Un jour la narratrice, la petite fille de Sae, la grand-mère qui l'a élevée, doit confier celle-ci, désormais sénile et dépendante, au "Nouveau Monde", une maison de retraite spécialisée. Jusqu'ici c'est elle qui s'en occupait et elle souffre intensément de cette séparation obligée.
Malgré l'aide de Mikoto, son rassurant ami dont elle est enceinte, elle vit très mal cette situation tout au long des jours suivants dans la maison devenue vide.
Huit jours après, elle retourne au "Nouveau Monde" où sa grand-mère ne cesse de dormir, inconsciente de tout. Elle y déjeune avec le directeur. Avant de rentrer chez elle, elle achète un spécimen de papillon, comme celui qu'avait la jeune femme sur la photo marque-page de son ami. Est-elle jalouse? Elle ne le manifeste pas autrement que par les dernières notations à son retour dans sa maison devenue trop grande
J'ai ouvert mon sac avec mes doigts gourds, pour en sortir le papillon...Ah, c'était bien lui. Aucun doute, je l'avais pris dans la main de cette femme. Soyeux comme de la mousseline, les cils transparents, le pollen humide. ...Je l'ai approché de mon oreille... J'entends. J'entends le bruit. Le bruit discret de la respiration de mon bébé entre les replis. Ce bruit qui petit à petit, chaque jour, inexorablement, se précise. Jusqu'où la température de ton corps va-t-elle augmenter? Jusqu'où vas-tu ouvrir mon intérieur? Alors que ce n'est même pas mon véritable moi. ...La fille de la photographie se retourne. Ses cheveux ondulent. La colère monte comme des contractions. Je referme brusquement la main. En un instant le papillon se transforme en poussière. Il reste une douleur lancinante. Les fragments tombés de ma main s'éparpillent sur le calendrier.L'essentiel du récit me semble rassemblé dans ce passage: l'interrogation sur l'identité des êtres vivants, le passage obligé de la vie à la mort, les périodes de transition, naissance et mort, croissance et disparition progressive de la conscience, de la mémoire, des gestes du corps, transformation, écoulement, métamorphose, le temps qui passe, qui détruit et se renouvelle aussi.
Un beau récit sur les questions essentielles. Qui sommes-nous qui nous sentons vivants? Qu'est-ce que la réalité? La normalité? La folie?
Entre cet extrait de vivant qui palpite au plus profond d'elle-même et cette vieille femme si aimée qui s'en va, elle se sent perdue:
Ne pas être fixés sur notre sort nous désoriente parfois complètement, comme si nous tombions dans un trou d'air.
J'ai aimé. De plus en plus de récits apparaissent en ce moment sur la question de la personne dépendante placée en maison spécialisée. Dure réalité!
La désagrégation du papillon de Yoko Ogawa, , Œuvres, tome 1,
(Thésaurus, Actes Sud, 2006, 906 p)
La désagrégation du papillon, premier texte, de la page 11 à la page 44. Traduit du japonais par Rose-Marie Makino. publication au Japon en 1989. Photographie de couverture: "La Mariée thé vert" (détail), autoportrait 2006 par Kimiko Yoshida.
Encore un très beau texte d'Ogawa.
RépondreSupprimermirontaine, un récit avec très peu d'évènements, surtout basé sur la réflexion intérieure de la narratrice!
RépondreSupprimermoi aussi j'ai participé à l'initiative de Pimprenelle. Ce que tu dis sur Yoko Ogawa me plaît, c'est exactement ce que je ressens quand je lis ses romans : le temps qui passe, qui détruit et tout se renouvelle! j'ai décidé de lire tout Yoko Ogawa!
RépondreSupprimerUne dure réalité en effet qui me touche de très près d'ailleurs... Je pense que je lirai ce texte même si ce ne sera pas une lecture facile!
RépondreSupprimerje crois que la raison pour laquelle je lis autant de polars, c'est justement parce qu'ils m'éloignent de cette "dure réalité" - bien sûr, du coup, je passe à côté de bien d'autres belles choses comme ce roman-ci
RépondreSupprimerLael, je vais aller te lire. Je ne connais pas encore très bien cette romancière que je découvre en ce moment. J'ai justement pris le premier tome de chez Actes Sud pour continuer à la lire aussi. Si tu veux on peut continuer les lectures communes sur les titres que tu veux et aux dates que tu proposeras. Qu'en dis-tu?
RépondreSupprimerPimprenelle, j'en sors à peine de cette réalité-là et c'est un passage terrible qui m'a bien secouée! Le texte n'est pas facile mais beau!
RépondreSupprimerniki, j'essaie aussi d'oublier le plus possible en m'évadant dans la lecture en particulier! Entre révolte et résignation, ce n'est pas simple de toute façon!
RépondreSupprimerJe comprends bien ta réaction avec les polars! J'aime bien aussi les livres un peu déjantés comme plusieurs auteurs américains, chinois et quelques rares français savent en écrire! Au moins ils me font rire!
