dimanche 9 juin 2013

La grossesse, Yoko Ogawa, Quinzaine nippone 2013

29 décembre (lundi)
Ma sœur aînée est partie à la clinique M.
Comme elle ne s’est pratiquement jamais fait suivre, excepté par le professeur Nikaido, elle était assez angoissée avant d’y aller. «Je ne sais pas du tout comment m’habiller» ou «Je me demande si j’arriverai à parler correctement devant un médecin que je vois pour la première fois» disait-elle, et elle a tellement traîné que le dernier jour de consultation de l’année a fini par arriver. Ce matin encore, elle a levé distraitement les yeux vers moi en disant :
Je me demande,  pour la courbe des températures, combien de mois je dois leur montrer, et elle n’en finissait pas de quitter la table du petit-déjeuner.  (p.1)

Yoko-Ogawa-OEuvres-1.jpgElles sont deux  sœurs, tôt orphelines. L’aînée,  coiffeuse,  est mariée, sans enfant. Elle souffre d’une maladie des nerfs et consulte un psychanalyste depuis plus de dix ans. La cadette,  étudiante et vendeuse dans une grande surface, vit avec elle et son beau-frère. Elle écrit son journal et rien ne lui échappe: elle a la dent dure.  Très observatrice, elle semble soumise et  aux petits soins pour ceux qui forment sa seule  famille. Les problèmes de nourriture  l’obsèdent: elle y est très attentive, particulièrement pendant cette  première grossesse de sa sœur.
«Mais au fait, dois-je me féliciter de la naissance d’un enfant  entre ma sœur et mon beau-frère? J’ai cherché le mot «félicitations» dans le dictionnaire… J’y ai trouvé la définition suivante: "Compliments pour fêter un événement heureux.»«Cela n’a aucune signification  en soi,» ai-je murmuré en suivant avec le doigt  la ligne de caractères qui ne présageait absolument rien d’heureux. 
 On ne connaît que peu de choses  concernant ces trois personnages – jusqu’à leurs noms - mais on sait tout de leurs façons de se nourrir.
«Il met toujours une grande quantité de lait et de sucre dans son café, si bien qu’au petit déjeuner, on se croirait dans une pâtisserie. Je me demande comment il fait pour boire du café aussi sucré sans penser aux caries, lui qui est prothésiste dentaire. Ma sœur aînée a raclé le couteau à beurre sur son toast.»
 Si elle ne s’intéresse pas au bébé lui-même qu’elle n’envisage que sous la forme d’un chromosome, en revanche,  rien ne lui échappe des différents épisodes de la grossesse elle-même, des nausées aux périodes de boulimie. C’est  elle qui la nourrit  désormais en lui  préparant régulièrement de la gelée de confiture avec des  pamplemousses d’exportation rapportés de son lieu de travail.

Attention, spoiler!
 En tant qu’étudiante, elle venait justement de lire une brochure de mise en garde à leur sujet, évoquant des produits antimoisissures toxiques pour les chromosomes humains.

Dès lors on imagine la suite.
«Du jus de couleur jaune giclait  soudain comme pour un être vivant, sur la lame du couteau, le dos de mes mains ou la planche à découper. La peau elle aussi avait des motifs. Des dessins irréguliers, semblable à ceux d’une membrane humaine vue au microcosme.» (suite de la préparation de la confiture)
Nous n'en saurons pas beaucoup plus. C'est ce que j'aime chez Ogawa. Rien n'est affirmé mais le ver est dans le fruit!

Billets déjà parus: Les abeilles,  La piscine, Un thé qui ne refroidit pas, Une parfaite chambre de malade,   La désagrégation du papillon, 
Première participation au challenge de Choco 2013


La grossesse, Yoko Ogawa,
 (œuvres,  tome 1, Thesaurus, Actes Sud, 906 pages – p. 197, 1997-2006) Traduction française de  Rose-Marie Makino)

15 commentaires:

  1. J'ai un roman d'Ogawa Parfum de glace, j'en avais apprécié ce style particulier. Je lirai certainement un autre roman d'elle un jour.

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    1. Elle a un style bien à elle, tout en suggestion!

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  2. Ce livre me fait de l'œil et comme j'ai aimé "La désagrégation du papillon" de cette même romancière, je vais me laisser tentée par ce livre-ci, je crois bien !

    Bon dimanche, Mango.
    Y.

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    1. Bon dimanche à toi aussi Y! Cette romancière est vraiment intéressante et on reconnaît très vite son style et ses histoires tellement cruelles et feutrées à la fois!

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  3. Je ne crois pas que je le lirai, le thème ne m'inspire pas beaucoup.

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  4. Je crois que LAure avait fait un billet dessus, il y a quelques temps, je crois qu'elle n'avait pas été très enthousiaste, tu parais plus séduite.
    Bon dimanche

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  5. Ou comment me donner envie d'aller chez le libraire ;)) Je te souhaite un bon dimanche...

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  6. Je note le nom de l'auteur, en espérant qu'il y a aussi des romans.

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  7. J'avais adoré ses "Tendres plaintes", du coup j'ai bien envie de réitérer avec l'auteur !! Une écriture très spéciale, comme j'aime...

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  8. Hum, encore quelques quinzaine avant d'épuiser ce recueil ! ;)

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  9. J'ai aimé tout ce que j'ai lu d'Ogawa mais n'est finalement pas lu grand chose (juste 3 livres). Je note celui-ci.

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  10. Il va vraiment falloir que je découvre cette auteure mais je suis déjà à la traîne pour la mois anglais, alors, ça attendra encore un peu...

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  11. Jamais lu cette auteure mais le titre que tu présentes ici me tente beaucoup.

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  12. Il doit être pas mal ce titre !

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  13. J'adore Ogawa, principalement ses nouvelles. Celle-ci m'avait beaucoup plu.

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