dimanche 29 septembre 2013

Les 10 amours de Nishino, Kawakami Hiroki

Qui est donc Nishino dont les femmes tombent si facilement amoureuses  et qu’il est si facile de quitter par la suite mais qu’on n’oublie jamais tout à fait  malgré tout? 
C’est ce que je me suis demandée tout au long de ma lecture teintée de curiosité et d’étonnement!  Une agréable lecture  même si chaque chapitre ressemble à une histoire nouvelle avec à chaque fois une nouveau point de vue et une nouvelle narratrice, mais l’objet reste le même: Nishino Yukihito, l’ami, l’amant, l’amoureux idéal, l’homme insaisissable  difficile à cerner. 
Un tel portrait est difficile à dresser. On entend dix voix  différentes, celles des dix femmes qui ont vécu avec lui tour à tour, l’une remplaçant l’autre car la morale de Nishino veut qu’il n’en ait jamais deux en même temps,ce qui fait aussi son malheur puisque ces femmes finissent toutes par le quitter en apprenant l'existence des précédentes ou des prochaines.
C’est un portrait en creux qu’on finit par tracer mais est-on jamais sûr d’arriver à atteindre  et à  comprendre la personnalité de ce personnage si énigmatique et pourtant si charmant et si facile à vivre?
J'ai aimé cette approche en biais d'un homme séduisant mais fuyant. Le style tout en nuances et en simplicité de l'auteur s'y prête parfaitement


Les 10 amours de Nishino,  Kawakami Hiroki

Roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu

(Éditions  Philippe Picquier, 2003/2013, 207 pages)

Kawakami Hiromi est née à Tôkyô en 1958.
Son oeuvre. couronnée de nombreux prix littéraires, a su s'imposer par la tonalité très particulière de son style,très subtil.  Ses thèmes privilégiés sont le charme de la métamorphose, l'amour et la sexualité.

Ce qui suit n'est pas indispensable  à ceux qui ne veulent pas connaître les détails. 

1 - Le premier récit, «La crème glacée» est celui de Natsumi, la mère de Minami. Celle-ci n’a que sept ans à l’époque mais racontera sa propre aventure avec Nishino, bien des années plus tard.
Natsumi a trente ans  et vit avec  un mari indifférent mais elle est éprise  de Nishino, la quarantaine, qui occupe un poste élevé et  "toujours entouré de plusieurs ombres féminines." Elle le quitte  quand sa fille a dix ans mais  le voit revenir chez elle quinze ans plus tard et elle repense à ce qu’il lui disait sans cesse:
«Au moment de mourir, je voudrais que tu sois près de moi, à mes derniers instants.» 
Il  a tenu sa promesse, semble-t-il.
Je n’en donne peut-être pas l’impression, avec mon allure plutôt nonchalante, mais dans mon cœur, je ne transige pas. …Fais-moi une tombe au moins , comme celle d’un poisson rouge, ça serait très bien.
2 -  «Dans l’herbe»
Shiori, compagne de classe de Nishino.
«Lui qui est si peu loquace, comment expliquer qu’il n’ait pas du tout l’air rébarbatif?  Il flotte autour de lui un climat mystérieux. L’atmosphère qui se dégageait de lui était douce, tiède, infiniment agréable. Une atmosphère qui faisait qu’insensiblement, ce qui se dégageait de sa présence donnait l’illusion de ne faire plus qu’un avec lui. Oui, une aura de cette nature.»
C’est elle qui surprend l’émouvante scène où Nishino soulage sa sœur qui vient de perdre son bébé.

3 – «Bonne nuit» 
Nushino Yukihiko et Enomoro Manami, sa supérieure.  
(Portrait physique de Nushino)
«Yukihiko était sauvage. Le mot surprendra peut-être car il serait difficile de trouver quelqu’un à qui ce qualificatif s’applique le moins. 

De beaux cheveux. Un menton carré, sans que le bas du visage s’en trouve durci. De grands yeux noirs. Des lèvres aux commissures toujours relevées. Toujours le sourire. Une voix douce. 

Yukihiko n’était jamais vraiment net, il y avait toujours quelque chose en lui de discordant. Lui qui était si nonchalant dans ce qu’il faisait, dans ses paroles, dans ses gestes. Tout en nonchalance, vraiment rien à dire, plein de charme. Et pourtant, à l’intérieur de lui-même, un manque de souplesse. Un sorte de rigidité intérieure. 
Nous étions inquiets. Nous délirions. Nous étions désespérés. Nous étions légers. Nous étions sur le point de commencer à nous aimer. Mais, incapables de nous aimer, nous restions immobiles à jamais en bordure de l’amour qui était juste devant nous.

