Chevalier de l’ordre du mérite de Sylvie Testud

Une jeune femme s’embrasse dans son miroir. 

Pour une fois, la couverture du livre résume à peu près bien l’héroïne: quelqu’un  de totalement enfermée dans son image. Elle s’aime suffisamment pour ne plus vivre qu’avec elle-même. Elle a tout pour être heureuse: un bon job dans les assurances pour animaux, un bon  mari: Adrien, tendre, compréhensif, cool, sans pesanteur, qui accepte sans broncher son avortement.  Elle ne veut pas d’enfant qui ne ferait que troubler cette belle harmonie!  Elle vient de gravir un échelon dans son travail et le seul manque dans sa vie, c’est une femme de ménage pour s’occuper de son intérieur qu’elle désire irréprochable de propreté. 

Après de longues recherches, elle la trouve enfin, cette perle;  ce sera Fao, une philippine parfaite mais sans papiers. Qu’à cela ne tienne!  Sybille Mercier a réponse à tout. Elle déborde d’énergie et réussit tout ce qu’elle entreprend à force d’entêtement.

C’est une femme moderne et  parfaite seulement voilà : est-ce si facile de vivre avec quelqu’un d’aussi exigeant, une maniaque de l'ordre? Voici le portrait qu'elle dresse d 'elle-même: 

Dès que je passe la porte de notre appartement, je me transforme. Sans plus aucune coquetterie, je retire mes escarpins, je jette mes vêtements dans la panière à linge sale. Je m’attache les cheveux sur le sommet du crâne, remonte mes manches, et c’est parti pour le rodéo de l’ordre et de la propreté. Une chorégraphie d’un genre peu sexy, à laquelle je ne renonce que tombante de sommeil. Pauvre Adrien: il vit avec une mégère. L’image n’est pas folichonne. C’est au bureau qu’ils vivent avec moi. Bien habillée, maquillée, coiffée. Pourquoi je me transforme? Pourquoi je n’arrive pas à suivre le mode de vie d’Adrien?Pourquoi ça ne tourne pas plus… plus… plus carré?

Cette lecture pouvait  être sympa. J’en ai aimé plusieurs  récits: le début en particulier avec le jeu des chaises  musicales, le passage à la télé en robe rose, critiqué à deux, le soir,  quelques entretiens ratés avec les prétendantes au titre de ménagères,   bref des petites anecdotes de la vie ordinaire d’une femme au travail mais c'est tout. J’ai eu l’impression de ne lire que des sortes de petites nouvelles mises bout à bout, sans autre lien entre elles que ce personnage de femme maniaque, ambitieuse et angoissée qui m’est vite devenue antipathique.

Reste la particularité de l'écriture: celle des magazines de la presse féminine, moqueuse, futile, frivole , cherchant surtout à être drôle, à "faire marrer le public" a déclaré l'auteur. "Ce n'est pas une histoire mais des moments sans importance, des tout petits morceaux de vie mis ensemble". 

J'aurais dû zapper. 

Chevalier de l’ordre du mérite de Sylvie Testud.  Roman, Fayard,  2011, 271 pages