’identifier ou du moins de sympathiser avec un ou plusieurs personnages comme dans un roman.
J’ai finalement aimé ces récits pleins de  tendresse  mélancolique et d‘humour feutré sur la vie et l’amour et tout ce qui les détruit. 

Les derniers surtout m’ont plu dont celui qui donne le titre du volume et qui relate la fin des ses parents:  l’un souffrait de la perte de l’odorat et l’autre de sclérose latérale amyotrophique. Ils s’adoraient et jusqu’au bout l'un a aidé l'autre à mourir - passage sublime - (p. 326, 327)

Dans l'avant-dernier, "Carcassonne", il est question de coup de foudre et du  bon goût ou du mauvais goût qui fait qu'on peut tomber amoureux fou au premier coup d'œil. Le début de la réflexion s'appuie en particulier sur les  amours de Garibaldi  avec  Anita,  sa femme chérie et quelques autres.  

Mal commencée, ma lecture s'est terminée en apothéose, fait suffisamment rare pour être noté! 
  
JULIAN BARNES, né en 1946 à Leicester, vit à Londres. Il est l'auteur du «Perroquet de Flaubert», prix Médicis étranger 1986, «Love, etc.», prix Femina étranger 1992, et «Une histoire du monde en dix chapitres et demi», réédité au Mercure de France - Traducteur également d'Alphonse Daudet.

Pulsations, (Pulse), Julian Barnes (Folio, 2011, 330 p.) _  Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin 

vendredi 7 juin 2013

L'écriture et l'oubli - Une collection très particulière, de Bernard Quiriny, Grand Prix de l'Imaginaire, catégorie nouvelle francophone, 2013

L'écriture et l'oubli
Il s'agit de la première nouvelle du recueil "Une collection très particulière" qui a reçu  le Grand prix de l'Imaginaire, nouvelle francophone 2013. (Résultats complets ICI)
Le titre de ce récit est en réalité  le thème des conférences  données par un certain Gould, le héros de ces nouvelles   dont on ne sait rien de plus  ici  si ce n'est qu'il collectionne les cas d'amnésie des écrivains  dont  quatre sont cités  parmi les plus marquants.

Le premier, victime d'un grave accident, oubliait son propre nom qu'il fallait lui répéter chaque matin mais surtout  "il était incapable de conserver le souvenir de ses propres œuvres au-delà d'une journée". C'était le drame de sa vie car écrire était son occupation favorite. presque le but de son existence. Il se mit dès lors  à écrire chaque jour deux ou trois pages d'un texte court qu'il finissait et corrigeait dans la journée. Bientôt il finit par écrire toujours le même texte à l'identique jusqu'à sa mort, croyant toujours innover

Le second, commerçant à Aubagne, peu intéressé par la littérature, "composa sur un coup de tête un admirable recueil de contes"   qui fut édité avec grand succès mais, repris ensuite par ses affaires, il oublia d'écrire à nouveau et ce n'est qu'à la fin de sa vie, au cours d'un ultime déménagement que, retrouvant quelques exemplaires de son livre, il se rappela qu'il était écrivain. Il se remit  au travail alors mais en vain et mourut sans plus rien écrire de sérieux  si ce n'est ce Conseil aux jeunes écrivains: 
"Le plus important, n'oubliez pas d'écrire." 
A l'inverse, le troisième écrivit beaucoup  pendant sa jeunesse, des livres  sur ses voyages, des lettres à ses amis, des récits érotiques jusqu'au jour où,  retiré dans une communauté religieuse,  il ne désira plus qu'oublier qu'il avait écrit et  voulut détruire tous ses romans.

Le dernier  "se suicida quand il découvrit que ses lecteurs oubliaient systématiquement ses livres après les avoir lus."

Cette nouvelle est  un régal d'écriture et de  bizarreries humaines. Comme les quatre écrivains dont il est question sont précisément situés dans des époques et des lieux  bien précis, j'ai pensé qu'ils avaient existé mais je me trompais. L'auteur fait preuve d'une grande imagination, tout simplement.
Entre Borges, Calvino et Marcel Aymé, un festival d'humour et d'invention qui est aussi un hommage ludique aux excentriques et à l'esprit littéraire 
Ce livre  est beaucoup plus riche que ne le laisse supposer le premier texte. Pour en avoir une étude plus complète, voir ICI.

