mardi 6 septembre 2011
Je ne lis pas que des livres.
Les journaux existent encore et si je ne les fréquente plus avec autant d’assiduité qu’auparavant, certains articles me semblent toujours valoir leur pesant d’or comme l’entretien de Michel Serres par Pascale Nivelle dans Libération, samedi dernier, 3 septembre.
Ce grand intellectuel que je respecte infiniment, diplômé de l’Ecole navale et de Normale Sup, historien des sciences et agrégé de philosophie, académicien, écrivain et j’en passe, s’intéresse cette fois aux jeunes. Comment les voit-il? Qu’en pense-t-il?
Première bonne surprise : Il les aime et il est optimiste quant à leur avenir générationnel.
«Soyons indulgents avec eux, ce sont des mutants»
L’article est curieusement intitulé : Petite Poucette, la génération mutante, "Petite Poucette, pour sa capacité à envoyer des SMS avec son pouce."
Selon lui, la génération montante vit une métamorphose totale due à la troisième grande révolution après celle du passage de l’oral à l’écrit, puis celle de l’écrit à l’imprimé; il s’agit désormais de passer de l’imprimé aux nouvelles technologies, tout en dépassant le plus rapidement possible la période de crises, politique, sociale , religieuse en cours actuellement.
Cette mutation a commencé entre 1965 et 1975 avec la disparition brutale du monde paysan. 70% de la population française travaillait alors la terre, 1% seulement aujourd’hui. La campagne maintenant signifie vacances.
Michel Serres constate que même les candidats au concours de l’ Ecole normale ne connaissent plus le vocabulaire des labours si courant dans les textes du XIXe siècle
Deuxième bonne surprise : le vocabulaire des jeunes générations est de plus en plus riche.
«Au siècle précédent, la différence entre deux éditions s’établissait à 4 000 ou 5 000 mots. Entre la plus récente et la prochaine, elle sera d’environ 30 000 mots.
Cela vaut pour tous les domaines. A la génération précédente, un professeur de sciences à la Sorbonne transmettait presque 70% de ce qu’il avait appris sur les mêmes bancs vingt ou trente ans plus tôt. Elèves et enseignants vivaient dans le même monde. Aujourd’hui, 80% de ce qu’a appris ce professeur est obsolète. Et même pour les 20% qui restent, le professeur n’est plus indispensable, car on peut tout savoir sans sortir de chez soi!»
Que leur transmettre dans ce cas ? Soi ! On ne peut transmettre que soi-même. Riche de son expérience de quarante ans d’enseignement, son seul conseil aux professeurs est l’éternel : «Rester soi-même!»
Dernière excellente conviction : L’avenir sera meilleur.
Si les institutions sont désuètes (selon lui, La Grande Bibliothèque, par exemple est déjà complètement dépassée), si on n’invente plus de nouveaux systèmes politiques, sources de tant de guerres, c’est que nous sommes entrés dans l’ère de l’individu et de la solitude mais grâce aux nouvelles technologies, qui n’activent pas les mêmes régions du cerveau que les livres, nous habitons un nouvel espace. Le cerveau évolue physiquement.Le corps aussi.
Les générations précédentes étaient formées pour la souffrance. La morale judéo-chrétienne préparait à supporter la douleur qui était inévitable et quotidienne (et de rappeler la fistule anale de louisXIV qui le fit souffrir à hurler de douleur tous les jours de sa vie). Si la pudeur était si répandue même chez les couples, c’était que les corps souffraient de mille maux: pustules, boutons, cicatrices variées, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les individus ont désormais une longue vie sans douleurs physiques de cet ordre devant eux d’où la nécessité d’appréhender différemment l’existence. L’homme est devenu l’acteur majeur de son bien-être et des grands cycles de la nature.
«C’est le grand défi de l’Occident, s’adapter au monde qu’il a créé.»
Voir l’article ICI
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Et bien un peu d'optimisme cela ne fait pas de mal!
RépondreSupprimerElisabeth, Est-ce une forme de méthode Coué? En tout cas, ça fait du bien.
RépondreSupprimerMerci pour le lien, je vais aller le lire tranquillement. C'est réconfortant de voir ces beaux vieillards (il y en a d'autres, Hubert Reeves par exemple) toujours dans l'espoir et le positif, même s'ils ne nient pas les énormes problèmes de l'époque.
RépondreSupprimerquel bel article qui nous repose de la sinistrose politique et économique, en plus je partage cet élan d' espoir, mes élèves sont de plus enplus lucides et retournent à la culture , je les trouve moins matérialistes que leurs aînés.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup les interventions de Michel Serres. Voilà un homme optimiste, ça fait du bien.
RépondreSupprimerJ'aime le passage où il parle de transmettre. Un bel article.
billet très agréable à lire... j'en avais entendu parlé sur France Inter
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