Pourquoi ne suis-je pas capable d’aimer quelqu’un pour de bon? (Plainte de Nishino.)
4 – Le cœur battant.
 Kanoko, celle qui était jalouse de Manami. 
Douceur, netteté, méticulosité composent ce charme qui n’appartient qu’à lui.  Yukihito plaît aux femmes. J’ai un amant, je fais plutôt bien mon travail, je suis censée avoir beaucoup d’amis, mais quand vient le soir, j’appelle Yukihito. 
5 -Le royaume de la fin de l’été
 Nei. Une petite rencontre de rien du tout. A cette fille volage qu’il connaît peu, il avoue n’être qu’un coureur et c’est alors qu’elle se met à l’aimer vraiment tout en sachant que, lui, en est incapable. C’est dans cet épisode qu’on apprend, en passant,  que s’il n’aime pas la fin de l’été, c’est que sa sœur est morte à cette période, suicidée en son absence. 
Voilà un homme qui portait en lui un désespoir si profond. J’ai pensé que c’était sans espoir.
Alors même qu’elle avait supporté sans problème ses infidélités, Nei ne peut supporter cette révélation et met fin à ses relations avec Nishino. "J’aurais beau faire, ce malaise  glacial et effrayant ne s’effacerait plus jamais."
6 -  La tour d’Osaka, les deux lesbiennes. 

7 – Solitude
Eriko, la voisine et Maou, le chat. Il sont prêts à s’aimer et à se marier mais s’en empêchent: 
J’ai toujours fait attention de ne pas en arriver là. » dit Nishino
Il part appelé pour un autre travail. Le chat aussi disparaît. Infinie solitude. (J’aurais dû les retenir.)

8 – Marimo, 
Madame Sasaki  Sayuri qui aime épargner. Ils se sont connus dans un cours sur l’économie domestique où Nishino avait été envoyé en mission par sa société. 
Il était la coqueluche des femmes  du groupe qui cherchaient toutes à lui plaire. … Pour commencer, Nishino était plutôt un beau mec. Il était soigné. Bien élevé et doux. Pour couronner le tout, il travaillait dans une société qui avait pignon sur rue
Il avait trente sept ans. Un jour il  disparut sans crier gare.

9 – Le raisin. 
Ai, celle qui n’a jamais aimé personne et à laquelle il demande de mourir ensemble. Elle est très jeune et  ne l’aime pas. Il a un accident. Il va mourir et lui téléphone pour  lui dire qu’elle lui ressemble puis  il meurt.

10 – Le thermomètre
Nozomi Misono le rencontre  alors qu'ils ont 18 ans, tous les deux. 
Elle  couche avec un garçon différent chaque jour. Nishono lui raconte l’histoire de sa sœur qui le traumatise et le fait toujours pleurer comme un bébé.  
Nishino était froid. Mais cette froideur  se doublait de tendresse.  Plus que de l’indifférence complète, c’était cela le plus difficile à accepter. 
Un jour il revient lui offrir le thermomètre de sa sœur  puis ne la revoit plus. Elle pense parfois à lui  mais ignore ce qu’il est devenu. Elle  espère qu’il aura eu une petite fille comme il le désirait.
«A-t-il pu un jour aimer quelqu’un? 

Dans ce monde qui ne s’arrête jamais, saura-t-il un jour trouver sa place? »
Les 10 amours de Nishino,  Kawakami Hiroki
Roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu
(Éditions  Philippe Picquier, 2003/2013, 207 pages)

16 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu les détails en bleu car je l'avais repéré à sa sortie et que ton billet me donne encore plus envie de le découvrir !

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    1. Je l'ai tellement aimé que je me suis donné le temps de le résumer en détail, pour mon seul plaisir!

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  2. Même commentaire que Cynthia ! ;-)

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    1. Alors même réponse et je vous encourage toutes les deux à le lire en sachant que quelques notes discordantes existent parmi les lecteurs mais justement!...

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    1. C'est très japonaiscomme traitement et approche d'un tel personnage mais il aurait fallu creuser cette notion là sauf que mon billet aurait vraiment été trop long et que je me suis fatiguée de l'écrire en fin de compte

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  4. Pas le genre de thème qui m'attirerait à la base mais les japonais ont parfois le don de m'intéresser à des sujets qui ne me tentaient pas. A voir.

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    1. Le thème est à la fois banal et universel: l'infidélité masculine, le Dom Juan, le coureur mais moins cynique que Dom Juan et moins papillonnant que Casanova, juste traité en douceur et petits détails, finalement très cruels - à la japonaise, en somme!

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  5. Noté!!!!! oh, ma LAL s'allonge, s'allonge....

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    1. Mieux vaut l'excès que la disette - du moins en littérature! !

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  6. Tout pareil, pas lu la suite car trop tentée par ce livre, par cette forme narrative ( et je garde un souvenir si délicieux de son roman " les années douces " )

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    1. Je note "Les années douces" alors car c'est seulement ma première approche avec cette romancière!

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  7. Et bien je te dis encore une fois merci pour la découverte ;)

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    1. Jolie découverte, très féminine autour d'un homme mystérieux!

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  8. ça me tenterait bien... mais c'est un roman ou un recueil de nouvelles?

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    1. C'est un roman dont Nishino es le héros , raconté et vu par dix femmes qui l'ont aimé et qui sont en lien parfois les unes avec les autres car vivant toutes dans la même ville.

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