Affichage des articles dont le libellé est père. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est père. Afficher tous les articles

dimanche 16 mars 2014

N'aie pas peur si je t'enlace, Fulvio Ervas

"Ce roman retrace l'histoire vraie du long voyage aux Etats-Unis et en Amérique latine de Franco Antonello et de son fils Andrea durant l'été 2010.
Andrea vient d'avoir dix-huit ans, son autisme a été diagnostiqué quand il en avait trois.
Franco Antonello a raconté son aventure à Fulvio Ervas au cours d'un dialogue qui a duré plus d'un an."(p.7) 

Jusqu'à l'âge de deux ans et demi, tout allait bien et puis l'enfant rieur qui commençait à parler est devenu sombre, introverti. 
"Il jetait tout par les fenêtres, sacs, vêtements, chaussures, portefeuilles, photographies.  Il avait des gestes compulsifs, sans raison, il ne nous regardait plus dans les yeux. Une autre histoire." L'enfant est diagnostiqué autiste. 
Les parents ont alors tout essayé pour améliorer son état mais pour sa majorité, le père  fait le constat des défauts et des qualités de son fils: Malgré son mètre quatre-vingt-deux, c'est encore un enfant, "un ouragan imprévisible".  Il marche sur la pointe des pieds, range les objets dans un ordre méticuleux, et surtout aime enlacer les gens et leur toucher le ventre, dès leur première rencontre.  De là le titre du livre.. C'était aussi la devise imprimée sur tous les tee-shirts d'Andrea quand il allait à l'école. 
 Dès ses dix-huit ans, le père s'embarque avec lui pour 38000 kilomètres en Harley, en avion, en voiture à travers le continent américain, du nord au sud  et de l'est à l'ouest, à l'aventure. Le père crève de peur de perdre son fils en route mais il espère aussi que ce voyage lui fera du bien malgré l'avis des médecins. 
J'ai beaucoup aimé ce récit, si  plein d'amour paternel et filial aussi, sans oublier l'humour  qui rend la lecture plus légère. Père et fils sont très attachants et leur aventure, périlleuse et risquée,  sera très riche en  beaux souvenirs. 
Mais demain? Le constat reste amer.
Je comprends les terribles pensées qui submergent certains pères et les entraînent dans un tourbillon destructeur quand ils voient leur enfant osciller au bord de l'abîme. En ce qui me concerne je pourrais mourir aujourd'hui, ma vie est déjà bien remplie: travail, voyages, amour, amis, satisfactions,aventures et mésaventures. Je suis prêt mais je pense à lui: est-ce vivre que d'être enfermé dans l'autisme et entre les murs d'une institution, dans un désert affectif, pendant des dizaines d'années? D'instinct me vient l'idée terrible et peut-être égoïste de l'emmener avec moi quand ce sera le moment. Nous ferons une grande fête, un témoignage de regrets éternels. Au revoir tout le monde. 
N'aie pas peur si je t'enlace, Fulvio Ervas.  Traduit de l'italien par Marianne Faurobert (Liana Levi, 2013, 268 p.)
Billets de Clara et de Kathel  ainsi que celui de Fleur qui en a fait un coup de cœur


lundi 9 septembre 2013

Les larmes de mon père de John Updike


"Je n'ai vu mon père pleurer qu'une fois."

Dernier livre de l'auteur avant sa mort en 2009, à 77 ans, ce recueil de nouvelles est aussi le livre du commencement  et de la  fin. Pas étonnant puisque l'auteur l'a écrit en sachant que ce serait aussi son dernier. C'est pourquoi il s'est penché sur ce qui l'intéressait le plus à ce moment-là: jeter un coup d'œil en arrière. 
Ses personnages sont tous des retraités qui recherchent leurs anciennes amours. Ils tentent de retrouver la flamme amoureuse, ne serait-ce qu'un court instant et ils y parviennent le plus souvent - le temps d'un vol de papillon - comme en une cérémonie des adieux, nostalgique, ironique et légèrement amère quoique pudique.

Ainsi de "La panne", le premier récit du recueil  qui commence ainsi:

 Le joyeux présentateurs de la météo à la télévision, toujours à l'affût de catastrophes pour gonfler l'audience, avaient annoncé une violente tempête automnale en Nouvelle-Angleterre, avec fortes pluies et gros vents.

