Van est mort, tué par
Lou, sa femme, la conductrice de la
voiture qui l’a percuté, un soir où il rentrait chez lui, de retour de chez Ulma, sa maîtresse. Lou venait d’avoir les
preuves de l’adultère grâce aux photos prises par un détective.
Le roman commence ainsi, comme un roman policier. On en est
loin cependant.
C’est un roman polyphonique à quatre voix. Quatre narrateurs, trois vivants et un mort.
Van, le disparu, était aussi le mari, le
père et l’amant. Chacun dira sa vérité. Ils s’aimaient, se décevaient, se
heurtaient, se trahissaient mais ce qu’ils
découvrent des liens réels entre l’amant et la maîtresse, tous deux d’origine
vietnamienne devenus français, sera la lame de fond qui bouleverse tous les
liens difficilement maintenus jusqu’alors. Un secret de famille? Une fatalité historique?
Un coup du sort?
Le passé resurgit, violent, celui des années de guerre au
Vietnam, de l’émigration, des années 68, de la vogue gothique suivie par Laure,
la fille de Van, le vietnamien, puriste et amoureux fou de la langue
française et de Lou, la bretonne, classique et coincée.
On frôle souvent les clichés mais la langue est belle et
sauve l’histoire un peu pâlotte.
La force des personnages tient avant tout à leur passé et à ces liens familiaux rompus par
les tragédies historiques. Les
deux femmes ont eu des mères très peu
maternelles et ont été élevées par leurs grand-mères, plus solides. Van a
quitté son pays en y laissant une mère âgée et isolée de tous, qu’il ne reverra
jamais, ce qui lui vaut un remords éternel qui l'empêche de retourner là-bas. Laure, elle, rue dans les brancards, en quête de sa propre identité française et vietnamienne, tout en cherchant à faire son deuil:
Maintenant que Van est dans la tombe, je voudrais tellement, si son esprit hante notre maison, qu'il accorde à Lou son pardon, qu'il ait des motifs d'être content de moi, qu'il veille sur nous et qu'il chasse les mauvaises ondes. Je voudrais tellement ne plus être cette âme en peine qui se trimballe d'une pièce à l'autre en ayant le cœur serré par un horrible sentiment de vide.
Voilà c’est ça, le roman tel que je l’ai ressenti: beaucoup de
solitude, d’abandon, de trahison, de silence, et la mort pour finir, suivie des
regrets, des désillusions, d’un début de vérité. Le tout enveloppé dans l’écrin d’une
belle écriture, riche et maîtrisée à la
fois.
Sera-t-il le prochain Goncourt ?
[La première phrase de ce roman a obtenu la médaille d'argent du Bibliobs 2012: «Je n’ai jamais été bavard de mon vivant.» La médaille d'or est celle de Jacques Braunstein, pour son incipit: «J’arrive à l’âge où chaque jour je m’invente un nouveau regret.» («Loin du centre», NiL)]
Lame de fond, Linda Lê, (Christian Bourgois éditeur, août 2012, 277 pages),
Illustration de couverture: Yves Klein, Anthropométrie sans titre, vers 1960
Linda Lê est née en 1963 au Vietnam et fait ses études au Lycée français de Saïgon. Après la chute de cette ville, elle s’installe au Havre avec sa sœur et sa mère françaises puis suit les cours de Khâgne au Lycée Henri-IV. Très estimée des critiques littéraires, moins connue du grand public, elle se montre très réservée. Elle publie très jeune et reçoit de nombreux prix. Ce roman est le dix-huitième paru chez Christian Bourgois. Il est sur la liste du Prix Goncourt.
Challenge de Lystig Challenge de Catherine Challenge de Hérisson
Le Goncourt à une femme ? allons donc ! ceci dit, je ne suis pas très tentée.
RépondreSupprimerCe serait bien pour une fois le Goncourt à une femme: je n'y crois pas trop cependant!
SupprimerLe Goncourt à une maison d'édition moins connue? Bon, on verra...
RépondreSupprimerPourquoi pas? Il paraît que le jury a bien changé!
SupprimerSi ça doit être une femme, j'en préfère une autre. Quant à la maison d'édition moins connue, je n'y crois pas tant que ça non plus même si les goncourables viennent pour une fois de maisons très variées.
RépondreSupprimerJ'ai lu deux ou trois romans d'elle il y a très longtemps, j'ai le souvenir d'une violence intérieure liée à l'exil. Ce livre semble plus "doux", plus calme. A voir... Elle vient à la soirée de Rentrée littéraire Libfly à Lille, peut-être me laisserai-je tenter...
RépondreSupprimerUne vague qui donne envie d'être emporté !
RépondreSupprimerJe n'avais pas du tout aimé sa "lettre à l'enfant que je n'aurais pas" aux Editions Nil, son style m'avait glacée bien que très maîtrisé, trop ?). Pas vraiment envie de la lire...
RépondreSupprimerLe sujet ne me tente pas du tout. Il n'empêche que ce roman pourrait tout à fait être le prochain Goncourt, même si j'espère que Jérôme Ferrari sera sacré^^
RépondreSupprimerbravo ... super article .
RépondreSupprimerIl a quand même des défauts, mérite-t-il le Goncourt ?
RépondreSupprimerEt puis tu sais, 10 femmes l'ont reçu en 110 ans alors...
Goncourt ou pas peu m'importe mais je trouve Linda Lê plus faible en romancière qu'en essayiste, j'ai aimé tous ces essais littéraires qui sont d'une belle tenue et d'une grande richesse, je suis nettement moins convaincue par les romans
RépondreSupprimerVu ce que tu ne dis, je n'ai pas très envie de le lire...
RépondreSupprimerLe sujet ne me tente pas plus que ça... Quant au prix Goncourt... et bien ce sera la surprise !
RépondreSupprimerJ'ai un de ses premiers romans dans ma PAL, j'ai prévu de le lire bientôt. Après personnellement je ne suis pas fan du Goncourt, je finis même par fuir certains finaliste :)
RépondreSupprimerRéponse bientôt à ta question, si le roman parvient à rester dans le carré de tête.
RépondreSupprimerLe livre en tant qu'objet avec sa belle couverture d'estampe et son thème me plait beaucoup, je viens de le voir en vrai et je l'ai sagement reposé ... Je le note dans ma LAL !
RépondreSupprimerBon WE