Lorsque François Lesage, le grand brodeur de la haute couture française, est mort le premier jour de ce mois de décembre, j'ai revu les belles nappes et les beaux draps brodés, empilés fièrement dans les grandes armoires d'autrefois. C'était l'œuvre des femmes, leur dot et leur gloire. Leur réputation était en cause. C'était pour elles le moyen de montrer leur talent artistique et de gagner le respect de leur entourage.
Chasuble d'or Chape d'or
S'il y a une brodeuse de roman dont je me souvienne, c’est bien de la petite Angélique de Zola, son héroïne de Beaumont, en Basse-Picardie, une enfant abandonnée et recueillie à neuf ans par un couple de «chasubliers», dont la vie se déroule à l’ombre de la cathédrale. Elle brode toute la journée les habits de l’évêque et les ornements ecclésiastiques.
C'est la fille adultérine de Sidonie Rougon, adoptée par les Hubert, transie de froid devant la cathédrale de Beaumont. Ils lui apprennent la broderie et elle se passionne pour la vie des saints et des martyrs. Elle tombe alors amoureuse de Félicien, le fils de l'évêque, un artisan verrier qui réalise les vitraux de la cathédrale. Les deux familles s'opposent farouchement à leur mariage...
Voici son portrait :
Angélique était devenue une brodeuse rare, d’une adresse et d’un goût dont s’émerveillaient les Hubert. En dehors de ce qu’ils lui avaient appris, elle apportait sa passion, qui donnait de la vie aux fleurs, de la foi aux symboles. Sous ses mains, la soie et l’or s’animaient, une envolée mystique élançait les moindres ornements, elle s’y livrait toute, avec son imagination en continuel éveil, sa croyance au monde de l’invisible. Certaines de ses broderies avaient tellement remué le diocèse de Beaumont, qu’un prêtre, archéologue, et un autre, amateur de tableaux, étaient venus la voir, en s’extasiant devant ses Vierges, qu’ils comparaient aux naïves figures des primitifs. C’était la même sincérité, le même sentiment de l’au-delà, comme cerclé dans une perfection minutieuse des détails. (…) D’un bout de l’année à l’autre, que de merveilles, éclatantes et saintes, lui passaient par les mains! Elle n’était que dans la soie, le satin, le velours, les draps d’or et d’argent. Elle brodait des chasubles, des étoles, des manipules, des chapes, des dalmatiques, des mitres, des bannières, des voiles de calice, de ciboire.
J'aime tant la broderie... Ma mère a toujours brodé de multiples choses : draps, nappes, serviettes, etc. Du coup, j'ai un attachement sentimental à la broderie!
RépondreSupprimerElisabeth, C'est exactement ce que j'éprouve aussi: de l'admiration et de l'affection. Ma mère, mes tantes, les femmes de la famille passaient tellement de temps dans leur jeunesse à broder ces pièces magnifiques qu'on trouve encore dans les armoires quelquefois. Quelle patience il leur fallait!
RépondreSupprimerLa broderie est un art superbe mais a longtemps été un art de quasi esclave !
RépondreSupprimerTu me donnes des remords avec le rêve car je n'arrive pas à terminer mon parcours Zola c'était pourtant bien démarré
Je crois que c'est un des Rougon-Macquart que j'ai le moins aimé :-(
RépondreSupprimerJe crois bien...qu'il me faut relire Zola, je ne m'en souviens plus (pas plus que ça). J'ai aussi beaucoup d'admiration pour les brodeuses, j'ai encore dans mes armoires certaines pièces de dentellière effectuées par ma grand-mère (pour sa dot) et j'aimerais avoir son talent ! ;)
RépondreSupprimerJe crois que je ne me serais jamais intéressée à ce roman - à cause du titre très étrange dans le cycle des Rougon Macquart - si tu n'en avais pas parlé ! Il me le faut à tout prix maintenant :-)
RépondreSupprimerAh, Lesage... un grand artiste lui aussi...
RépondreSupprimerLe Rêve est un roman à part dans les Rougon-Macquart, plus poétique, extatique, c'est pourquoi je l'ai adoré dans ma jeunesse et l'ai relu bien plus tard avec le même plaisir, avec une passion de brodeuse, je ne brode pas aussi bien qu'Angélique mais aime cette saine et artistique occupation.
RépondreSupprimerJoyeux Noël !
Dominique, leurs conditions sociales n'étaient pas brillantes, c'est vrai mais au moins leur artisanat faisait leur fierté.
RépondreSupprimerStephie, Il est sans doute moins fort et moins virulent socialement que les autres romans de Zola, cependant il ne m'a pas déplu, c'est comme une respiration plus légère entre deux crises plus violentes. Je les ai lus dans l'ordre et les relis de façon buissonnière.
