jeudi 11 avril 2013

Cendrars


On ne décrivait pas Cendrars. On le subissait, on se laissait envahir, cahoter, submerger par le bouillonnement où il vous entraînait. Avec les mots à soi, on ne faisait que l’effleurer. On l’aurait écouter pendant des jours et des mois. Son crâne était une mappemonde, son cœur, l’univers.
Je me souviens lui avoir dit: «Blaise, il y en a qui assurent que vous mentez tellement qu’on ne peut même pas croire le contraire de ce que vous dites. Mais entre nous, le Transsibérien, vous n'y êtes jamais monté?»  
Il m’a répondu :  … «Écoute, … si c’était le cas, ça changerait quoi ? Je ne vous l’ai pas fait prendre à tous?" 
Devenu voyageur immobile, vissé à son fauteuil, il m’avait dit aussi: «La sérénité ne peut être atteinte que par un esprit désespéré, il faut avoir beaucoup aimé et aimer encore le monde.» Il avait ajouté: «Tout ce qui m’arrive m’est complètement égal, tout ce que je fais  m’est complètement indifférent. Je me fous de la littérature. Vivez ! Ah, vivez donc.» 

Christian Millau, Journal Impoli Un siècle au galop (2011-1928) [p.378/379]
Cendrars par Modigliani

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