 Une collection très particulière, Bernard Quiriny (Nouvelles, Seuil, mars 2012, 186 pages)
Bernard Quiriny (né le 27 juin 1978) est un écrivain belge, docteur en droit, critique et professeur universitaire de philosophie et de droit à l'Université de Bourgogne1,2. Il écrit souvent pour la publication Chronic'art, dont il est le Responsable Livres. En 2008, il remporte le prix Marcel Thiry et le prix Rossel pour Contes carnivores. En 2013, il remporte le Grand prix de l'Imaginaire, catégorie "nouvelle francophone" pour son recueil Une collection très particulièreSon œuvre est souvent comparée aux nouvelles fantastiques de Jorge Luis Borges et de Edgar Allan Poe

lundi 22 avril 2013

Existence marginale mais ne trouble pas l'ordre public, Yvon Le Men

Faut-il qu’un recueil de nouvelles soit écrit par un poète, un vrai, de ceux qui se présentent comme tels et ne vivent que de leur plume,  pour qu’enfin je puisse apprécier sans effort un livre de ce genre ?
C’est ce qui vient de m’arriver avec ces histoires courtes racontées par ce fou de littérature qu’est Yvon le Men dont je ne connaissais jusqu’ici que les poèmes.
De poèmes justement, il en est beaucoup question ici aussi, dans les premières pages du moins. Il suffit d’énumérer quelques  titres de  récits: Le chasseur de poèmes, J’ai pleuré page 49,  Le tour du monde en 80 poèmes, Un dernier vers pour la route etc. et de poèmes très courts,  les histoires en sont émaillés:  c’est beau.
C’est là d’ailleurs l’objet de la recherche du poète romancier  ainsi qu’il le raconte dans le prélude:
Tout est question d’énergie. Dans le travail de l’écriture, il y a ce moment fantastique, après la première ligne et avant la dernière, où l’on se sent vivant, porté par les vers, les phrases que l’on jette sur la page, à la truelle parfois.  Si les lignes sont des phrase et si les phrases viennent de l’horizon, alors peut-être sommes-nous  en train d’écrire une histoire, même brève. Mais, qu’il s’agisse de poèmes ou d’histoires, il est important d’explorer tous les champs possibles, y compris ceux de l’imaginaire, quitte à n’en choisir qu’un seul. Entre le poème et le récit, le sprint et le marathon, il y a de la marge, des marges à remplir à ras bord de paroles. 
Quand on dit qu’un roman est poétique, que veut-on dire ? Est-ce une décoration, un grade plus élevé que l’on donnerait à l’ouvrage ? Et pourquoi relit-on un livre quand on  en connaît l’histoire ? Sûrement à cause de sa musique, de son parfum, de son charme et, bien sûr, du mystère des vies qui ne se révèle pas à la première lecture. C’est en cela que Madame Bovary, L’Île au trésor, Le Rouge et le Noir sont des poèmes et que certains poèmes ne le sont pas. 
Ce sont des histoires qui auraient pu lui arriver ou qui lui sont vraiment arrivées, je ne sais pas au juste, mais elles semblent toutes vraies et parfois même je m’y suis reconnue. 
J’ai souvent souri parce que l’humour ne manque pas. Je me suis attendrie parce que les souvenirs d’enfance, proches des miens, me font toujours cet effet et, ce qui me plaît encore davantage,  plusieurs de ces récits m’ont fait rêver, transportée comme je me suis sentie à plusieurs reprises  dans un monde de nuit mais ponctué de jour. Un monde qui a touché, à travers les regards, les abymes des cœurs.
Un livre que j'ai beaucoup aimé.
Existence marginale mais ne trouble pas l'ordre public, Yvon Le Men, Flammarion, octobre 2012, (204 p.)

