jeudi 6 septembre 2012

Une prière pour Owen de John Irving


Owen Meany est au cœur  de ce récit. Un véritable héros. C’est l’ami d’enfance du narrateur, John Wheelwright qui descend d’une famille venue en Amérique sur le Mayflower, ce qui est loin d’être le cas de son ami. Celui-ci est tout petit et sa voix, très étrange, ne s’oublie jamais. Souffre-douleur de ses camarades de classe tout d’abord,  qui aiment le porter à bout de bras, il deviendra vite un porte-parole, la Voix  du Seigneur, une sorte de prophète qui fustige l’Amérique des années 50 à 80, un être exceptionnel à qui il arrive des évènements extraordinaires, bien au-dessus de la moyenne.
Il tient son journal  où il  raconte ses visions, ses certitudes,  sa foi qui le pousse à s’engager au Vietnam, lui,  l’antimilitariste, persuadé qu’il y sauvera des vies et y trouvera sa propre mort.
John, le narrateur se  sert de ses notes  pour raconter la vie de son ami qui  d’un bout à l’autre aura complètement  transformé le cours de la sienne, le rendant orphelin dès l’âge de onze ans, puis converti à son contact

Ce résumé ne rend pas compte du dixième de la richesse de ce roman que j’ai aimé à l’égal du Monde selon Garp et davantage que  Dernière nuit à Twisted River et que L'hôtel New Hampshire
On y trouve les mêmes ingrédients biographiques de l'auteur au père inconnu, à la mère si indépendante et originale, à la jeunesse sportive  dans ces états proches de la frontière canadienne où il côtoyait les coupeurs  et transporteurs de bois, les héros de son dernier roman. 
On y retrouve son humour, la précision dans les moindres détails  et surtout  le décalage  burlesque des petits évènements qui prennent vite d'étranges proportions comme les robes de cocktail portées par sa grand-mère pour jardiner dans sa roseraie car elle n'avait plus l'intention de les mettre pour sortir et qu'elle jetait quand elles étaient sales plutôt que de les  faire nettoyer au pressing afin que personne ne se demande  ce qui les rendait si crasseuses,  et Irving de conclure:
De ma grand-mère, j'ai appris que la logique est une notion relative.
Owen est un personnage que je ne pourrai plus oublier désormais. Voici ce qui en est dit, ici et là:
Owen est un type beaucoup trop bien pour ce monde pourri.
Sincèrement, je ne pense pas qu'Owen fût aigri... mais il pensait  que Dieu lui avait assigné un rôle qu'il était impuissant à modifier, le sentiment de son propre destin, sa conviction d'avoir une mission lui ôtaient toute joie de vivre. L'été 1962, il n'avait que vingt ans, mais dès l'instant où on lui apprit que John Kennedy 'se tapait" Marilyn Monroe, il cessa de faire quoi que ce soit pour le plaisir.
Comme pour tous les grands romans qui restent mes préférés, j'ai eu bien du mal à quitter ces personnages et malgré ses 699 pages en livre de Poche, j'aurais aimé continuer à suivre leur parcours, fût-ce au Paradis  où Owen se voyait si bien en archange. Mais les chefs d'œuvre de ce genre n'ont pas de suite comme les séries actuelles qui se multiplient avec entrain.  
La fin est belle qui rejoint le commencement du récit:
Quand nous tenions Owen au-dessus de nos têtes , quand nous nous le passions de l'un à l'autre - sans le moindre effort - , nous croyions qu'il ne pesait rien du tout. Nous ignorions que d'autres forces participaient à notre jeu. je sais aujourd'hui que ces forces  contribuaient à nous faire croire qu'Owen ne pesait rien; c'étaient les forces que notre scepticisme nous empêchait d'admettre, les forces en lesquelles nous négligions de croire - et elles soulevaient aussi Owen Meany, nous l'arrachant des mains.    Je ne cesserai jamais de te le demander: O Dieu, par pitié, rends-le-nous!
 Une prière pour Owen de John Irving (Points,  699 pages,  Traduit de l’américain par Michel Lebrun, Seuil, 1989)
Le roman lui-même est présenté  brièvement par Nicole Moulinoux dans une étude des plus intéressantes.

