dimanche 23 septembre 2012

Frédé, joue-moi sur ta guitare, par Cora Vaucaire, commenté par Erik Orsenna




(Refrain)
Frédé, joue-moi sur ta guitare
La vieille (belle) chanson que tu sais
Mais oui, Frédé, la belle histoire
Où l'on n'oublie pas le passé...
Frédé, joue-moi sur ta guitare
L'histoire où l'on s'aime toujours.
Ce soir, je me sens le cœur lourd.
J'ai besoin de chanson d'amour!


(Refrain)

Une rue qui monte et zigzague
Un petit café tout là-haut,
Juste à côté du terrain vague
Où fut assassiné Pierrot...
Ça faisait louche à la nuit noire
Ce bistrot au fond du jardin!
On s'en fichait, on venait boire,
Et le patron chantait si bien...

(Refrain)

On venait là, toujours les mêmes,
Une bande assez mélangée.
Y avait des rapins, des bohèmes,
Des filles et des gars du quartier.
On chantait la nuit tout entière
Et l'on buvait pas mal aussi.
La vie nous semblait moins amère...
Et Frédé nous faisait crédit.

(Refrain)

C'est loin, mais je revois, si blanche,
Ta barbe à travers la fumée
Et ton visage qui se penche,
On dirait que tu vas chanter...
Une douce émotion m'oppresse,
Mais je suis en train de rêver...
Tous mes souvenirs de jeunesse
Sont mêlés à ton nom, Frédé...

Frédé, où donc est ta guitare ?
Et la chanson que j'aimais tant
Lorsque j'avais les idées noires,
Et ça m'arrivait bien souvent...
Frédé, l'existence est bizarre:
Beaucoup de ceux que j'ai aimés
Sont loin ... bien loin ... dans le passé...
Où sont donc mes vingt ans, Frédé ?

Michel Vaucaire et  Daniel White 1946
Frédéric Gérard, patron du célèbre cabaret "Le Lapin Agile" que Bruant lui avait légué en 1903



Cora Vaucaire, nom de scène de Geneviève Collin, née le 22 juillet 1918 à Marseille et décédée le 17 septembre 2011 à Paris. Elle a été inhumée le 22 septembre 2011 au cimetière du Père-Lachaise.

 Fille d'un officier de marine breton, d'origine binicaise, Cora Vaucaire fait ses débuts au théâtre à 16 ans, avant de préférer la chanson. Elle venait parfois l'été dans la maison de famille, à Binic,  dans l'ancienne rue de la Coudraie.  Je l'aimais bien. 

On en parle ICI  et ICI, dans le livre d'Erik Orsenna: La chanson de Charles Quint.
"J’ai aussi rendu visite à Cora Vaucaire.

Elle habite une rue plutôt morne, ce quartier sinistre derrière le front de Seine. La seule animation  vient d’un gros concessionnaire BMW, c’est dire: heureusement, à deux pas court la rue du théâtre.

Je n’ai pas souhaité la déranger. Je suis resté devant la porte, j’ai levé les yeux et lui ai dit merci.

Longtemps je lui en ai voulu.
Après tout,  je lui devais ma maladie. Et puis  la raison a fini par me revenir: était-ce la faute de cette dame si j’avais  confondu ma vie avec un tour de chant? Souvent sans chanter.
La première fois que je l’ai entendue, je devais avoir cinq,  six ans. Il m’a semblé qu’elle me prenait la main et m’entraînait au cœur même de cette forêt mystérieuse et miraculeuse que je venais de découvrir: le langage.
C’était une musique de Ferré sur un poème de quelqu’un  dont le nom me paraissait si drôle: comment, même au Moyen-Âge, peut-on s’appeler Rutebeuf? 
Cette dame avait une telle précision, une telle manière de prononcer, je veux dire sculpter, recréer chaque syllabe, chaque lettre même, que je voyais  les mots, de mes yeux, je les voyais s’aligner dans l’air. On aurait dit des oiseaux, éclairés chacun par une bougie.
 Ce sont amis que vent emporte
 Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
Je lui ai dit merci et suis reparti vers mon métro (station Charles-Michel) Mais je suis revenu. J’avais oublié une autre raison du merci. Merci pour votre fameuse précision,  madame Vaucaire. Vous m’avez fait deviner, quand j’étais tout petit, et puis comprendre plus tard que le flou est une paresse.  Précision, sculpture et caresse sont de la même famille." (Dernier chapitre. p.180)

4 commentaires:



  1. Cora Vaucaire !
    Beau cadeau pour ce dimanche un peu morose ici en Bretagne. Merci, Mango.

    Y.

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  2. C'est pour l'anniversaire de sa mort, il y a un an. J'ai toujours aimé sa façon de chanter.

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  3. Je n'ai jamais entendu vraiment de disques d'elle, mais ma grand-mère connaissait son répertoire... aussi, ces paroles écrites sont comme une machine à remonter le temps, un temps où l'on chantait en roulant les R, un temps où la chanson réaliste nous racontait des histoires à frissons...

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