RépondreSupprimerAsphodèle, ces romans des grands classiques ont cette particularité qu'à chaque nouvelle lecture, on découvre des aspects différents. On ne s'ennuie jamais avec eux!
RépondreSupprimermaggie, c'est Roméo et Juliette façon Zola et qu'on ne me dise pas que ce n'est qu'une bluette! Une histoire d'amour, provinciale, certes, mais éternelle donc moderne en cela, même si très datée!
RépondreSupprimerIrrégulière, un vrai créateur!
RépondreSupprimergrillon, cette occupation est jubilatoire quand je m'y mets. Je ne fais plus que ça mais très vite la réalité me rattrape quand je compare mon misérable résultat à ceux de ma mère par exemple. J'abandonne alors très vite! Tu dois être plus douée que moi: il y faut tant de patience, de minutie, de doigté et de régularité, de fantaisie aussi et de goût, bref tant de qualités que je ne possède pas. Bon Noël à toi aussi!
RépondreSupprimerMa lecture de Zola remonte a tellement loin que j'ai beaucoup oublié. Moi, les broderies me font penser au joli film d'Eleonore Faucher "brodeuses", avec Ariane Ascaride et Lola Laymark.
RépondreSupprimerquel joli billet sur un joli sujet, chère mango
RépondreSupprimermaintenant j'ai envie de relire "le rêve" :)
Un livre que j'ai lu il y a quelques années et que j'ai beaucoup aimé. Le parallèle avec Lesage est très vrai.
RépondreSupprimerAifelle, dommage, je n'ai pas vu ce film.
RépondreSupprimerniki, un livre rapidement lu, un des plus simples de l'auteur.
RépondreSupprimerdimitri, il créait des merveilles!
RépondreSupprimerJ'aime les écrits de Zola, je n'ai jamais lu celui-ci mais comme j'adore tout ce qui est fait à la main (tricot, crochet et bien entendu broderie), ça me donne envie de le lire !
RépondreSupprimerJ'ai lu tout Zola mais en cherchant celui qui serait le plus approprié pour mon fils (il doit lire un Zola au choix), je me suis rendue compte que mon MP était resté bloqué à la page 120, ce qui doit signifier que je n'ai pas fini ce tome. C'est pour ça que je n'en ai aucun souvenir.
RépondreSupprimerJ'ai lu ce livre de Zola il y a déjà longtemps et c'est vrai, je l'avais trouvé très différent de ses autres oeuvres.
RépondreSupprimerJ'ai vraiment beaucoup aimé "Le Rêve" ; j'ai trouvé ce roman très poétique. Et moi aussi j'ai pensé à ma mère si experte en broderie et couture de tous genres !
Y.
Ah ! Je ne suis pas encore arrivée là dans ma lecture de la saga zolienne... je ne connais donc pas encore ce beau personnage ! Bonne semaine à toi Mango
RépondreSupprimerRébecca, comme toujours chez Zola, on sent dans ce roman toute la documentation précise sur le métier de brodeur accumulée au préalable.
RépondreSupprimerValérie, la figure dominante étant celle de la petite brodeuse, tu as dû te dire que pour un jeune lecteur, ce n'était peut-être pas le meilleur des Zola à conseiller.
RépondreSupprimerAnonyme, C'est un livre que j'aime d'autant plus qu'il n'y en a pas tant que ça qui évoque aussi bien les métiers de l'artisanat féminin pourtant tellement courants dans toutes les provinces autrefois.
RépondreSupprimerMargotte, Ce roman est comme une halte dans la saga de cette famille, bien que teinté de tristesse lui aussi! Malgré sa douceur et son éducation, Angélique demeure une Rougon.
RépondreSupprimerDe tous les romans de Zola que j'ai lu, c'est celui qui m'a le moins plu. Moins de passions, de tensions. Du moins dans mon souvenir!
RépondreSupprimerJe suis plus sensible à la broderie qu'à ce roman de Zola qui m'est tombé des mains malgré mon acharnement... j'avais alors lu quatre ou cinq romans et celui-ci est le seul à m'avoir déçue. Je retenterai sans doute l'aventure un jour...:)
RépondreSupprimerchoupynette, C'est un roman un peu en retrait par rapport aux autres plus spectaculaires, c'est vrai. Celui-ci est plus intimiste et sentimental.
RépondreSupprimerLou, il est très différent des autres Rougon-Macquart en effet car bien moins noir et moins agressif. Il a, semble-t-il, eu beaucoup de succès à sa publication mais aujourd'hui il semble plutôt fade à côté des autres romans du cycle. N'empêche, il a son charme aussi, je trouve.
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