Cette fois il s’agit de cinq jeunes,
ne se connaissant pas, vivant
dans des pays très différents, éloignés les uns des autres, à qui arrive
brusquement la même aventure: se faire piquer par une abeille venue on ne sait
d’où, ce qui focalise sur eux l’attention de tous les spécialistes du
monde puisque les abeilles sont
censées avoir disparu de la surface de la terre. Aussitôt on les arrache à leur
milieu et à leur vie ordinaire pour les isoler sur une île de l'Alaska, coupés de tout et
de tout le monde. Là on les examine minutieusement. Ils vont apprendre à se connaître et
passeront leur temps à se raconter des histoires, sur les conseils d'un des scientifiques qui les a en charge.
J’ai beaucoup aimé, surtout la
présentation des cinq personnages choisis par les abeilles et enlevés à leur vie
ordinaire, soit la première moitié du roman, après quoi, le récit se transforme
en nouvelles indépendantes les unes des autres, comme en illustration des
toutes premières phrases:
«Comment peut-on vivre sans songer à toutes les histoires qui nous servent à arranger cet endroit qu’on appelle le monde ? Sans histoires, notre univers n’est que cailloux, nuages, lave et obscurité. Un village dévasté par des eaux tièdes qui ne laissent aucune trace de ce qui a existé avant.»
Ici se place l’allusion au récent tsunami vécu par Harj au Sri Lanka, le
premier des cinq, celui qui a vu sa famille entière disparaître sous l'eau. .
«Imaginez … Vous allez à la fenêtre, vous regardez par les persiennes et vous voyez tout le contenu du monde que vous connaissez passer sous vos yeux dans un torrent de boue grise, un torrent silencieux et étonnamment apaisant : des feuilles de palmier, des ânes, la jeep de la société locale d’embouteillages Fanta, des vélos sans cadenas, des chiens morts, des caises de bières, des barques de pêcheurs, de crevettes… des cadavres..
Imaginez une créature extra-terrestre debout à côté de vous dans la pièce tandis que vous lisez ces lignes. Qu’est-ce que vous lui dites? Ce qui autrefois était en vie est désormais mort. Les extra-terrestres connaissent-ils seulement la différence entre la vie et la mort? Peut-être qu’ils font l’expérience d’autre chose, quelque chose d’aussi surprenant que la vie?Maintenant regardez de nouveau par la fenêtre – voyez ce que les dieux ont vomi hors de votre subconscient et dans le monde – la rivière tiède et boueuse qui transporte des chars crevés, des vieilles femmes drapées de saris humides, un bouc mort, des mouches qui bourdonnent, indemnes, juste au-dessus de la mêlée …Et maintenant que faites-vous – est-ce que vous priez?Qu’est-ce que prier sinon vouloir que les moments de cette vie s’assemblent pour composer une histoire – quelque chose capable d’expliquer certains événements qui, vous en êtes sûrs, ont un sens.Moi, je prie.»
Le second piqué est Zack, un jeune
agriculteur américain de L’Iowa qui rencontre l’abeille au beau milieu d’un
champ de maïs alors qu’il est à poil au volant de Maizie, sa
moissonneuse-batteuse ultra perfectionnée, la plus démente du monde, avec poste de pilotage ergonomique
entièrement pressurisé et climatisé, visibilité panoramique et isolation
phonique garanties, avec quatre
écrans plasma allumés, caméra satellite à bord dont il se sert pour tracer «une
bite avec une paire de couilles sur
quatre hectares ». Lui aussi est
orphelin, son père s’étant récemment tué dans un délire de drogues. Le tracteur
était son héritage!
Samantha, elle, est une néo-zélandaise
aux distractions étranges comme celle du «earth sandwich», un truc internet consistant à photographier deux tranches de pain avec une planète entre eux, en se mettant
d’accord avec une personne à l’exact opposé mathématique du lieu où vous êtes!
Compliqué! A été piquée au moment où ses parents
lui avouaient gravement leur terrible
secret: ils ne croyaient plus en rien, ni en Dieu, ni à une quelconque
religion.
Le quatrième est Julien, le français
dont l’idée fixe et de muter. Il est très ambitieux et déteste le monde réel.
La dernière est Diana, canadienne de
bonne famille, pieuse, célibataire qui cherche à se marier malgré le syndrome de la Tourette dont elle souffre
. «C’est choquant la première fois mais à la cinquième salve de «couillesdanslecul », les gens arrivent à faire la sourde oreille.»
Un roman donc sur la génération des quarante ans par un des leurs, le tout plein de profondeur et d'humour, juste comme j'aime. Un bon cru!
Génération A, Douglas Coupland
Roman traduit de l'anglais (Canada) par Christophe Grosdidier
(Éditions Au diable vauvert, 2013 pour la traduction, 316 p.)
Je n'ai jamais lu cet auteur, le thème est pour le moins original.
RépondreSupprimerJ'ai cru longtemps que ce serait un coup de cœur amis la fin se transforme trop en une série de nouvelles pour moi! Sinon c'est vraiment bien!
SupprimerEt bien je n'avais pas accroché. Je m'attendais à quelque chose de plus écolo.
RépondreSupprimerOui, moi aussi, ça ou alors plus de SF , genre les fourmis de Werber. Ici, c'est plus axé sur la fantaisie et le conte comme thérapie!
Supprimerje devais le recevoir mais au final, rien...Zut !
RépondreSupprimerUn excellent début et une fin plus déconcertante!
SupprimerUn auteur que je ne connais pas mais ça pourrait me plaire.
RépondreSupprimerEt hop une belle idée pour le Père Noël ;) je te souhaite une belle soirée
RépondreSupprimerJ'avais aimé celui qu'il a écrit sur le massacre de Columbine. Je devrai relire cet auteur.
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