Dans le lit d’une chambre d’un immeuble d’on ne sait où, deux agents appelés par le concierge découvrent deux corps allongés dans un lit:
Lorsque le cadavre de la femme sera transporté sur une civière hors de la chambre, l’homme, toujours prostré au bord du lit, n’aura pas un regard pour celle dont il a rendu le visage méconnaissable.
Ainsi commence ce court récit de 140 pages (mais le format est si étroit que j’ai eu l’impression de n’en lire que la moitié).
Il me semblait après ces lignes qu’il allait s’agir d’un roman policier ou presque. Pas du tout! Comment dire? Ce sont des histoires de vie que chacun se ressasse, en voyage, entre deux destinations, deux parties de sa vie, un moment de rupture, de passage, de transition, un retour sur soi et sur l’amie qu’on va revoir, des bribes de passé qui reviennent, mélancoliques.
Il y est question de L et de son petit garçon, de retour de Rome où ils ont abandonné le "mari et père", trop inconstant. Désormais ils se sont installés en banlieue parisienne, à Saint-Ouen et puis il y a Emmanuelle, l’amie d’enfance et de jeunesse, devenue sage-femme libérale, qui les a invités dans la maison de son enfance, en Bretagne,dans la presqu'île de Crozon. Elles ne se sont pas revues depuis vingt ans alors dans le train les souvenirs reviennent, forcément, de façon désordonnée, par à coups, comme dans la vie.
Enfin, Bérangère! C’est le personnage le plus haut en couleur, le plus attachant aussi, la mère d’Emmanuelle, élevée de façon rigide dans une famille de la grande bourgeoise, puis dans la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur, mariée très jeune à Jean, le père d’Emmanuelle, à la suite d’une escapade de pensionnaire inconsciente. Celui-ci la poursuivra sans cesse d’une jalousie maladive mais c’est une rebelle et elle se vengera à sa façon dans les voyages en train entre Paris et la Bretagne avant de divorcer finalement et d’élever seule sa fille. Le père se remariera et Emmanuelle ira régulièrement le voir en prison. Ah, oui, le début!
Ceci ressemble à un résumé mais ce n’en est pas un. C’est juste un essai de reconstitution comme quand on regarde un dessin cubiste. Il faut bien essayer de comprendre – au moins un peu! Enfin moi, j’en ai eu besoin. Cette fois ça n’a pas été simple car loin d’être linéaire, il s’agit d’un récit éclaté. On va on vient, on avance, on recule. On voyage en somme, du passé au présent puis de nouveau, retour en arrière. On s’arrête sur un épisode puis on repart, ailleurs, avec un nouveau personnage, un autre lieu, un moment plus proche ou plus lointain, au gré des souvenirs. C’est comme une errance, poétique, mélancolique, nostalgique, une vie, deux vies, trois destins emmêlés que l’on ranime un peu avant de les aborder à nouveau et de les faire revivre.
Il n’y a rien à savoir sur vous-même. Il n’y a rien à savoir. Vous ne savez pas, vous êtes. Vous vous appropriez votre passé; vous vous appropriez ce que vous êtes … Vous vous installez dans l’impossible.
C’est un récit exigeant qui demande beaucoup d’attention. Le style m’a plu, l’effort à fournir un peu moins.
Pourtant qui a goûté au poison ambigu et douceâtre de la nostalgie sait qu’elle ne nous lâche pas, déplaçant seulement la vague malaise, la jubilation secrète qui l’accompagnent, vers un autre objet, une autre vie, une autre ville. Quelques semaines après son retour définitif à Paris, un soir où la nuit était tombée trop vite, L. se surprit à regretter les crépuscules romains qui s’annoncent par des dégradés roses et jaunes et l’envol d’étourneaux inquiétant, théâtral.
Inverno, Hélène Frappat, («Un endroit où aller»,
Actes Sud, 2011,140 pages)
s'il faut beaucoup de concentration pour suivre le roman, je passe mon tour - suis en mode hibernation ;)
RépondreSupprimerAlors ce livre n'est pour toi pour le moment! :)
SupprimerEst-ce qu'on arrive à faire au moins des liens, entre toutes ces histoires et ces personnages ?
RépondreSupprimerAu bout de quelques chapitres, on y arrive mais j'ai dû m'y reprendre à deux fois.
RépondreSupprimerBonne et heureuse année chère Mango!
RépondreSupprimerMerci de tenir un si beau blog, merci de partager tes lectures et tes ressentis, merci de nous offrir de si bons conseils!
Bisous, gros bisous
Merci kenza et bonne année aussi. J'aimerais passer plus souvent sur les blogs que j'aime comme le tien mais tu l'auras compris, je suis un peu débordée en ce moment par un engagement familial plus prenant, bien que très agréable!
SupprimerJ'ai découvert Frappat avec Lady Hunt, et j'ai vraiment adoré son style et son propos...celui-là me tente beaucoup, mais je crains ce que tu dis sur l'effort à fournir, j'aime les lectures fluides..;
RépondreSupprimerJ'ai lu ton billet sur "Lady Hunt" et c'est d'ailleurs grâce à toi et à Valérie que j'ai choisi ce titre à défaut de trouver "Lady Hunt" justement que j'espère bien lire bientôt. Une fois passés les premiers chapitres j'ai commencé à mieux cerner ce dont il allait s'agir et là j'ai aimé ma lecture. Sa manière d'écrire m'a plu.
SupprimerLady Hunt n'était pas non plus facile d'accès. Celui-ci est encore plus difficile? J'ai très envie de continuer à découvrir Hélène Frappat.
RépondreSupprimerSi tu lis celui-ci tu diras s'il est plus ou moins facile . C'est le premier récit que je lis de Hélène Frappat.
SupprimerEt dire que c'est un peu comme ça quand même sous notre crâne parfois. Non ? Il a l'air sympa quand même ce livre.
RépondreSupprimerOui, c'est comme ça que ça se passe quand on laisse flotter ses pensées et ses souvenirs et oui c'est finalement agréable mais j'ai préféré ne pas cacher ma difficulté au début!
SupprimerUn trop gros effort à fournir alors. Je n'aime pas trop non plus quand ces romans exigeants arrivent au mauvais moment.
RépondreSupprimerUne lecture exigeante ne me dérange pas forcément, tout dépend de mon humeur du moment, mais je ne suis pas trop emballée par l'histoire.
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