Yvon Le Men, né en 1953 à Tréguier, est un poète et un écrivain breton. Il vit actuellement à Lannion. Son œuvre poétique comporte plus d'une trentaine d'ouvrages.(Wikipedia)
Curieusement il  a prêté ses poèmes au héros du dernier livre de Björn Larsson, Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers (Grasset, 2012).
Auteur déjà présenté ICI, avec le poème: Paysage
Challenge de Lystig.  Bretagne. 

vendredi 5 avril 2013

Sélection de livres pour le prix Goncourt de la nouvelle

Le 7 mai, l'Académie Goncourt choisira parmi ces quatre livres celui qui recevra son prix 2013 pour la nouvelle
  1. Frank Courtès:  Autorisation de pratiquer la course à pied (JC Lattès)
  2. Fouad Laroui, L’Étrange affaire du pantalon de Dassoukine (Julliard)
  3. Blandine Le Callet, Dix rêves de pierre (Stock)
  4. Mathieu Rémy, Camaraderie (L’Olivier).
En 2012 ce prix revenait à
Didier DaeninckxL’Espoir en contrebande (Éditions du Cherche-Midi). 


lundi 31 octobre 2011

Le tableau mouvant de Edith Wharton

Edith Wharton  est une de mes romancières préférées. La meilleure  preuve en est que même ses nouvelles trouvent grâce à mes yeux et pourtant les histoires courtes ne sont pas ce que je recherche spontanément. Dans le recueil: "Une affaire de charme", mon histoire  préférée est celle du "Tableau mouvant".

Mrs Grancy est la seconde jeune femme d'un homme très apprécié de son petit groupe d'amis londoniens. L'un de ceux-ci, Claydon, un peintre de renom, fait son portrait qui devient son chef d'œuvre. On le soupçonne alors d' en être amoureux. Bientôt cependant cette épouse modèle meurt brusquement et le groupe se désagrège. Cinq ans plus tard, lors d'une visite à son ami veuf, le narrateur constate avec surprise que le visage de Mrs Grancy a considérablement vieilli.

(Attention spoiler!) Il comprend soudain pourquoi le peintre ne veut plus revenir dans cette maison, c'est que par amitié il a cédé à la demande de son ami de faire vieillir le portrait de sa femme afin de continuer à la sentir proche de lui et à mieux communiquer avec elle.
Pendant dix ans, M Glancy puise son énergie dans le sentiment mystique de la participation de sa femme défunte à ses entreprises et il vit heureux ainsi jusqu'au jour où le portrait reflète une grande crainte: celle de la mort prochaine de son époux! Ce qui arrive très vite. 
Par testament le tableau retourne chez le peintre qui lui redonne sa jeunesse. Il est heureux, elle lui appartient enfin! 
  
Cette nouvelle a été publiée en 1901.  Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde  date de 1890: Faut-il voir un rapport entre les deux? Une influence certainement!

Le tableau mouvant de Edith Wharton (Flammarion, Une affaire de charme, 23 p) Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Pavans

lundi 13 juin 2011

Quoi de neuf, ce matin?

Que faire quand la lecture du livre en cours prend trop de  temps et que me vient l'envie d'écrire malgré tout? Je rends visite aux blogs qui viennent de publier à l'heure où j'ouvre mon écran comme on ouvre ses volets et je raconte mon parcours.

La première sur la liste de mon GR était Océane.  Elle propose deux nouvelles amusantes avec un jeu sur les titres loufoques de Katerine Pancol et  une vidéo cocasse sur le mot le plus essentiel de la langue française, paraît-il. A découvrir chez elle.


 Toujours beaucoup de belles surprises aussi chez Ufunk. Cette fois ce sont des photos où les enfants  deviennent parents et inversement;




















Un article plus sérieux a retenu mon attention: celui de Jacques Attali sur  les manipulations génétiques . Des chercheurs viennent d'introduire deux gènes  humains dans le génome d'une vache pour favoriser, chez les enfants qui consommeront son lait, l'assimilation du fer, la fabrication des globules rouges, le développement des dents et de certaines cellules intestinales. Inquiétant ou formidable avancée?  (ICI)



Ötli
 , quant à lui, nous présente sa  "japÖnÖthèque", après avoir annoncé, vendredi dernier, l'édition spéciale de son premier livre: "Le sang des cerisiers".

Dernière nouvelle :  Chrys annonce la fin des lundis parmi tant d'autres chez elle mais  Zaza continue l'aventure. A suivre. 

