samedi 1 février 2014

Noyade en eau douce, Ross Macdonald

Elle avait frappé chez moi, j’avais ouvert. Elle avait le droit d’être hésitante, mais elle ne pouvait espérer que je la porte dans mes bras pour passer le seuil. C’était une grande fille maintenant, et quelque chose l’avait poussée à venir. Il émanait de sa posture une sensation d’urgence qui lui donnait l’air gauche.
_ Monsieur Archer? dit-elle enfin.

_ C’est moi. Entrez.

_ Merci. Pardonnez mon hésitation. Vous devez penser que je vous prends pour un dentiste.
_ Tout le monde  hait les détectives et les dentistes. Nous nous vengeons en haïssant tout le monde.   (p.11)
Cette cliente hésitante, c’est Maude Slocum, une jeune californienne mariée à un riche fils de famille dont toute la fortune est gérée par sa mère qui  se refuse à vendre ses terrains pétrolifères aux grandes compagnies qui la réclament. C’est parce qu’elle vient d’intercepter une lettre anonyme adressée à son mari, la dénonçant  comme adultère, que la jeune femme demande au détective d’enquêter rapidement. Il assiste le soir même à la réception donnée dans la grande villa familiale. On y boit beaucoup mais la fête s’interrompt brusquement lorsqu’on découvre le corps de la belle-mère de Maude noyé dans la piscine. Immédiatement Maude et sa fille, les héritières potentielles, sont soupçonnées. L’enquête de Lew Archer commence à ce moment-là. Il cherche à la fois le corbeau et le meurtrier, à moins que ce ne soit la même personne.  
C'est après "Cible mouvante", la deuxième enquête du détective Lew Archer comme héros très efficace mais un peu désabusé, et le deuxième titre retraduit et publié chez Gallmeister.  Ce polar sera suivi d’une dizaine d’autres. 
Paul Newman  est désormais  inséparable pour moi  de ce détective ancienne manière des années cinquante mais l’humour cynique de l’auteur et l’évocation précise des ambiances nocturnes et étriquées à la fois de ces grandes familles californiennes ajoutent beaucoup de charme au roman lui-même
J’aime beaucoup cette période et le roman l’évoque à plaisir  comme dans cette soirée (p.63):
Je les écoutais parler. Existentialisme, disaient-ils. Henry Miller et Truman Capote et Henry Moore. André Gide et Anaïs Nin et Djuna Barnes. Et sexe- dur, poché, à la coque, en cocotte et à la poêle, pas trop frit avec du bon beurre fermier bien frais. Sexe en solo, en duo, en trio, sexe en quartet; sexe pour chorale d’hommes, sexe pour chorale et orchestre : sexe au clavecin sur un rythme à trois temps. Et Albert Schweitzer et la dignité de toute chose vivante.
Le faux gros qui écoutait la caqueteuse se renfrogna et s’absorba tout entier dans son verre. 
Ross Macdonald avait de l'ambition:  Mon but est d'écrire des romans populaires qui n'aient rien à envier en terme de qualité à la littérature sérieuse. 

Il a connu le succès et ses romans plaisent encore beaucoup. Je ne connais que Canel pour avoir avoué s'être en partie ennuyée à la lecture de ce livre. Je la rejoins en partie car par moments je me suis lassée des poursuites et des bagarres répétées qui m'ont fait tourner plus rapidement certaines pages. Je préfère les évocations d'ambiance et les analyses psychologiques souvent drôles et perspicaces qui composent une grande partie du roman pour mon plus grand intérêt! 

Noyade en eau douce, Ross Macdonald,
Titre original: The Drowning Pool
Traduit de l'américain par Jacques Mailhos, ( Gallmeister, 1950/2012, 278 pages)

14 commentaires:

  1. J'avais commencé ce livre et pas accroché du tout... j'ai du mal avec les polars fantaisistes...

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    1. Eh bien finalement moi aussi, ce que je ne savais pas encore!

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  2. J'adore cet auteur et j'ai dévoré toute la série il y a longtemps, dans l'ancienne traduction puis en anglais. Je serais très curieuse de lire cette nouvelle traduction.

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    1. Je n'ai lu que du bien de cette nouvelle traduction. Ceci dit, j'ai aimé les ambiances ainsi que le personnage du détective et il n'est pas impossible que j'en essaie encore un - le prochain qui doit sortir bientôt par exemple!

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  3. j'ai vu une adaptation cinéma de l'un de ses romans - et si mes souvenirs sont bons, j'ai lu un de ses romans mais il y a très longtemps

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    1. Il semble très connu mais c'est la première fois que je lis cet auteur!

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  4. Je crois que je vais en rester à Chandler...

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    1. C'est ce que j'ai préféré dans ce roman: les passages à la Chandler!

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  5. Comme Canel, je me suis ennuyée...

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    1. Je comprends très bien, J'ai fini par sauter plusieurs pages aussi!

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    2. Un auteur inconnu pour moi... Un de plus !

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    3. Sans doute surtout très connu des amateurs de polars!

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  6. Peut-être que j'essaierai mais je crois préférer le style anglais ;-)

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  7. Ambiance et psychologie : tout pour me plaire (moins les poursuites en voitures....)

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