Le thème a l'air effectivement très dur, pas sûre que je puisse en ce moment
RépondreSupprimerLe thème n'est effectivement pas évident, en tous cas, tu en parles très bien ! Je n'ai malheureusement pas autant aimé le livre que j'ai choisi !
RépondreSupprimerIl y a du Ogawa dans l'air aujourd'hui, je crois que je vais me laisser tenter par ce thésaurus d'actes Sud car vraiment c'est un bel auteur
RépondreSupprimeril faut absolument que je me lance dans la littérature japonaise
RépondreSupprimerDure réalité et difficile mais nécessaire lecture. Ton billet est très beau !
RépondreSupprimerTuu as carrément acheté le gros volume? J'ignorais que ça existait, chez Actes Sud.
RépondreSupprimerComme j'ai envie de continuer avec l'auteur, celui-ci pourrait m'intéresser. Je préfère éviter les plus étranges.
RépondreSupprimerIl faut vraiment que je découvre cet auteur... il est dans ma LAL :)
RépondreSupprimerZorane, le récit est plutôt sombre en effet
RépondreSupprimerNoukette, oui, j'ai vu ça! C'est dommage mais Ogawa n'est pas d'une lecture aussi facile que je le pensais!
RépondreSupprimerDominique, ce volume à la couverture souple est très agréable à lire. C'est une romancière singulière et complexe que je découvre avec plaisir
RépondreSupprimerBénédicte, Elle est très riche et offre de belles surprises!
RépondreSupprimerHathaway, De belles réflexions, dures et réalistes sur un ton paisible voire poétique parfois.
RépondreSupprimerKeisha, si je veux bien connaître l'auteur, je me suis dit que je préférais un seul volume pour l'instant comprenant 13 de ses œuvres! J'espère que ce qui me reste à lire ne me décevra pas!
RépondreSupprimerAifelle, elle a tendance parfois à passer sans prévenir des rêveries à la réalité ou l'inverse, semant ainsi le doute. J'ai parfois dû relire certains passages!
RépondreSupprimerhérisson 08, Elle mérite d'être découverte. Elle possède vraiment un monde et une façon d'écrire bien à elle!
RépondreSupprimerDure réalité en effet !
RépondreSupprimerJe vais passer sur celui-ci mais j'en ai noté beaucoup de cette auteure aujourd'hui !! ;-)
Lounima, on la connaît un peu mieux maintenant! reste à la lire!
RépondreSupprimerCette belle anthologie me fait de l'oeil !! Mais je suis un peu gênée par la finesse du papier. J'aime quand es pages sont plus épaisses. En tout cas, ça semble un très beau texte dont on parle moins en plus !
RépondreSupprimerMais dis moi, tu ne le comptes pas pour le challenge In the mood for Japan ?!
Le sujet de cette nouvelle a de quoi m'interpeller ! Je ne savais pas qu'il existait une anthologie. Vu que j'ai noté pas mal de titres de cette auteure suite aux billets d'hier, je crois que je vais me la procurer !
RépondreSupprimerchoco, mais tu as bien raison de me le rappeler! Je n'y avais même pas songé! Je l'ajoute immédiatement!
RépondreSupprimerCynthia,Le libraire n'avait pas d'autres Ogawa: je n'ai pas hésité,c'est très agréable à lire et pour répondre à Choco, le papier est quand même moins fin que celui de la Pléïade! Je ne regrette pas!
RépondreSupprimerC'est une auteur que j'ai encore du mal à cerner, les deux livres que j'ai lu, je ne les ai pas vraiment aimé mais j'aime beaucoup son style et je compte donc bien en lire d'autres.
RépondreSupprimerUn auteur que je dois découvrir (un de plus...)
RépondreSupprimerJe pense aussi que nous prenons de + en + conscience de ce fait social qui nous guette tous un jour....
RépondreSupprimerSeules les descriptions de la vieillesse m'ont touchée...
RépondreSupprimerEmilie, je ne la connais pas assez bien encore! Elle est difficile à cerner apparemment! Je compte bien continuer à la lire pour me faire une idée plus juste de son œuvre!
RépondreSupprimerliliba, on en parle pas mal mais pour le moment je constate qu'elle laisse plutôt perplexes ses lecteurs!
RépondreSupprimerAlex, exactement et puis avec la génération du baby boom d'après guerre qui approche de l'âge de la retraite, c'est encore plus évident!
RépondreSupprimerclara, moi aussi, d'ailleurs c'est le cœur même du récit!
RépondreSupprimerAhhh tu es toi aussi sous le charme ... je note ce titre pour un prochain essai avec Ogawa
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas ce titre de Yoko Ogawa ! Mais il me semble qu'il est assez différent de ce qu'elle a écrit auparavant ... Ou bien je me trompe ?! Ce sont plus des réflexions intérieures sur la notion de mort, de vie, de naissance, au moment d'un décès ou d'une naissance, que de l'action réelle. Un drôle de livre qui pourrait bien m'attirer ! J'ai très envie de continuer avec cette romancière japonaise.
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