Mon Chéri,Je suis en train de sombrer dans la folie à nouveau, j'en suis sûre: je sais que nous n'arriverons pas à bout de ces horribles crises. Et cette fois, je ne guérirai pas. Je recommence à entendre des voix, et n'arrive pas à concentrer mes pensées. Alors vais-je faire ce qui semble la meilleure chose à faire. Tu m’as rendue parfaitement heureuse. Tu as été pour moi ce que personne d'autre n'aurait pu être. Je ne crois pas que deux êtres eussent pu connaître si grand bonheur jusqu’à ce que commence cette affreuse maladie. Je ne peux plus lutter davantage. Je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais travailler. Et je sais que tu le feras. Tu vois, je n’arrive même pas à écrire correctement. Je n'arrive pas à lire. Ce que je veux te dire c’est que je te dois tout le bonheur de ma vie. Tu t'es montré d'une entière patience avec moi et indiciblement bon. Tout le monde le sait. Si quelqu’un avait pu me sauver, c'eût été toi. Tout m'a quitté excepté la certitude de ta bonté. Je ne veux pas continuer à gâcher plus longtemps ta vie. Je ne crois pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l’avons été.
Traduction de Anne Damour pour Les Heures de Michael Cunningham, (Belfond, Prologue p.13)
Lettre laissée par Virginia Woolf, le 28 mars 1941, sur la table de Léonard, son mari, avant de se laisser glisser dans la rivière Ouse, près de Monk's House, sa maison de Rodmell, ses poches remplies de pierres. Il semble qu'elle souffrait de trouble bipolaire.
(Photo et analyse graphologique ICI) . Billet sur la biographie de Virginia Woolf par Viviane Forrester: ICI
Vues de Monk's House et Chambre de Virginia à Rodmell
J'avais déjà lu cette lettre poignante et magnifique dans une de ses biographies (qu'il va bien falloir que tu lises?). Sache aussi que les oiseaux qui parlent en grec, dans Mrs Dalloway, c'est quelque chose qui lui est arrivé. la pauvre a réellement beaucoup souffert.
RépondreSupprimerPiouf pas très joyeux tout ça mais très beau et extrêmement poignant...
RépondreSupprimerKeisha, j'ai lu avec grand plaisir sa biographie par Viviane Forrester. J'ai mis le lien dans mon billet.
RépondreSupprimerElisabeth, Aurait-on réussi à mieux la soigner aujourd'hui?
RépondreSupprimerémouvant en effet
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup lire les lettres surtout quand elles ont une telle intensité... Merci pour ce partage... ;) Bonne journée
RépondreSupprimerSaisissants, poignants ses derniers mots.
RépondreSupprimerBien triste, à cette époque il n´y avait pas de médicaments pour soigner cette maladie.
J´ai lu une biographie d´elle passionnante, il y a bien longtemps. Mais je ne me rappelle plus l´auteur.
Je rechercherai pour voir si c´est le même.
Belle semaine, Mango.
De nos jours ces troubles sont soignés, avec plus ou moins de réussite. À cette époque ça ne l'était pas, ou si peu. Pour les malades c'était l'enfer.
RépondreSupprimerElle est poignante cette lettre.
Merci de ce partage.
wictoria, Lettre reprise par Michael Cunningham dans son livre :"Les heures" basé sur "Mrs Dalloway" de Virginia Woolf qu'elle avait écrit dans cette maison.
RépondreSupprimerMarine Rose. Je n'ai pas réussi à savoir où se trouve cette lettre actuellement.
RépondreSupprimerquelle émotion pour moi que cette lettre - j'ai aussi écrit beaucoup de lettres à mon mari décédé, mais aucune n'a cette puissance d'émotion
RépondreSupprimerAlba,la vie de Virginia Woolf par Viviane Forrester a reçu le Prix Goncourt de la biographie. je ne connais pas les autres.
RépondreSupprimerniki, je comprends ton émotion. Tout cela est très douloureux!
RépondreSupprimerTerrible.... Et tellement émouvant... Quels terribles abîmes elle a du traverser avant d'écrire cette lettre...
RépondreSupprimerC'est magnifique ! Merci de nous parler de Woolf. Dans un précédent commentaire, je te disais que j'allais sûrement craquer pour "Nuit et jour"... et c'est fait ! Je me régale :-)
RépondreSupprimerJe l'ai lue aussi cette lettre et elle est terrible. Elle donne une petite idée de ses tourments intérieurs.
RépondreSupprimerL'or des chambres, sûrement alors qu'elle connaissait le succès et l'amour!
