On le
sait d’avance: un roman de Modiano, c’est un anti-thriller par excellence. C’est particulièrement vrai dans
son dernier livre, L’herbe des nuits. L’héroïne est probablement une criminelle. On s’en doute et le narrateur aussi.
Elle le lui a suggéré un soir: Qu’est-ce que tu dirais si j’avais tué quelqu’un? quitte à
lui dire ensuite que ce n’était qu’un rêve. Il a cependant été convoqué à ce sujet, quai de Gesvres, aux renseignements généraux. En réalité on s’en moque un peu de connaître
la vérité. L’intérêt du récit n’est pas là. Comme toujours, bien plus qu’ une
enquête, c’est une quête que Modiano poursuit dans son Paris perdu des années soixante, quête de soi, de ses souvenirs de jeunesse, des traces d'une personne aimée et perdue.
Le titre, L'herbe des nuits, c'est un vers de poète:
Et, la chaux dans le sang, rassembler pour les tribus
Etrangères l'herbe des nuits. ( Ossip Mandelstam)C'est aussi ces déambulations lentes et infinies dans les rues de Paris, la nuit, de cafés glauques en chambres de passage, le long d'avenues désertes et froides près des murs de prison ou de jardins fermés.
Cette fois, la jeune femme aimée mais fuyante, aux multiples identités, au passé trouble et aux fréquentations dangereuses, s'appelle Dannie. Elle est très jeune et Jean, le narrateur encore plus. Leur présent est celui de la Cité universitaire où ils se rencontrent car ils se veulent étudiants mais c'est surtout celui des habitués d'un bar de Montparnasse où se retrouve une bande louche liée à la politique post coloniale d'alors. Tous les noms sont écrits dans un petit carnet noir retrouvé cinquante ans après et qui lui sert de guide mémoire.
Comme toujours avec Modiano, le temps s'est aboli en lisant ce livre et peu importe l'intrigue, j'ai retrouvé le même plaisir de "flotter dans l'air de Paris", sans famille, sans milieu social et sans passé bien défini et c'est encore une fois très agréable.
Il m'aura fallu presque une vie entière pour revenir à mon point de départ. (p.58)
Pourtant je n'ai pas rêvé . ...Sur les pages du carnet se succèdent des noms, des numéros de téléphone, des dates de rendez-vous, et aussi des textes courts qui ont peut-être quelque chose à voir avec la littérature. Mais dans quelle catégorie les placer? journal intime? fragments de mémoire?
Bien sûr de nombreux signaux se sont brouillés, et vous avez beau tendre l'oreille, ils se perdent pour toujours. Mais quelques noms se détachent avec netteté dans le silence et sur la page blanche...Dannie, Paul Chastagnier, Aghamouri, Duwelz, Gérard Marciano, "Georges", l'Unic Hôtel, rue du Montparnasse. Si je me souviens bien, j'étais toujours sur le qui-vive dans ce quartier. (p.11/12)L'herbe des nuits, Patrick Modiano (Gallimard, octobre 2012)
Bon je ne suis pas forcément la plus objective parce que j'aime profondément Modiano. Je l'ai lu à sa sortie et je l'ai vraiment bien aimé, même si ce n'est pas mon préféré (je l'aime davantage dans la fiction). C'est le roman le plus proche de lui je pense, puisque le narrateur porte son vrai prénom: Jean.
RépondreSupprimerJe manque certainement d'objectivité aussi. Chacun de ses livres est un véritable enchantement.
SupprimerEh bien, j'ai très envie de le (re)lire, et pourquoi pas avec celui-ci, quand il sortira en Poche...
RépondreSupprimerIl rend poétiques les déambulations sans fin et les histoires les plus sordides.
SupprimerCelui-ci ne peut que me toucher !
RépondreSupprimerBelle journée Mango
Je ne saurais plus dire s'il est meilleur que les autres mais en tout cas il me plaît tout autant.
SupprimerVoilà longtemps que je n'ai pas lu de Modiano... Tu me donnes envie...
RépondreSupprimerJe sais désormais que je ne me lasse pas de cet auteur même si l'histoire ne me semble jamais réellement nouvelle. C'est très curieux!
SupprimerUn auteur que je dois encore découvrir.
RépondreSupprimerJe te souhaite de l'aimer. Je sais que parfois, à force d'entendre vanter un auteur, on risque d'être déçu!
SupprimerJe n'ai jamais lu Modiano, mais dans cet extrait de son roman,j'aime déjà cette atmosphère en déambulant dans le grand Paris, en entrant dans n'importe quel lieu, en se noyant dans la cohue, en étant dans la peau d'un inconnu! J'ai vécu cette sensation dans Paris, il y'a bien longtemps!J'ai vécu, aussi une autre sensation dans le désert du Sahara, en ne voyant nulle âme, ni véhicule ni un quelconque engin, rappelant la vie en ville, mais là, c'est autre chose! Peut être le poète "Le comte de Lisle" a-t-il lui, senti quelque chose? Voici un de ces poèmes, que je dédie à toi Mango et à toutes les femmes en ce jour du 08 mars( et même pour tous les jours de l'année)
RépondreSupprimer"Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe, en nappes d'argent, des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine;
La terre est assoupie en sa robe de feu.
Tu as tout compris et cet auteur semble fait pour toi!
SupprimerJe le lirai en poche, sûr et certain !
RépondreSupprimerIl ne devrait pas tarder à sortir en poche maintenant.
SupprimerJ'aimerais relire du Modiano... en poche aussi.
RépondreSupprimerComment est-ce possible ???? Je n'ai jamais lu Modiano !!! Je sais c'est fou ...et je cmpte bien y remédier très vite !!!
RépondreSupprimerVoilà qui donne envie, j'ajoute celui-ci à ma liste! Bon week-end!
RépondreSupprimeret dire que je n'ai jamais lu ce monsieur, il faudra que je me décide un jour. Mais y'a trop de monde à lire !!!
RépondreSupprimerIl y a trop longtemps que je n'ai pas lu un de ses romans....
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cet auteur. Je n'ai pas lu ce livre, je le note.
RépondreSupprimerComme toujours, j'ai beaucoup aimé! :)
RépondreSupprimerIl faut absolument que je découvre cet auteur ! Lequel tu me conseillerais ( un de préférence sorti en poche)?
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