Rouge est le dernier tableau de Nicolas de Staël, celui qu’il n’a pas terminé quand il s’est défenestré à Antibes où était son atelier, le 16 mars 1955.
Ce tableau, c’est «Le Concert». Onze jours avant son suicide, le peintre avait été bouleversé par la musique d’Anton Webern, au théâtre Marigny, à Paris. Il n’avait alors eu de cesse de tenter de reproduire sur sa très grande toile l’émotion artistique qui l’avait envahi.
C’est à partir de ces faits réels que le roman de Denis Labayle est organisé.
Il imagine que huit ans après son débarquement en Normandie, un jeune journaliste américain retourne en France avec l’espoir d’y retrouver une femme qu’il a aimée pendant la guerre. En réalité il est envoyé par son journal auprès du peintre devenu célèbre pour connaître l’influence des femmes sur son œuvre.
Les deux hommes se rencontrent au concert, sympathisent et vont vivre ensemble dans l’atelier du peintre les dix derniers jours de sa vie. Ils ne se comprennent pas, ne s’aiment pas vraiment et ne sont ensemble que par intérêt, nécessité et curiosité pour l’un et par peur de la solitude pour l’autre.
L’Américain retrouve la femme qu’il aime et qui quittera tout pour lui. Entre temps il vole un tableau du peintre qui, lui, à l’inverse, perd à la fois son inspiration, croit-il, et plus sûrement encore sa maîtresse dont il est fou, celle du «Grand nu bleu», le modèle pour qui il a abandonné femme et enfants. Il est dans une solitude totale, avec ses seuls tableaux, ses souvenirs d’enfance traumatisants et son insatisfaction chronique quant à son talent. Son dernier geste demeure une énorme interrogation face à une œuvre inachevée. Il avait 41ans.
J’ai aimé tout ce qui évoque la réalité du peintre, les allusions à sa vie, à ses tableaux, à ses amours, bref, j’aspire à une biographie. L’enrobage du roman m’a beaucoup moins convaincue.
"L'artiste doit répudier la toile terminée le plus tôt possible, afin qu'elle ne serve pas de modèle à la suivante. Ma peinture se situe comme ma vie, dans un espace étroit entre l'ordre et le chaos. Je fuis le stable, le simple, toujours trompeur. Il y a quelque chose de mort dans le parfait défini. L'art doit être recherche, aventure, instabilité. Une toile réussie est une toile sui bouscule l'esprit jusqu'au vertige. Sans vertige, pas de génie. Comment pourrais-je atteindre le hasard en m'entourant de certitudes? Chez moi, tout est déchirure. J'aime le chaos ordonné."
"Plus la toile est grande, plus le regard la transperce. Et moi, je n'ai de réels élans qu'en grand format." (lettre à Jacques Dubourg, 26 novembre 1954)
Les couleurs
"Velasquez utilisait vingt-sept noirs différents... Et moi, des gris, j'en ai dénombré près de cent.
Le bleu, c'est une aspiration vers l'inconnu. J'ai toujours aimé cette apparition de l'infini sur terre. Quand tu fixes un ciel bleu, tu vois la réalité abstraite en mouvement. Mais pour cette nouvelle toile, je cherche autre chose. Le rouge me fascine autant qu'il m'inquiète. Je l'ai longtemps tenu à l'écart ou utilisé par touches, avec parcimonie. Mais depuis quelque temps, cette couleur m'envahit. Pour Le Concert, le rouge s'impose comme une évidence. J'ai rendez-vous avec lui et je crois que je vais m'y rendre."
"Je dois peindre les notes d'une nouvelle symphonie et je ne suis pas sûr de cet effet figuratif. Plus l'orchestre prend forme, plus j'hésite. Ces instruments m'emprisonnent. Je dois les dépasser, mais jusqu'où aller pour les rendre à la fois visibles et parfaitement audibles.... Je marche comme un funambule sur le fil des émotions."
