jeudi 23 février 2012

Citation de Camille de Toledo - Nous ne sommes pas préparés au tremblement des choses

C'était il y a longtemps. Souvenez-vous.

Avant, c'est vrai, il y avait un mot: mesure.

L'Univers à la mesure de l'homme.
Je me souviens, moi,  je n'étais pas né. 
C'était il y a longtemps.

Mais déjà, quelqu'un  dont je ne cesse 
de réciter la phrase écrivait:
Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.
Premier acte de notre inquiétude.

Aujourd’hui,
Nous avons quitté le temps des certitudes.
L'impermanence, le mouvement désormais en tout.

C’est l’histoire de notre inquiétude.
L’histoire des enfants turbulents de la Grande Guerre.

Je ne dis pas les enfants de la honte,
Mais de la dé-mesure.

C’était nos arrière-grands-parents.
Noirs. Maures. Arabes. Juifs d’Allemagne et de France,
Métèques et Limousins, mobilisés pour quoi?
Pour l’esprit, qu’ils disaient!
Pour les lumières,
Mon cul!

Ce fut le vingtième siècle!
La flèche inversée de la science,
De la technique, devenues l’une et l’autre
Complices de la destruction.

Et ce qu’il reste après:
...
Stèles de mémoire dressées aux quatre coins
De ce vieux continent.

Mais nous avons quitté le temps des certitudes.
Et nous voilà, à l’orée du vingt-et-unième siècle,
Condamnés à mendier le sens.
Nous tendons la main aux passants.
Ils passent. Indifférents.
Il y a parmi eux des charlatans, parmi eux des sages.
Parmi eux des tribuns,
Et surtout, des promettants.
Voyez ! Ils jettent des mots-creux: nation,
Identité, culture et civilisation.
Quelque chose, pensent-ils,  pour nous consoler.  

Mais ce temps-là est passé.

Il n’y a d’Universel que la colère.
Accepter de mourir pour ne pas quitter
La peau de l’homme.

Nous nous reconnaissons désormais
Espèce parmi les espèces et nous peinons
A tirer les conséquences de notre décentrement.
...
Camille de Toledo: L'inquiétude d'être au monde (Verdier chaoïd)
Merci encore à Olivia Michel grâce à qui j'ai pu connaître un texte si juste . 

7 commentaires:

  1. Je me réjouis de le lire bientôt. Mais y-a-t'il jamais eu un temps de certitudes ? Je ne le crois pas. Encore une fois çà dépend là où tu vis, dans quelles conditions et avec quels moyens .. (j'ai craqué hier pour une BD, oui, "les derniers jours de Stefan Zweig", graphisme et texte superbes).

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  2. Un texte très attirant manifestement !

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  3. si juste si juste

    merci mango, toujours là au bon endroit
    merci beaucoup notre allumeuse de reverbére de l'esprit
    je pense au passage du petit prince de saint exupéry
    belle journée

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  4. Suite à mon commentaire laissé sur ton billet de dimanche je vais recevoir ce volume à la maison. Trop content !

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  5. Comment dire l'incroyable résonnance de ce texte?
    "Accepter de mourir pour ne pas quitter
    La peau de l’homme".
    Il y a très longemps, en 1944, un homme a refusé l'évasion qu'on lui proposait pour que ses camarades ne paient pas de leur vie le sauvetage de la sienne.
    Ce n'était pas un "promettant" ! Pour lui les mots "nation,
    Identité, culture et civilisation" valaient qu'on leur sacrifie la vie qu'on aimait tant.
    Aujourd'hui,aurait-il accepté de mourir dans une clairière de Haute-Savoie?
    Accepterions-nous de mourir pour des mots vidés de sens?
    Il y a trop longtemps que nous vivons dans le confort mou et l'enfouissement des idéaux.

    Bonne journée Mango et merci pour ce très beau texte.
    Nicole

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  6. Il est très beau ce texte, fort, mais si juste effectivement.

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