Activités ralenties en ce jour de Pentecôte. La blogosphère s'éveille  lentement. Je retourne lire. 

mardi 31 mai 2011

Le blouson de cuir, Histoire secrète , Cesare Pavese

L’éditeur présente ainsi ce petit livre :
Dans les collines du Piémont, les hivers sont rudes et les étés brûlants. Les enfants y grandissent librement au milieu de vignes. Ils découvrent l'amitié et l'amour, mais aussi la solitude et la mort.
Dans ces quelques nouvelles lumineuses, Pavese nous guide à travers les paysages de sa jeunesse, lieux et moments magiques qui ont profondément marqué toute son oeuvre.                                                 
Cesare Pavese ( 1908-1950) est depuis toujours un de mes auteurs italiens favoris, non seulement pour son journal intime : «Le métier de vivre», paru peu après son suicide en août 1950, à 42 ans, non seulement pour son engagement politique contre Mussolini et son parti fasciste qui lui valut un an d’emprisonnement, ni même  pour ses courts récits et ses romans si bien écrits soient-ils, mais surtout  pour cet état de grâce, cette petite musique, cette nostalgie issue de l’enfance qui me captive et m’envahit à chaque lecture.
                                                     Dans «Le blouson de cuir»Ceresa est un patron d’auberge qui aime le Pô, les barques et ses clients. C’est pourquoi la jeunesse du coin afflue chez lui : on y joue, on y boit,  on y rit et on y pèche  aussi. L’ambiance est excellente : l’homme au blouson de cuir sait s’amuser et le jeune narrateur passe auprès de lui toutes ses grandes vacances. «Quand il y avait Ceresa, il y avait toujours de bons moments : on était en maillot dans l’eau, on préparait le goudron, on vidait les barques, et à la belle saison, on goûtait avec le seau de raisin sur la table, sous les arbres. Les filles qui allaient en barque s’arrêtaient pour plaisanter sous l’appentis.»  Un jour cependant une servante plus attirante et plus délurée que les autres arrive et rien ne sera plus pareil…


Cette histoire ne m'a pas déçue, au contraire,  j’y ai retrouvé tout ce que j’apprécie chez Pavese. Elle évoque une  histoire d’adultes racontée par  un enfant au seuil de l’adolescence qui a tout vu de cette aventure cruelle, tout deviné de  ces solitudes et  de cet amour mal vécu qu’il raconte pour y avoir participé comme témoin mais sans vraiment comprendre. A trop vouloir le protéger en raison de son âge, on l'a angoissé et c'est ce que l'on perçoit à travers tout le récit : la sensibilité exacerbée de celui qui devine la tragédie sans pouvoir l'éviter. 
Histoire secrète de Cesare Pavese (folio, 2€,1946-2008-2010, 109 pages)  Trois nouvelles extraites de Vacances d’août : Le Blouson de cuir, Premier amour, Histoire secrète. Traduit de l’italien par Pierre Laroche. (Challenge 2€ de Cynthia et défi Voisin voisines de Kathel et celui de Nane 

lundi 23 mai 2011

Il ne fait jamais noir en ville de Marie-Sabine Roger

C’est un joli recueil de dix nouvelles, émouvantes, souriantes, écrites autour de la vie de petites gens,  des gens de tous les jours, de ceux qui n’ont jamais rien d’extraordinaire à raconter, ceux à qui il semble n’arriver jamais rien et pourtant, c’est un vrai plaisir que de découvrir les petites particularités du voisin  serviable mais inquiétant, du père qui va se séparer de son enfant. et ainsi de suite.
 Celle que j’ai préférée cependant est «La loi de Murphy», appelée aussi LEM ou loi de l’emmerdement maximum. Une employée modèle découvre un chat dans une poubelle, le recueille et sa vie en est toute renversée. Du jour au lendemain, elle passe à la rébellion et affirme très haut ce dont elle ne veut plus désormais. Non au fait de rester aider sa patronne après ses heures de travail. Non au don d’argent pour le bébé du voisin inconnu. Non au loueur de DVD pour son retard. Son bonheur et sa force lui viennent maintenant du petit animal qui attend ses soins, allongé sur son lit dans son appartement.
Ont également aimé ce livre : Eireanne, AntigoneEncres vagabondes, Clara, Hélène, clarabel, un peu moins Cathulu
Il ne fait jamais noir en ville de Marie-Sabine Roger, (éditions Thierry Magnier (2010), 105 pages)

