samedi 27 août 2011

Un lézard dans le jardin, André Agard, Rentrée littéraire 2011

Rien ne me semble plus délicat à présenter qu’un premier roman : j’ai toujours l’impression dans ce cas de marcher sur des œufs. C’est si fragile un premier roman et l’auteur a dû y mettre tellement d’espoir après y avoir consacré tant de temps!
C’est pourquoi je me suis promis de n’en parler que  si je les aimais. C’est une facilité que je m’accorde et c’est le cas pour ce récit qui s’ouvre  et se déroule essentiellement dans une salle de théâtre où se prépare une pièce très réussie malgré les difficultés rencontrées  mais qui devra s’arrêter après deux représentations. 

Ce théâtre est très particulier puisqu’il se trouve au sein même d’un hôpital psychiatrique et que les acteurs sont autant des malades que des infirmiers ou des docteurs.
Le héros du roman  est aussi le metteur en scène de la pièce,  ce Walter le Valseur si attachant, un schizophrène qui aime les grandes et longues promenades solitaires en compagnie de la petite voix féminine qu’il ne cesse d’entendre. Il semble lointain et silencieux mais il voit et comprend tout et sa présence est apaisante et stimulante à la fois.
L’héroïne est Clara, la narratrice, jeune couturière fétichiste de la soie, ce qui la rend dangereuse et exaltée dans ses moments d’érotomanie en dehors desquels, c’est une personne sensible, posée, amicale et même sage. Elle ressent de l’affection pour Walter malgré la grande différence d’âge mais tout vrai contact et rapprochement entre eux est rendu impossible par leur maladie qui les isole. 
Autour d’eux gravitent  tous les autres  personnages dont le moins atteint n’est certainement pas le docteur en chef  Schwartz, d’autant plus fasciné par le cas de Clara qu’il est lui-même obsédé par le drapé des étoffes dont il fait l’étude. 

La tension monte avec l’approche de la date de la représentation. Les esprits et les penchants s’excitent. Tout devient dangereux. La mort rôde et je ne pouvais plus lâcher le livre une minute: il fallait que je sache ce qui allait arriver. La fin ne m’a pas déçue!
C’est  une histoire très  intéressante que je pensais totalement imaginaire mais l’auteur lui-même renvoie aux cas de deux personnes célèbres dont il s’est inspiré : celui du  psychiatre Gaëtan Gatian de Clérambaultet celui  de l’écrivain Robert Walzer, dont les morts à tous deux sont étranges et  mystérieuses . 
Le premier était un psychiatre dont Lacan disait qu'il avait été son seul maître dans l'observation des malades. Il a écrit: "Passion érotique des étoffes chez la femme" et a mis en scène sa propre mort de façon dramatique.  "Atteint de cataracte, il s'est  suicidé par arme à feu, assis dans un fauteuil face à un grand miroir et entouré de mannequins de cire qui lui servaient pour ses études de drapé".
Sa vie d'ailleurs  inspira le film de Yvon Marciano: "Le cri de la soie" 1996, avec Sergio Castellitto, Marie Trintignant et Anémone.
Quant à Robert Walser, un écrivain et poète suisse de langue allemande, il séjournera jusqu'au jour de Noël 1956 dans une  clinique psychiatrique qu'il quittera pour une promenade dans la neige,  marchant  jusqu'à l'épuisement et à la mort.

Le mot de l'éditeur:
«Enlevez-lui les menottes, murmura-t-il au policier qui m’avait amenée, ici c’est inutile. Il congédia mon cerbère de la même voix trop douce, puis il me tourna le dos pour aller s’asseoir derrière son vaste bureau. Je faillis éclater de rire en voyant qu’il portait des bottines aux talons très hauts, mais je me retins, ce n’était pas le moment. Ce médecin avait le pouvoir, là et maintenant, de me renvoyer en prison ou de me garder dans sa clinique. Et  j’hésitais, je ne savais pas ce que je voulais : être reconnue délinquante ou bien internée comme malade mentale.»

