jeudi 22 août 2013

Deux étrangers, Émilie Frèche

«Mon père se comparait très souvent à François Mitterand. Il n’avait pas d’admiration particulière pour cet homme de gauche, mais une fascination absolue  pour le pouvoir et le président en était l’incarnation suprême.  Comme lui, il portait donc une écharpe rouge, collectionnait les maîtresses, avait un rond de serviette  Chez Lulu, lisait Le Prince de Machiavel et possédait un labrador prénommé Adriatique en tout point semblable à Baltique, la célèbre chienne du chef de l’État. Il n’y avait qu’avec cette bête  que mon père était vraiment gentil. Et d’humeur toujours égale.» (Premières lignes)

J’aime bien ce début qui nous présente le héros du roman, ce père  d’Élise,  la narratrice,  qui la hante encore après sept ans de silence total pendant lesquels ils sont devenus  étrangers l’un à l’autre. 
Elle est mariée à Simon qui, lui, n’aime que les chats. 
«Je crois qu’au fond, c’est aussi cela chez lui qui m’a séduite. S’il avait aimé un chien à la place de ce chat, les choses auraient été différentes; s’il avait aimé un chien, je suis certaine que nous n’aurions pas eu d’enfants ensemble.» mais ils ont eu deux fils, d’une dizaine d’années désormais,  lorsque sur un coup de fil soudain de son père qui lui demande de venir le rejoindre à Marrakech, elle laisse tomber sa famille, prend la vieille voiture de sa mère décédée et se lance dans un voyage chaotique  à travers la France, L’Espagne et le Maroc pendant lequel elle revit ses années passées avec ce père qu’elle déteste. 
C’était un tyran domestique, un père castrateur et violent, qui la rabaissait sans cesse et pourtant elle accourt vers lui à son premier appel. Elle écoute aussi les nouvelles du monde pendant ce voyage et elle revit l’histoire de sa famille, père ashkénaze et mère séfarade,  celle des grandes tragédies du XXe siècle par là-même. 
La grande question naturellement pendant toute la lecture est de savoir les raisons de ce ce genre d'ultimatum lancé par son père et s'ils réussiront à se rapprocher. 

J'aurais voulu pouvoir me dire  séduite par ce récit. Il a reçu un prix  malgré tout! Cependant à part quelques bons passages comme le début, je me suis trop souvent ennuyée pour la simple raison que je n'ai pas cru à cette histoire. Non qu'elle soit invraisemblable, loin de là,  mais les personnages manquent de chair. Tout est trop centré sur le ressenti de la jeune femme qui cherche avant tout  à combler le manque essentiel de son enfance: l'approbation, l'amour de ce père trop exigeant. Ses fils, si vite abandonnés, ne pèsent pas lourd dans cette histoire. 
C'est un livre ambitieux, qui parle aussi bien de généalogie, de transmission, d'hérédité, d'héritage, que d'amour, de trahison, de solitude. La vérité, c'est que je n'ai pas bien compris cette femme, ses choix, ses sentiments, ses priorités. Elle m'est demeurée une énigme.  Je ne l'ai pas assez aimée pour souffrir avec elle de ce qui lui arrive et dernière déception: la fin n'a pas été à la hauteur de ce que j'espérais, ce n'était qu'un flop, m'a -t-il semblé. un comble puisque je n'ai poursuivi ma lecture que par curiosité pour le dénouement! 

Deux étrangers, Émilie Frèche
(Actes Sud,  janvier  2013, roman, 274 p.)

Prix Orange du Livre 2013  (Les internautes et le jury du Prix Orange du Livre ont élu Emilie Frèche pour son roman. Le public pouvait voter du 15 mai au 4 juin et choisir parmi les six ouvrages sélectionnés par le jury, présidé par Erik Orsenna et composé d'Arthur Dreyfus, Colombe Schneck, Florian Zeller, Eric Reinhardt, Alain Schmidt, Anne-Sophie Thuard et de huit internautes, sélectionnés sur candidature.)

Emilie Frèche succède à 
  • Fabrice Humbert (L’Origine de la violence, Le Passage), 
  • Jacques Gélat (Le Traducteur amoureux, Corti),
  •  David Thomas (Un Silence de Clairière, Albin Michel) 
  •  Arthur Dreyfus (Belle Famille, Gallimard), respectivement distingués de 2009 à 2012.
 Elle a reçu une dotation de 15 000 euros.

19 commentaires:

  1. Avec ce que tu en dis, je ne pense pas qu'il me plairait ...

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    1. Je ne sais pas, Aifelle: les articles des journalistes et des libraires sont très positifs, ceux des blogueurs, en particulier sur Babelio, le sont beaucoup moins et je me retrouve davantage dans leurs remarques.

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  2. C'est le genre de livre dont l'intrigue repose sur les personnages alors s'ils ne sont pas assez fouillés, s'ils ne tiennent pas la route...

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    1. La narratrice est vraiment au centre et d'elle, on sait presque tout mais de ses fils, de leur père, de ses amis, beaucoup moins.

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  3. Ma PAL s'en sentira plus légère ! ;-)

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    1. Si tu le prends comme ça, ça va: j'ai moins de scrupules car le prix Orange quand même!...

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  4. Ah, j'ai longtemps hésité avec ce livre, et puis finalement je suis passée. D'après ce que je lis, je crois que cette lecture aurait été une déception.

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    1. Quand je l'ai feuilleté, je suis tombée sur de beaux passages et j'ai vraiment cru que ce livre me plairait mais au bout de quelques chapitres l'ennui est venu, hélas!

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  5. Si le livre est centré sur les ressentis de la narratrice, ce n'est pas pour moi.

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    1. Je dois dire qu'en plus je ne l'ai pas trouvé très sympathique, cette femme!

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  6. Excellente critique avec laquelle je suis entierement d'accord! Merci pour le partage.

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  7. Je me demandais à quoi ressemblaient les romans de cette auteure. J'ai hésité à la bibli, mais...

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  8. Je crois que je vais faire l'impasse, c'est plus raisonnable.

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    1. Je ne peux pas te conseiller un livre que je n'ai pas aimé.

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  9. Mince , moi qui avait envie tu me stoppes un peu dans mon élan .... je tenterai quand même sans doute !

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