lundi 7 mars 2011

Nouvelles pour une année de Luigi Pirandello

Le train a sifflé
 Il délire. Début de fièvre cérébrale ont dit les médecins alors on l’a interné, à l’asile psychiatrique de la ville où il travaille depuis toujours. Ses camarades de bureau lui ont rendu visite et ont pris  plaisir à répéter toute la journée  ce diagnostic à qui voulait l’entendre. «Il délire! Folie furieuse!»
Cependant la vérité est ailleurs  mais  personne ne s’en doute
Voilà un être dont tout le monde se moque et profite,  un écrasé de la vie qui, un matin, se révolte, s’exalte, s’enflamme au point d’étonner son entourage qui préfère le voir enfermé.
Qu’a–t-il dit de si terrible?
Il a répété toute la journée  qu’il avait entendu le train siffler la nuit. «Le train a sifflé. Le train a sifflé.»
On s’est étonné d’abord. On a ri sans rien comprendre. On s’est moqué de lui puis inquiété et on l’a enfermé.
Mais là encore la vérité est ailleurs et l’homme est tout à fait sain d’esprit. 
Il faudrait juste comprendre sa vie en famille, bien plus sombre encore que sa vie au bureau.
Le sifflement du train perçu en pleine nuit l’a réveillé, secoué,  fait renaître à l’existence. Maintenant il exulte. Il est heureux!
Il se sent vivre enfin. Il a senti le frisson, la palpitation du temps!
«Maintenant le monde s’est réintroduit dans son esprit. Il peut se libérer de temps en temps de son tourment pour respirer, par l’imagination, une goulée d’air dans le monde.»
J’aime beaucoup Pirandello que je me mets à relire après  de longues années d’oubli.
Luigi Pirandello est un écrivain Italien, poète, nouvelliste, romancier et dramaturge, né le 28 juin 1867 à Agrigente en Sicile durant une épidémie de choléra, et mort à Rome le 10 décembre 1936. Son œuvre a été récompensée du Prix Nobel de littérature en 1934.
Titre original : Novelle per un anno, Traduction de l’italien par Georges Piroué Challenge de Sabbio

samedi 29 janvier 2011

Débutants de Raymond Carver


Voici enfin le vrai Carver,  celui dont l’éditeur avait transformé l’œuvre en croyant l’améliorer
 Ces nouvelles, on les connaissait  sous le titre de : «Parlez-moi d’amour »  mais elles étaient amputées de la moitié de leur texte par Gordon Lish qui n’appréciait pas l’évocation des émotions  trop  fugitives que l’auteur privilégiait 
 Une nouvelle traduction nous permet désormais  de lire le texte que Carver aurait voulu voir publier s’il ne s’était pas  soumis par nécessité aux exigences de  son éditeur.
C’est pourtant un écrivain que  Richard Ford, Stephen King ou Philippe Djian  tiennent pour l'un des plus importants de la seconde moitié du XXème siècle.
 Il a vécu de 1938 à 1988 et a déclaré lui- même n'avoir jamais «rien fait d'autre que boire».  Cependant il a fait mille métiers  ayant  travaillé comme portier, ouvrier dans une scierie, pompiste, gardien de nuit, ramasseur de tulipes, agent de service dans un hôpital,  pris des cours d'écriture, publié des poèmes et enseigné l'anglais.
Une légende à  l’américaine  en somme.
 Ce sont dix-sept histoires  de vies gâchées par l’alcool, , le désamour, les petites trahisons, les désirs qui s’épuisent,  s’envolent,  se posent ailleurs,  le départ des enfants, l’ennui au  travail, le vide d’une  vie qui s’effiloche, la menace des excès et abus de toutes sortes , la tentation du rien, du vertige , de la folie, du suicide.
La vie toujours au-dessous des rêves  mais aussi la vie qui dicte l’écriture et fait naître les chefs d’œuvre !
Quelques exemples de récits
Si vous dansiez ?
 Des meubles dans un jardin, la nuit, pour le vide grenier du lendemain. Ils  attirent un jeune couple. Le vendeur brade tout. Il est soûl, nostalgique. Il se sent heureux,  les incite à danser, à dormir dans le grand lit, les veille comme ses enfants. A leur départ, au matin, il leur donne tous ses disques.
Dans le viseur
Un homme sans mains prend des photos d’une maison. Le propriétaire l’invite à prendre un café. . L’homme est habile avec les crochets qui remplacent ses mains. Il raconte sa vie pendant qu’il photographie l’homme seul que sa femme et ses enfants viennent de quitter et qui se sent mieux maintenant grâce à cette visite inattendue..
Où sont-ils passés tous ? 
«J’en ai vu des choses.»  Un homme a vu s’éloigner tous les siens, peu à peu, ses enfants, sa femme qui le trompe avec son meilleur ami, ses copains , ses collègues, sa mère  qui trompe sa propre solitude avec un inconnu. C’est pourtant vers elle qu’il revient dormir, un soir et se faire border comme un enfant. «Elle tira la couverture sur moi …Je restai couché. Sans bouger.»


