vendredi 13 décembre 2013

Génération A, Douglas Coupland

Encore un romancier canadien que je ne connaissais pas et qui m’enchante depuis que j’ai terminé son nouveau roman récemment traduit en français: Génération A écrit une vingtaine d’années après Génération X, son livre culte sur les jeunes nés entre 1960 et 1980, les enfants des baby-boomers de l'après guerre .

Cette fois il s’agit de cinq  jeunes,   ne se connaissant pas,  vivant dans des pays très différents, éloignés les uns des autres, à qui arrive brusquement la même aventure: se faire piquer par une abeille venue on ne sait d’où, ce qui focalise sur eux l’attention de tous les spécialistes du monde   puisque les abeilles sont censées avoir disparu de la surface de la terre. Aussitôt on les arrache à leur milieu et à leur vie ordinaire pour les isoler sur une île de l'Alaska, coupés de tout et de tout le monde. Là on les examine minutieusement.  Ils vont apprendre à se connaître et passeront leur temps à se raconter des histoires, sur les conseils d'un des  scientifiques qui les a en charge. 

J’ai beaucoup aimé,  surtout la présentation des cinq personnages choisis par les abeilles et enlevés à leur vie ordinaire, soit la première moitié du roman, après quoi, le récit se transforme en nouvelles indépendantes les unes des autres, comme en illustration  des  toutes premières phrases:
«Comment peut-on vivre sans songer à toutes les histoires qui nous servent à arranger cet endroit qu’on appelle le monde ? Sans  histoires, notre univers n’est que cailloux, nuages, lave et obscurité. Un village dévasté par des eaux tièdes qui ne laissent aucune trace de ce qui a existé avant.»
Ici se place  l’allusion au récent tsunami vécu par Harj au Sri Lanka, le premier des cinq, celui qui a vu sa famille entière disparaître sous l'eau. .
«Imaginez … Vous allez à la fenêtre, vous regardez par les persiennes et vous voyez tout le contenu du monde que vous connaissez passer sous vos yeux dans un torrent de boue grise, un torrent silencieux et étonnamment apaisant : des feuilles de palmier, des ânes, la jeep de la société locale d’embouteillages Fanta,  des vélos sans cadenas, des chiens morts, des caises de bières, des barques de pêcheurs, de crevettes… des cadavres..

Imaginez une créature extra-terrestre debout  à côté de vous dans la pièce tandis que vous lisez ces lignes. Qu’est-ce que vous lui dites? Ce qui autrefois était en vie est désormais mort. Les extra-terrestres connaissent-ils seulement  la différence entre la vie et la mort?  Peut-être qu’ils font l’expérience d’autre chose,  quelque chose d’aussi surprenant que la vie?
Maintenant regardez de nouveau par la fenêtre – voyez ce que les dieux ont vomi hors de votre subconscient et dans le monde – la rivière tiède et boueuse qui transporte des chars crevés,  des vieilles femmes drapées de saris humides, un bouc mort, des mouches qui bourdonnent, indemnes, juste au-dessus de la mêlée …
Et maintenant que faites-vous – est-ce que vous priez?
Qu’est-ce que prier sinon vouloir que les moments de cette vie s’assemblent pour composer une histoire – quelque chose capable d’expliquer certains événements qui, vous en êtes sûrs, ont un sens.
Moi, je prie.»
 Le second piqué est Zack, un jeune agriculteur américain de L’Iowa qui rencontre l’abeille au beau milieu d’un champ de maïs alors qu’il est à poil au volant de Maizie, sa moissonneuse-batteuse ultra perfectionnée, la plus démente du monde,  avec poste de pilotage ergonomique entièrement pressurisé et climatisé, visibilité panoramique et isolation phonique garanties, avec quatre écrans plasma allumés, caméra satellite à bord dont il se sert pour tracer «une bite  avec une paire de couilles sur quatre hectares ».  Lui aussi est orphelin, son père s’étant récemment tué dans un délire de drogues. Le tracteur était son héritage!

Samantha, elle, est une néo-zélandaise aux distractions étranges comme celle du «earth sandwich», un truc internet consistant à photographier deux tranches de pain avec une planète entre eux, en se mettant d’accord avec une personne à l’exact opposé mathématique du lieu où vous êtes! Compliqué!  A été piquée au moment où ses parents lui  avouaient gravement leur terrible secret: ils ne croyaient plus en rien, ni en Dieu, ni à une quelconque religion.

Le quatrième est Julien, le français dont l’idée fixe et de muter. Il est très ambitieux et déteste le monde réel.

 La dernière est Diana, canadienne de bonne famille, pieuse, célibataire qui cherche à se marier malgré le  syndrome de la Tourette dont elle souffre 
. «C’est choquant la première fois mais à la cinquième salve de «couillesdanslecul », les gens arrivent à faire la sourde oreille.» 
Un roman donc sur la  génération des quarante ans par un des leurs, le tout plein de profondeur et d'humour, juste comme j'aime. Un bon cru! 
 Génération A, Douglas Coupland
Roman traduit de l'anglais (Canada) par Christophe Grosdidier
(Éditions Au diable vauvert, 2013 pour la traduction, 316 p.)

9 commentaires:

  1. Je n'ai jamais lu cet auteur, le thème est pour le moins original.

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    1. J'ai cru longtemps que ce serait un coup de cœur amis la fin se transforme trop en une série de nouvelles pour moi! Sinon c'est vraiment bien!

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  2. Et bien je n'avais pas accroché. Je m'attendais à quelque chose de plus écolo.

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    1. Oui, moi aussi, ça ou alors plus de SF , genre les fourmis de Werber. Ici, c'est plus axé sur la fantaisie et le conte comme thérapie!

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  3. je devais le recevoir mais au final, rien...Zut !

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    1. Un excellent début et une fin plus déconcertante!

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  4. Un auteur que je ne connais pas mais ça pourrait me plaire.

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  5. Et hop une belle idée pour le Père Noël ;) je te souhaite une belle soirée

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  6. J'avais aimé celui qu'il a écrit sur le massacre de Columbine. Je devrai relire cet auteur.

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