Mon précédent billet sur Nicolas de Staël
Tableaux: "Le grand nu bleu", "Le Concert"
merci j'adore cepeintre je l'ai copié pour lire dans mes transports
RépondreSupprimerje te ferai un petit billet plus tard belle journée à toi lectrice merveilleuse
Connaissez-vous la touchante correspondance publiée aux éd. des Busclats, de Nicolas de Staël et René Char?
RépondreSupprimerMerci Mango de ce billet
RépondreSupprimerje l'ai aussi, il faudrait que je trouve le temps de le lire !
RépondreSupprimerUn très joli billet sur un peintre que j'aime beaucoup.
RépondreSupprimerJ'ai aimé lire sa bio. Le livre que tu présentes pourrait être très complémentaire.
Je préfère m'en tenir à sa biographie.
RépondreSupprimerje vais acheter ce live: j'aime ce peintre
RépondreSupprimerCe roman me rappelle celui d'Emile Zola: "L'oeuvre" que j'ai lu il y'a quelques années et dont l'histoire m'a beaucoup émue (j'ai lu deux fois le roman). Le peintre Claude Lantier, principal personnage qui finit par se suicider, car gagné par le desespoir, de n'avoir pas pu achever son tableau auquel il tenait tant( sa grande oeuvre), comme il le voulait.
RépondreSupprimerOui pour de Staël mais ce que tu dis du roman n'est pas très encourageant...
RépondreSupprimermerci de ton billet et je viens de cliquer sur ton premier sur lui
RépondreSupprimermerci
beaucoup tu nous le réscucites
ce peintre me manque chaque jour
je t'embrasse
merci encore
Je ne suis pas particulièrement sensible à cette peinture mais justement, peut-être que c'est l'occasion de découvrir mieux un peintre et l'apprécier... En tout cas, un sujet qui m'intéresse et que je note notamment aprce que l'extrait sur les couleurs m'a plu.
RépondreSupprimerPas vraiment mon genre de romans, je préfère passe. Bon week-end Mango !
RépondreSupprimerFrankie Pain, Ce peintre est un de mes préférés. Il avait tant à donner encore mais l'angoisse chez lui a été la plus forte. Un artiste vit rarement paisiblement!
RépondreSupprimerLéon, Je connais son existence mais je ne l'ai pas lu. J'aimerais bien d'ailleurs. Je vais y songer.
RépondreSupprimerAlba, j'étais sûre que tu aimais aussi ce peintre.
RépondreSupprimerLes Livres de George, Je l'ai lu relativement vite. Je ralentissais dans les chapitres consacrés uniquement au peintre.
RépondreSupprimerdimitri, Je dois absolument lire sa correspondance maintenant et sa biographie complète.
RépondreSupprimerAifelle, tu as raison et à sa correspondance aussi peut-être dont on vante les qualités littéraires.
RépondreSupprimerchristine, tout comme moi alors, je l'adore!
RépondreSupprimerbizak, oui, ""L'œuvre" est un des plus beaux romans de Zola . Il me semble me rappeler qu'il s'est beaucoup inspiré de son ami Cézanne pour peindre Claude Lantier, son peintre. N'est-ce pas ce qui a créé un moment leur rupture?
RépondreSupprimerVoyelle et Consonne, très juste mais je suis la seule. Les autres lecteurs-blogueurs ont aimé l'ensemble du roman.
RépondreSupprimermaggie, Sans parler de sa peinture elle-même, la vie de cet homme et sa personnalité, ses lettres, ses amitiés, ses questionnements, tout chez lui est très attachant.
RépondreSupprimerManu, bon week end à toi aussi!
RépondreSupprimerJ'ai aimé aussi ce livre, y compris l'enrobage, car j'ai trouvé que cela rendait plus vivant la biographie.
RépondreSupprimerj'ai dans ma bibli la correspondance (une petite partie) de Nicolas de Staël et j'ai eu la chance d'admirer ses oeuvre à Martigny il y a quelques années
RépondreSupprimerce livre est tout droit allé rejoindre ma liste d'achats potentiels merci à toi
Voilà un livre dans mes cordes!
RépondreSupprimerJe note!