Gloriette  Présentation de l'éditeur
« Ce matin-là, elle me verse du scotch, du Teacher’s, sur le ventre, et le lèche. L’après-midi elle essaie de se jeter par la fenêtre. Je ne peux plus supporter tout ça, et je le lui dis. Je fais, “Holly, ça ne peut pas durer. C’est de la folie. Il faut que ça s’arrête.”

Et les récits s'enchaînent ainsi une succession  de riens qui s’avèrent graves et de drames  qu’il faut essayer d’oublier. Ainsi va la vie des personnages de Carver .
Débutants de Raymond Carver , Œuvres complètes, 1, (Éditions de l'Olivier, 2010, 333p.) Traduction de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierer Carasso. Titre original: Beginners.

mercredi 24 novembre 2010

La Vieille dame qui n'avait jamais joué au tennis, et autres nouvelles qui font du bien de Zidrou, La BD du mercredi

Ce sont 9 dessinateurs différents  qui racontent  15 histoires très courtes, dans cet album qui ressemble à un cahier cartonné. "Quinze nouvelles à lire la larme à l'œil et le sourire aux lèvres".
L’idée de départ me plaît bien qui consiste à  présenter les petites joies de la vie de tous les jours de gens très ordinaires, de ceux  que l’on rencontre partout et auxquels on ne fait pas toujours très attention.  Les regards sont tendres, les dessins dans le style réaliste mais, malgré tout, chacun avec  son originalité.

J'ai aimé tout particulièrement le récit qui encadre les autres, intitulé "Coltrane" du nom du chien d'un  grand-père  très âgé isolé dans sa  petite maison de village  qui recueille son musicien de petit-fils à sa sortie de prison.. Il lui offre ce qu'il a de plus précieux , ses vieux disques de jazz et  un soir, pour son anniversaire, il a le droit à une soirée musicale offerte par les amis musiciens compagnons de galère de son rejeton. Il est heureux! 
La fin de l'histoire est aussi celle de l'album. Elle vient longtemps après toutes  les autres .
J'ai aussi beaucoup  aimé les trois scènes de "L'intimité" dessinées par Homs, où les corps nus sont magnifiques avec leurs coupures et  leurs  déchirures comme autant de cicatrices souvenirs du passé.
  En somme l'ensemble est sympathique à condition  de ne pas  lire  trop d'histoires à la suite  mais seulement à petites doses, une ou deux histoires à chaque fois sinon, tout au moins pour moi, ça devient ennuyeux à la longue. Les nouvelles sont beaucoup trop courtes pour qu’on ait le temps de s’attacher aux personnages et on saute trop vite d’un récit à l’autre ce qui m’a donné l’impression d’une lecture  morcelée,  sautillante et superficielle..Mais pour qui ne craint pas ce genre d'histoires  courtes, c'est sûrement un bel album très attachant! 

La Vieille dame qui n'avait jamais joué au tennis, et autres nouvelles qui font du bien, écrites par  Zidrou, (Dupuis, 2010, 127p)
Participent pour l'instant aux BD du mercredi de Mango, Sandrounette, Kikine,  Yoshi73, Mo'lafée,  Noukette,  Valérie,  Jérôme,  Hathaway,  Manu,  Choco, Irrégulière, Lystig,   Sara, Mathilde,   Hilde,  Hérisson08,  Lounima,  Dolly, Emmyne,  Theoma, Estellecalim,
Participation au Challenge Palsèches de Mo'lafée et à celui de Mr Zombi

lundi 6 septembre 2010

Une parfaite chambre de malade de Yoko Ogawa

C’est la deuxième nouvelle que je lis en suivant l’ordre de ce volume, la première étant: La désagrégation du papillon. où la narratrice rendait visite à sa grand-mère qu’elle venait de conduire dans une maison de retraite pour grands dépendants.