Ce jour de grosse tempête, tout s'éteint dans la maison: plus de lumière et plus d'ordinateur,  plus  rien de toutes les  choses pratiques ... Evan Morris prend alors son mal en patience et monte dans sa voiture pour poster des lettres mais  rien ne fonctionne ni à la poste ni à la banque.  Il achète alors un paquet de cajous et déambule tranquillement dans les rues où l'ambiance est très joyeuse, presque festive. 
Près de chez lui, ayant rencontré une voisine, ils se mettent à parler de tout et de rien. Il l'invite à  monter dans sa voiture pour  la raccompagner chez elle, puisqu'elle vient de lui avouer, les larmes aux yeux, qu'elle se sent seule, son mari étant au travail et sa fille en pension.
Son intérieur est  plus chic  que le sien, plus moderne, d'un goût plus sûr note-t-il. Très vite, ils échangent des baisers et montent dans la chambre où elle parle encore de son mari parti à Chicago  et qu'elle soupçonne de la tromper.  Elle a peur toute seule avoue-t-elle en l'aidant à se déshabiller. Il est aux anges ... lorsque, brutalement, la lumière revient, avec mille bruits (lave-vaisselle, télévision, bip bip de l'alarme antivol) ... les appareils se remettent en marche.  Gênés, ils se rhabillent. 
Dehors, le vent souffle toujours très fort. Les alarmes se sont tues. Tout est normal. Il rentre chez lui: "Je ne sers plus. C'est ainsi. C'est la vie"  Adieu fougue de la jeunesse! 

J'ai aimé cette lecture des 18 récits, tous très  agréables, bien que les thèmes en soient très variés jusqu'à l'évocation du 11 septembre vu à la fois  par les kamikazes, les victimes et les spectateurs et curieusement intitulé: "Variété des expériences religieuses." Du grand Updike! 

John Updike, « Panne"
in  Les larmes de mon père 
Traduit par Michèle Hechter
2011.

Né en 1932 en Pennsylvanie, John Updike a reçu deux fois le prix Pulitzer. Auteur de romans, de poèmes et de nouvelles, il est décédé en 2009. 

mardi 31 mai 2011

Le blouson de cuir, Histoire secrète , Cesare Pavese

L’éditeur présente ainsi ce petit livre :
Dans les collines du Piémont, les hivers sont rudes et les étés brûlants. Les enfants y grandissent librement au milieu de vignes. Ils découvrent l'amitié et l'amour, mais aussi la solitude et la mort.
Dans ces quelques nouvelles lumineuses, Pavese nous guide à travers les paysages de sa jeunesse, lieux et moments magiques qui ont profondément marqué toute son oeuvre.                                                 
Cesare Pavese ( 1908-1950) est depuis toujours un de mes auteurs italiens favoris, non seulement pour son journal intime : «Le métier de vivre», paru peu après son suicide en août 1950, à 42 ans, non seulement pour son engagement politique contre Mussolini et son parti fasciste qui lui valut un an d’emprisonnement, ni même  pour ses courts récits et ses romans si bien écrits soient-ils, mais surtout  pour cet état de grâce, cette petite musique, cette nostalgie issue de l’enfance qui me captive et m’envahit à chaque lecture.
                                                     Dans «Le blouson de cuir»Ceresa est un patron d’auberge qui aime le Pô, les barques et ses clients. C’est pourquoi la jeunesse du coin afflue chez lui : on y joue, on y boit,  on y rit et on y pèche  aussi. L’ambiance est excellente : l’homme au blouson de cuir sait s’amuser et le jeune narrateur passe auprès de lui toutes ses grandes vacances. «Quand il y avait Ceresa, il y avait toujours de bons moments : on était en maillot dans l’eau, on préparait le goudron, on vidait les barques, et à la belle saison, on goûtait avec le seau de raisin sur la table, sous les arbres. Les filles qui allaient en barque s’arrêtaient pour plaisanter sous l’appentis.»  Un jour cependant une servante plus attirante et plus délurée que les autres arrive et rien ne sera plus pareil…