RépondreSupprimerlewerentz, je lirai ton billet avec grand intérêt et puis j'espère le lire bientôt, à mon tour.
RépondreSupprimerAifelle, souffrir de telles migraines et surtout ne plus se sentir maître de soi, ça doit être terrible en effet!
RépondreSupprimerTrès bel article. Je ne connaissais pas cette lettre et je la trouve vraiment très émouvante. Quel dommage d'en arriver là quand on sait que maintenant il existe de très bons traitements médicamenteux et des séances avec des psy. très efficaces pour traiter les troubles bipolaires. Je me suis acheté dernièrement en livre de poche "Virginia Woolf" de Viviane Forrester ; tu m'as donné envie de le lire.
RépondreSupprimerAnne (De poche en poche).
Cette letre qui clot son journal est magnifique et terrible de douleur et de pudeur, d'amour et d'angoisse
RépondreSupprimerTerrible. Une lettre qui me fait penser à Sylvia Plath.
RépondreSupprimerQuelques larmes de compassion sur ce magnifique testament, je croisqu' elle avait vécu un traumatisme assez lourd dont la maladie n' était qu un symptome, merci de ne pas laisser ce destin dans l ombre.
RépondreSupprimerBonjour Mango,
RépondreSupprimerJ´ai retrouvé le livre dont je te parlais.
Instants de vie de Virginia Woolf.
C´est un recueil d´écrits autobiographiques qui rassemble des textes inédits, choisis dans les archives Woolf à la bibiothèque de l´université de Sussex.
Les Monk´s House Papers, puis que c´est le nom qu´on leur a donné appartenaient à son mari Leonard Woolf.
Lorsque celui-ci décida Quentin Bell à écrire la biographie autorisée de Virginia Woolf, il lui remit ces documents. Et le professeur Bell en cita de brefs passages dans la biographie.
A la mort de Leonard Woolf, les documents, grâce à la générosité de l´exécutrice testamentaire, Mrs Trekkie Pearson allèrent à l´université de Sussex.
La publication rendra facilement accessible à une large audience des textes qui illustrent brillamment la vision et la sensibilité d´un écrivain dont la contribution à l´histoire de la littérature anglaise fut profondément personnelle, et elle ne peut que constituer un hommage à sa mémoire.
Avertissement de l ´éditeur.
Je te conseille ce livre Mango, j´avais acheté l´édition : le livre de poche. Biblio
Bon week-end
Alba
Très émouvant de lire cette lettre aujourd'hui sachant que ce sont les derniers mots qu'elle a écrit! Merci pour le partage.
RépondreSupprimerMa chère Mango, je te félicite pour cette nouvelle déco agréable et reposante, et bravo pour ta nouvelle bannière! J'adooore!!
Bisous et très belle soirée
edencoon, J'ai hâte de savoir ce que tu auras pensé de cette biographie et si elle t'aura intéressée aussi. Bonne lecture.
RépondreSupprimerDominique, Cette lettre est très émouvante et pourtant maîtrisée : très belle.
RépondreSupprimerTheoma, autre suicide dramatique !
RépondreSupprimerorfeenix,je ne sais pas exactement à quel traumatisme tu fais allusion mais ses biographes signalent un climat incestueux avec ses demi-frères dans sa jeunesse.
RépondreSupprimerMerci Alba de toutes ces précisions très intéressantes. Je vais me procurer ce livre dès que possible.
RépondreSupprimerKenza, merci pour la bannière. J'ai pensé y renoncer et puis cette vue d'Agrigente par Nicolas de Staël s'est brusquement imposée comme une évidence.
RépondreSupprimerTerrible et magnifique !
RépondreSupprimerUne lettre déchirante! Maintenant elle pourrait être soignée plus efficacement contre ses troubles bipolaires.
RépondreSupprimerExcuse-moi mais où puis- je trouver les dates de nos lectures communes?
RépondreSupprimerTrès triste et touchant
RépondreSupprimerDire que je n'ai encore rien lu de cette auteure. A partir de maintenant, les seuls mots que je connais d'elle sont ses mots d'un tourmant bouleversant et pourtant, quelque part, lucide.
RépondreSupprimerje n'avais jamais lu cette lettre merci de nous la faire partager ! elle me donne des frissons, et quelle déclaration d'amour !
RépondreSupprimerVirginia Woolf, cette lettre ...! Comme un écho du passé et si proche à la fois. Bouleversante, grave, magnifique...
RépondreSupprimerJe suis toujours tout retourné en lisant cette belle lettre. Merci de ce partage ici et maintenant.
La Vie ...
Jicey Carina, acteur, auteur et lecteur. Cannes mai 2013