Cette fois-ci  c’est son frère de vingt et un ans atteint d’un cancer digestif que la narratrice  accompagne jusqu’à sa disparition.  Elle  a gardé un souvenir très doux des heures passées avec lui dans sa chambre d’hôpital. Elle y pense sans cesse,  peut-être parce que nous étions deux et que nous n’avons pas reçu beaucoup d’affection de nos parents. 
Elle raconte sa vie depuis le moment de l’arrivée de son frère, un jour d’automne,  dans ce grand hôpital de Tokyo  jusqu’à sa mort,  au début du printemps quelque temps plus tard quand la neige a disparu, et que les pétales des fleurs de  cerisiers commencent à  voltiger comme des flocons. Il n’avait pas réussi  à vivre treize mois.
Cette chambre est parfaite pour elle qui a vécu avec une mère atteinte de maladie mentale  dans une crasse invraisemblable,  cause du divorce de ses parents et de sa grande solitude.
Je n’avais jamais eu jusqu’ici l’occasion d’apprécier une propreté aussi paisible. Si j’aimais tellement cette chambre de malade, c’est parce que la vie n’y avait pas sa place. Mais à côté de l’attachement que j’éprouvais pour cette chambre, la maladie était en train d’envahir lourdement l’intérieur du corps de mon frère. …La liste des aliments qu’il pouvait encore assimiler se réduisait vite. J’ai perdu l’appétit en même temps que lui .
 Elle passe donc tout son temps libre dans la chambre de son frère, qui devient synonyme de pureté,  de silence et  de paix contrairement à  sa propre cuisine où elle retrouve son mari, un chercheur très occupé qui rentre toujours vers trois heures du matin et qui lui demande alors  de lui  faire à  manger. Elle ne voit plus que les bouches des gens, celles de sa mère, de son frère, de son mari. Elle en est obsédée.
 Personne ne mangeait aussi joliment le raisin que mon frère.  Le mouvement des lèvres, le bruit de la salive qui gicle ou l’aspect des dents, il y avait toujours quelque chose qui me déplaisait chez les autres. 
La réalité des corps lui devient douloureuse. L’action de manger lui devient laide. Elle l’associe aux ordures, aux poubelles qu’il faut sans cesse vider.
Si l’on pouvait se débarrasser de toutes les choses de la vie dans un vide-ordures et vivre aussi légèrement qu’un morceau de cristal!... pensais-je au fond de moi, et j’arrondissais le dos.  J’ai toujours détesté la vie. 
Elle rencontre souvent au bar ou à la bibliothèque de l’hôpital le professeur qui soigne son frère et qui, lui,  souffre de se sentir orphelin depuis son enfance.
J’aimais aussi la bibliothèque, de la même manière que j’aimais sa chambre à l’hôpital. Là non plus on ne sent pas la vie.
Un  soir, à sa demande, le professeur la serre dans ses bras  et elle éclate enfin en sanglots, ce qui l’apaise.
 Une chambre d’hôpital est un endroit parfaitement purifié de toutes les turpitudes de la vie. Quand je suis dans cette chambre, j’ai l’impression de devenir un ange ou une fée. 
Elle n’a jamais revu le professeur.
Simplement quand je pense à mon frère, je me souviens de cette nuit de neige où il me tenait serrée sur son cœur et je pleure. 
Une chambre parfaite donc, comme un seuil, un hâvre de paix, une halte avant le grand  saut! 
Pour une fois j’ai laissé  beaucoup de citations car le charme de Ogawa vient de ses phrases  si faussement  calmes,  si belles, si apaisées mais  qui contiennent toute la violence des grandes douleurs. 
En ont parlé: LN, Clara
Participation 3 au challenge de Choco
Une parfaite chambre de malade de Yoko Ogawa
(Thesaurus,Actes sud, tome 1,1989/200) 
Récits traduits du japonais par Rose-Marie Makino, page 47 à 85)