Cette histoire ne m'a pas déçue, au contraire,  j’y ai retrouvé tout ce que j’apprécie chez Pavese. Elle évoque une  histoire d’adultes racontée par  un enfant au seuil de l’adolescence qui a tout vu de cette aventure cruelle, tout deviné de  ces solitudes et  de cet amour mal vécu qu’il raconte pour y avoir participé comme témoin mais sans vraiment comprendre. A trop vouloir le protéger en raison de son âge, on l'a angoissé et c'est ce que l'on perçoit à travers tout le récit : la sensibilité exacerbée de celui qui devine la tragédie sans pouvoir l'éviter. 
Histoire secrète de Cesare Pavese (folio, 2€,1946-2008-2010, 109 pages)  Trois nouvelles extraites de Vacances d’août : Le Blouson de cuir, Premier amour, Histoire secrète. Traduit de l’italien par Pierre Laroche. (Challenge 2€ de Cynthia et défi Voisin voisines de Kathel et celui de Nane 

vendredi 21 mai 2010

Le crieur de nuit par Nelly Alard


Un lundi matin, la narratrice apprend par son répondeur que son père vient de mourir.
«Tu es mort. Enfin.»
Ce cri du cœur résume à lui seul toute l’histoire!
Pendant une semaine, celle des funérailles, elle s’adressera à ce père difficile, évoquant leur passé commun douloureux  qui la poursuit encore malgré une vie réussie.
C’est donc en Bretagne près de Saint Pol de Léon où repose le corps du père que la famille va se reconstituer le temps de l’enterrement : la mère exemplaire et aimante, la sœur et le frère complices  et soudés dans leurs souvenirs.
Le père était un tyran domestique, autoritaire, jaloux, égoïste,  aux colères constantes et incontrôlables qui se faisait autant de mal à lui-même  qu’à sa famille.
Mais c’était aussi un grand malade, rendu totalement dépendant par la maladie de Parkinson , soigné chez lui pendant trente ans  par sa femme, d’où le double sens de l’exclamation «enfin!» poussée par ses enfants à l’annonce de sa mort surtout ressentie comme une délivrance .
 Le «crieur de nuit» est un esprit malfaisant,  traduction française du "hopper-noz" breton, évoqué par  Anatole le Braz dans son livre: «Les légendes de la mort»
  Voici ce qu’en dit l’auteur dans une interview :
«Au départ, ces citations venaient simplement en contrepoint d'un récit par ailleurs très réaliste. Je trouvais drôle de décrire une famille moderne de gens extrêmement rationnels et parfaitement athées plongée au milieu de tout ça. Et au fur et à mesure de l'écriture, ces citations sont venues rythmer le récit jusqu'à donner au livre sa structure, et même son sens profond. Car cette histoire est elle-même une sorte de conte, même si l'on ne s'en rend compte qu'à la toute fin.
En fait, c'est aussi une comédie. Une comédie noire, certes, grinçante, cruelle et même macabre, mais une comédie. Pris au premier degré, même ce que rapporte Anatole Le Braz est plutôt drôle. Cette superstition selon laquelle il ne faut surtout pas balayer la pièce où se trouve quelqu'un qui vient de mourir, parce qu'on risquerait de balayer l'âme du défunt avec... Sauf que derrière tout cela, il y a la question de la survie de l'âme et l'idée, comme dans la plupart des religions, que la mort ne peut être acceptée avec sérénité que lorsque la vie a été pleinement vécue, que le défunt a atteint un certain degré d'accomplissement Il me semble que dans ce contexte, l'anorexie du personnage n'a pas grand-chose à voir avec le matérialisme de notre société. C'est plutôt une tentative de prise de contrôle sur elle-même, un contrôle dont elle a été privée par une trop grande soumission à l'autorité paternelle et, plus tard, masculine. »


C’est un très beau livre que j’ai beaucoup aimé et je ne crois pas que ce soit uniquement  pour avoir vécu dans les lieux où se déroule l’histoire. J'y retrouve toute la réalité de cette Bretagne du Finistère nord, si dure et si généreuse à la fois!

C’est une histoire de famille, douloureuse mais pleine d’amour aussi malgré les reproches, les regrets,  les mauvais souvenirs, un roman très prenant où le rire et l’absurde côtoient les pleurs, où la fratrie se reconstruit autour de la mère qui est une figure magnifique ici, où tout m’a semblé juste et maîtrisé, sans exagération ni mélodrame. Juste un cri d’amour et un dernier adieu au passé et aux ancêtres pour mieux renouer avec le présent.

C’est le premier roman de   Nelly Alard, comédienne et scénariste, ancienne élève du Conservatoire national d'art dramatique de Paris
Merci à Clara qui en a fait un livre-voyageur.   Le Crieur De Nuit dNelly Alard

(Ed. Gallimard, 2010, 112 p)