Lecture commune avec Valérie et Tiphanie. A lire aussi le billet de Didi: + participation au challenge Irving de Val,  et au mois américain de Plaisirs à cultiver
Ce sera aussi mon Pavé de l'été chez Brize

28 commentaires:

  1. Alors moi, j'ai préféré Dernière nuit à twisted river mais sans doute pour la même raison que toi, parce que l'un des personnages (Ketchum) m'a embarquée avec lui.
    La fait que je ne trouve pas Owen sympathique m'a déroutée. Mais j'ai mis des jours à vraiment sortir de ce roman, une fois la dernière page terminée.
    Pas de participation à mon challenge?

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    1. Oubli réparé!
      Quand j'ai terminé la lecture de Twisted River, j'ai cru le préférer à Garp mais finalement je crois que ma préférence va toujours au dernier lu de l'auteur. Maintenant j'aurais tendance à dire que c'est celui-ci sur Owen! En réalité, c'est vraiment un de mes écrivains favoris. je ne me lasse pas de cet auteur!

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    2. Je crois comprendre que je mets 5 étoiles.

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    3. Oui,oui, bien sûr. Je le porte aux nues!

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  2. C'est tout vu, il va dans ma wishlist ! J'ai "Dernière nuit à Twisted river" dans ma PAL mais en audio, il faudra que je trouve un moment de calme pour tenter l'aventure :)

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    1. Tout est bon à lire dans Irving mais c'est vrai que Garp, Owen et Twisted river, voilà mon tiercé préféré. Je pense que tu l'aimeras aussi.

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  3. Mango, il n'y a pas "L'oeuvre de Dieu, la part du diable", dans tes préférés ? Je l'ai lu des années après avoir délaissé Irving et je l'ai beaucoup aimé.
    En tout cas, tu parles très bien de celui-ci : ça donne envie de le découvrir !

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    1. Celui-là, je dois absolument le reprendre car je l'ai lu dans de très mauvaises conditions. Tu as délaissé Irving. Est-ce que je dois comprendre qu'il t'a déçue?

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    2. Je ne me souviens pas qu'il m'ait déçue, mais après le choc que furent "L'hôtel New Hampshire" et "Le monde selon Garp", j'ai eu l'impression que les suivants abordaient soit des thèmes similaires, soit des thèmes qui ne me parlaient pas. Et puis, j'ai peut-être essayé l'un d'eux, mais je ne m'en souviens pas.
      Du coup, j'ai délaissé l'auteur jusqu'à ce que je me décide, il y a seulement quelques années, à lire "L'oeuvre de Dieu..." et j'ai adoré.

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  4. Comme ton billet me parle ! " Une prière pour Owen " est l'un de " mes " grands " romans pour tout ce qui s'y vit, pour tout ce qu'on ressent en le lisant. Comme toi, ce personnage m'a marquée.

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    1. Ce que tu me dis me fait plaisir. Les romans d'Irving sont tout ce que j'aime: je plonge dedans et je n'en ressors que difficilement. Ensuite je repense aux personnages comme à de réels amis. Le top!

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  5. Je disais chez Valérie que je crois que c'est avec ce livre-là que j'ai arrêté de lire Irving. Non pas qu'il ne m'ait pas plu, mais il m'avait mise mal à l'aise, pourtant j'étais habituée à ses personnages déjantés et déboussolés. Après, j'ai lu "la veuve de papier" avec plaisir, mais je n'ai pas vraiment renoué avec l'auteur de ma jeunesse.