L’auteur: André Agard né le 21 juin 1946 est psychanalyste et psychothérapeute. Il a écrit sur l’échec scolaire et la relation mère-enfant: Il aurait pu être bon élève, Albin-Michel, Paris, 2005; Dans les silences des mères, Albin-Michel Paris, 2007. Il est aussi l’auteur d’un essai biographicolittéraire sur Alain-Fournier, La nécessité du chagrin d’amour, Epel, Paris, 2009. Comédien et metteur en scène, il a dirigé deux troupes de théâtre de 1977 à 1982. 
André Agard - Un lézard dans le jardin, (Éditions Thierry Marchaisse, août 2011, 136 pages, Premier roman,   ISBN : 9782362800047)
Troisième participation à la rentrée littéraire 2011 pour le challenge de Hérisson 08 
Participation aussi au Défi de Anne: Premier roman

13 commentaires:

  1. Voilà un roman qui semble fort intéressant. Le sujet m'intéresse beaucoup.
    Je le note.

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  2. dimitri, C'est un premier roman qui a su m'intéresser.

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  3. merci de nous ouvrir à cette rentrée littéraire
    j'ai joué dans le film inspiré par le maître de lacan
    je suis très émue à cette lecture

    c'est une netrèe littéraire qui s'annonce gave mais au moins dense en richesse et émotion
    merci à vous

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  4. Belle démarche que celle de ne pas vouloir "froisser" l'auteur d'un premier roman. Je vois que tu es au rdv pour cette rentrée littéraire !

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  5. Ah Gaétan, quel homme ! Suicidé d'une balle dans la tête devant son miroir car presque devenu aveugle. Le découvrir fut pour moi un choc, même pire, quasi une vocation : j'ai fait des recherches généalogiques et historiques sur sa famille paternelle (les Tourageaux Gatian de Clérambault, et c'est pour ça que j'habite aujourd'hui à 50km de Tours, tu vois, ça va loin...) et maternelle (les de Saint Chamans). Par goût pour ces recherches, et pour les compléter, j'ai même repris les études, en entamant une licence d'histoire, puis une maîtrise (mais finalement pas en histoire contemporaine comme je le pensais au départ). J'ai chez moi des cartons et des cartons de documents sur ces deux familles et leurs alliées : actes notariés, inventaires après décès, correspondance, portraits, photos, articles de journaux (c'étaient des notables). Un jour, quand je serais bien vieille, j'en ferai peut-être quelque chose...
    Si Gaétan Gatian de Clérambault t'intéresse, je te conseille "Le maître des insensés", une biographie (la seule) par Alain Rubens aux Empêcheurs de penser en rond.

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    1. Des cartons et des cartons... Que de mots et de promesses non tenues.
      D.M. de Saint-Chamans

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  6. FRANKIE PAIN, Tu as joué dans ce film?

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  7. Moka, C'est le meilleur moment de l'année pour la lectrice que je suis.

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  8. ys, Eh bien j'étais loin de penser que tu avais de tels liens avec cette famille et que tu avais fait des recherches généalogiques aussi poussées et qui ont influencé ta vie à ce point. Je trouve ça génial: une belle aventure de vie comme je les admire. Je vais très sûrement lire cette biographie de Alain Rubens.
    (J'ai fait ma propre généalogie en allant aux AD pour les actes notariés et les inventaires etc. C'était passionnant, ça prenait tout mon temps libre. J'aimerais d'ailleurs continuer car ce n'est jamais fini!)

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  9. Un sujet très original et la référence à Robert Walser me tente beaucoup
    je jetterai bien un oeil aussi à son livre sur Alain-Fournier

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  10. Un roman qui a l'air passionnant. D'autant plus par les deux personnages qui en ont inspiré l'écriture.
    En parlant de généalogie, je vois que cela en passionne de nombreux. Ma mère a aussi réalisé celui de notre famille, lorsqu'elle a été à la retraite.

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  11. Merci de m'avoir conseillé ce livre "le lézard dans le jardin". En effet une très belle surprise de la rentrée. L'auteur sait raconter une histoire en y entremêlant ses connaissances psy et son approche du théâtre.Passionnant.Une écriture lumineuse. Moi aussi je n'ai pas pu le lâcher avant le point final. On peut offrir ce livre, je crois qu'il plaira à tout lecteur.
    Monstre sucré

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  12. Christiane

    J'ai été très émue par ce qu'un homme a pu aller chercher là et comprendre de l'amour de la soie
    Il m'est arrivé de ne pas pouvoir dormir dès lors qu'un bout de soie se trouvait dans ma maison
    La soie, c'est à la fois ce qui nous nargue, nous résiste et s'impose quand on est couturière
    Il faut savoir composer avec elle et cela devient merveilleux

    Ce roman va chercher la folie dans ce qu'elle a de plus humain, de plus touchant, de plus poétique
    Un roman tout de soie , qu'on ne peut pas lâcher avant le fin

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