vendredi 19 février 2010

La sagesse de la dentellière, Mylène Salvador

Joli petit livre, étroit et peu épais, pour un magnifique métier perdu et retrouvé!

Cet ouvrage a été publié avec la participation et le soutien du ministère de la culture et de la communication, délégation aux arts plastiques, mission des métiers d'art.

L'auteur est meilleur ouvrier de France depuis 1982. Maître d'art en 1994, elle a participé à la création du Conservatoire de la Dentelle de Bayeux. Dans cette région, il y avait 50 000 dentellières au XIXe siècle mais aujourd'hui, plus rien ni personne ne subsiste. Une telle disparition s'explique sans doute par le culte du secret qui régnait dans les fabriques. Les procédés n'étaient jamais écrits.


Le plus étonnant, c'est qu'elle a redécouvert, seule, à vingt ans, l'art de la dentelle aux fuseaux. Personne n'a voulu l'aider. Les dernières dentellières de l'endroit ont refusé de transmettre quoi que ce soit ainsi que les conservateurs du musée de Bayeux auxquels elle s'était adressée. Elle s'est alors servie de la macrophotographie pour décortiquer mentalement les dentelles une à une. Maintenant elle tente d'améliorer l'esthétique des pièces en rendant l'ensemble plus régulier.


Arachné, dans les Métamorphoses d'Ovide, s'oppose à Athéna dont elle est la disciple en matière de tissage. Humiliée, celle-ci la transforme en araignée. Elle est ainsi condamnée à vivre suspendue à son fil en permanence. Depuis, la dentellière  et l'araignée sont associées! Cependant l'une est noire et maléfique, l'autre devient un symbole de pureté. Elle apparaît comme Vermeer l'a peinte, muette, sage, docile, chaste. Elles étaient pour la plupart orphelines ou religieuses et se consacraient à la dentelle, dans la solitude et le recueillement.


Souvent placé sous le patronage de la Vierge comme au Puy-en-Velay par exemple, ce métier est  lié à la figure virginale.La dentelle ne pouvait être pratiquée que par des jeunes femmes vertueuses.
Maintenant, la dentellière s'est libérée de cette image de sainteté et se rapproche de la femme araignée, de la sorcière, ou de la magicienne et ses créations, de plus en plus présentes dans les défilés de mode, servent à embellir la nudité.


" Le fil, c’est un début et une fin. Tout l’art de la dentellière consiste à masquer l’origine des fils et leur fin. Elle camoufle, élimine les coutures. Alors la dentelle devient fil unique, mis en boucle sur lui-même comme un  noeud  de Moebius. La dentelle nous parle de l’infini, elle qui réclame pour sa création des durées inouïes. La tête dans les fils, obnubilée par ma tâche, j’ai parfois vécu la réalisation d’une dentelle comme dans une bulle. Une éternité suspendue. Un certain éventail a représenté 1 200 heures de travail. Et puis, soudain, j’ai mis le nez à la fenêtre : les feuilles sur les arbres me disaient que le printemps était là – quatre mois s’étaient écoulés sans que je m’en aperçoive. Je suis toujours prise au dépourvu. Quand je fais de la dentelle, le temps ne passe pas. À la fin d’une pièce, le charme se rompt, et je retourne au monde.
Tous ces fils me tiennent autant que je les tiens. Est-ce le fil qui me suit ou moi qui suis le fil ?"



J'ai beaucoup aimé cette histoire rapide de la dentelle aux fuseaux  illustrée avec quelques  photos de très belles pièces arachnéennes exposées dans les musées et rendues célèbres désormais.  
La sagesse de la dentellièreMylène Salvador
(L'œil neuf, 2009, 87 pages)
Photos trouvées Ici,, à Calais et  Ici , au Puy,  et   , à Lyon, et encore , à Giverny.

16 commentaires:

  1. Très intéressant et rarement traité ce thème, je le note. Ton billet me fait penser au film "brodeuses" dont j'avais adoré l'atmosphère.

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  2. Aifelle, je n'ai pas vu ce film mais j'aimerais bien visiter un de ces musées de la dentelle que l'on trouve dans certaines grandes villes. La Normandie est gâtée d'ailleurs avec Bayeux! J'ai amélioré mon troisième lien qui mène vers ton cher Giverny! :)

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  3. je note je trouve ce travail tellemnt beau.

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  4. alinea, n'est-ce pas? Quelle patience il a fallu pour réaliser de tels chefs d'œuvre! Dans ce livre il y a plein d'autres dentelles plus aériennes les unes que les autres mais elles ne sont pas disponibles!

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  5. Je connaissais La Dentellière de Pascal Lainé mais ce titre que tu proposes m'était inconnu.

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  6. Etonnant le parcours de cette jeune femme, comme Aifelle je ne peux que vous engager à voir "les brodeuses" même si ce n'est pas le même style de broderie on y sent tout l'amour du métier et la passion pour le bel ouvrage

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  7. Moka, et moi je n'ai pas encore lu le livre de Lainé dont tu parles et qui était pourtant un livre à succès aprés son Goncourt! Tu me donnes envie de le lire, tiens! :)

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  8. Dominique, je viens d'aller voir quelques extraits du film qui m'ont beaucoup plu! Je vais chercher le DVD.

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  9. Ce livre me rappelle ma visite au musée de la dentelle de Calais.

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  10. mirontaine, il semble qu'il y ait pas mal de musées de la dentelle dans plusieurs grandes villes! A Paris je ne sais pas!

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  11. Ce tout petit, mais magnifique ouvrage, me rappelle une visite au musée de Caen qui présentait des œuvres de dentellières normandes jusqu'au début du 20e Siècle ! Et j'avoue que j'avais été fascinée par la délicatesse d'un tel travail d'orfèvre ... Que de temps à passer sur son ouvrage pour créer un chef d'œuvre qui ornerait les robes des mariées ou de soirée. J'étais sous le charme de tant de beauté. Merci Mango pour cette belle rencontre et cette découverte rare et originale.

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  12. Nanne, décidément, la Normandie est gâtée d'avoir autant de musées de la dentelle! J'ai infiniment d'admiration pour ces femmes de l'ombre qui travaillent si bien pour les grands couturiers actuellement!

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  13. Qu'est-ce que tu appelles ton troisième lien ?

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  14. Aifelle, c'est maintenant le quatrième, celui qui conduit sur le blog d'Ariane à Giverny! Depuis ma réponse à ton com, j'ai ajouté le lien vers Calais!

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  15. J'avais commencé à suivre les cours de dentelle au fuseau quand j'étais jeune mais, malgré que cela me plaisait, j'ai abandonné car j'avais peur d'aller au cours le soir (ben oui, j'avais 10 ans !) Binche, où j'habite, est aussi connu pour sa dentelle ici en Belgique. J'en ai d'ailleurs reçu à mon mariage !

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  16. Manu, je trouve que c'est un très beau cadeau! J'adore la dentelle sous toutes ses formes! La broderie aussi d'ailleurs! Ma mère avait ce don et cette patience de broder des draps et des nappes de toute beauté!

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