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    1. C'est dommage! Son dernier livre est extra aussi . En revanche, je n'ai pas encore lu "La veuve de papier". C'est drôle, moi ce sont précisément ses personnages déjantés que j'aime.

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  6. je suis partagée au sujet d'irving, j'ai aimé énormément "l'oeuvre de dieu" mais pas du tout les autres, par contre celui là je ne l'ai pas lu, je vais le garder en tête pour voir

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    1. Tu n'as pas aimé "Le monde selon Garp"? Pour moi ça a tellement été comme un coup de foudre que j'ai du mal à imaginer qu'on puisse ne pas l'aimer. C'est complètement irrationnel, je sais, mais c'est un fait. Avec cet auteur, c'est comme un amour fou!

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  7. Je l'ai lu il y a fort longtemps, et j'avoue ne plus en avoir trop de souvenir, mais j'étais fan de cet auteur... jusqu'à un certain moment où ça m'a lassée un peu...

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    1. Ça, qu'on en soit lassé si on lit de façon trop rapprochée ses livres, je le comprends car il reprend toujours les mêmes thèmes mais quand on les lit au rythme de leur production, en laissant du temps entre ses lectures, ça n'arrive pas. En tout cas c'est mon expérience!

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  8. Je ne l'ai pas lu celui là et ça me donne envie de renouer avec John Irving que j'ai laissé de côté depuis plusieurs années après avoir dévoré plein de ses bouquins d'un coup !

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    1. C'est ce qui m'est arrivé aussi mais quel plaisir de le retrouver par la suite! Il faut vite le relire, c'est si agréable de retrouver son monde avec ses obsessions, ses personnages si particuliers et puis son style, bien sûr!

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  9. Un auteur culte de ma jeunesse ! (entre 20 et 30 ans, je dirais) Et puis, j'ai adoré Une veuve de papier. Le dernier est toujours dans ma PAL...

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    1. Avec Irving, il y en a toujours un que l'on doit encore lire. J'ai aussi la veuve de papier à lire et heureusement! Je n'aimerais pas avoir tout lu!

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  10. Bonsoir, je ne suis pas étonnée de voir qu'une prière pour Owen t'a plu :-)
    C'est ma première lecture de John Irving en 1997 (j'en ai parlé ici sur mon blog : http://imagimots.blogspot.fr/2011/05/john-irving-et-moi-episode-n1.html
    J'ai encore certains titres à lire et il y en aura d'autres !
    Bisous et bon WE

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    1. Tu as écrit là un beau billet que je mets en lien. Je m'étonne de ne pas l'avoir vu quand j'ai cherché sur Ggle; Moi, le premier lu d'Irving, c'était Garp et l'éblouissement total. Il restera forcément celui qui m'a fait la plus forte impression.

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    2. Merci Mango pour le compliment et le lien :-)
      Une prière pour Owen est mon préféré (syndrome du premier amour peut être da la première rencontre )et je pense que je le relirais !
      Bisous et bonne soirée !

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  11. Meilleur que "Le monde selon Garp" ? Non, pas possible. Je demande à lire....

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    1. Non,quand même pas. j'ai dit "à l'égal de" mais je garde une préférence pour Garp qui est le roman qui m'a fait aimer l'auteur, le premier que j'ai lu de lui.

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  12. C'est en effet une très belle histoire d'amitié que nous a livré John Irving, ses personnages sont très attachants et si effectivement j'ai beaucoup apprécié Owen et John, c'est Hester qui a je crois ma préférence.

    J'ai moi aussi commencé avec Le monde selon Garp qui reste aussi THE ONE... mais en effet il n'en est pas loin avec Une prière pour Owen.

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  13. Je ne peux qu'adhérer à un billet tel que celui-ci :-) Même si Owen m'a un peu perturbée, pour le côté religion et le personnage d'Owen. Mais bon, je l'ai quand même adoré. Là, je suis plongée dans "Je te retrouverai" et j'adore à nouveau. Quel écrivain !

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