Ce tout petit livre de 92 pages parle de suicide ou plutôt d’ êtres chers à l’ auteur, un père et une amie de collège qui se sont suicidés.
La mort de son père, le juge Boulouque, en 1990, alors qu’elle n’avait que treize ans, elle l’a racontée, en 2003, dans son livre: Mort d’un silence, devenu en 2005, le film: La Fille du juge.
La mort de son amie Julie, survenue quelques mois plus tard, quand elles avaient 14 ans et qu’elles se retrouvaient au lycée Condorcet, est arrivée alors même que leur amitié faiblissait.
Il s’agit dès lors pour la romancière non pas de raconter la cause de cette tragédie mais de se demander ce qu’elles seraient devenues l’une pour l’autre si la vie avait continué normalement son cours.
Loin d’être un récit pur et simple, c’est donc avant tout un ensemble de réflexions et de belles citations qui nous est offert dans cet opuscule. Le talent stylistique, ce n’est certes pas ce qui manque à Clémence Boulouque. La prose est belle et je l’ai lue avec plaisir. Mon seul regret est que je suis restée sur ma faim quant à l’histoire elle-même. Julie demeure un prénom, c’est tout. Elle n’est que trop peu évoquée. Ce n’est qu’un prétexte pour parler d’une douleur bien réelle et ravivée une nouvelle fois mais son souvenir est très vite effacé pour réchauffer ceux de l’époque elle-même.
Je ne sais plus si Eternal Flame des Bangles était la chanson de mon premier slow ou du sien, avec Nicolas, je ne sais plus, parfois, laquelle de nous deux est présente dans les souvenirs, dans cette vie.
Le ciel s’est cassé ce jour-là. (…) J’ai sombré. L’amitié qui se fend. J’ai dérivé, sans bruit, loin d’elle.Je lui en ai voulu. Avec mutisme, sans l’affronter. Par esquive.- Tu viens ? Je vais m’acheter des chaussures.- Non, je suis occupée.- A quoi ?- A être occupée.- J’ai raccroché, elle trouverait quelqu’un d’autre pour l’accompagner.- J’ai lu Le ravissement de Lol V. Stein. Pour être avec elle, sans le lui dire.- Je ne sais plus ce que j’ai pensé.
Ne me reste que cette acrimonie envers Duras, cette obstination à la tenir responsable de l’incandescence de Julie, des mots plantés dans son abdomen, avec son écriture griffue. Coupable d’avoir, à l’esprit de mon amie, pianoté son désespoir, cet inassouvissement des vies, des possessions, des mots. Elle l’a façonnée et Julie était cette inassouvie, peut-être consciente de ne jamais pouvoir devenir autre qu’un désir d’exister au superlatif, se cherchant des attaches, des envies. (…) Julie est partie avec ses trop-pleins.
Nous sommes ceux qui restent, ceux qui demeurent - des demeurés. Les yeux des endeuillés ont l'opacité du regard qui est aussi celle des aveugles, cette fixité rivée à ce que l'on ne voit plus, au noir. Nous sommes les proies de fixations,celles qui diraient pourquoi? Faibles d'esprit, faibles. Marguerite Duras était responsable, voilà ma fixation de demeurée.
Je n'emporte rien du monde, Clémence Boulouque (Gallimard, décembre 2012, 92 pages)
Je ne connais pas cette auteure mais j'ai très envie de la découvrir.
RépondreSupprimerMouais... je ne crois pas que j'y trouverais mon compte, je préfère passer mon tour.
RépondreSupprimerComme Jérôme, pas du tout mon genre de lecture.
RépondreSupprimerj'avais beaucoup aimé "Mort d'un silence" mais surtout le très court "sujets libres" ; un peu moins "Chasse à coure". Je pense que je tenterai quand même celui-là!
RépondreSupprimerUn ensemble de citations et de réflexions, à lire en piochant, alors.
RépondreSupprimerEt bien pourquoi, en plus, j'aime les récit courts
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