Non moins de neuf biographies écrites en français sont consacrées à Marie de Flavigny, comtesse d’Agoult (1805/1876), longtemps la compagne de Franz Liszt pour lequel elle a tout abandonné, même sa fille aînée. Il deviendra le père de ses trois autres enfants mais la délaissera à son tour. L’une de leurs filles, Cosima, épousera Richard Wagner.
Quant à elle, devenue célèbre pendant près de quarante ans grâce à son salon parisien où défile le tout-Paris de la littérature, des arts, de la musique et de la politique, elle est la muse de très nombreux peintres et sculpteurs attirés par sa beauté et c’est d’elle que s’inspire Balzac pour sa Beatrix.
Un moment amie de George Sand avec laquelle elle entretient toute sa vie une correspondance mi-figue, mi-raisin, elle décourage souvent les élans d’amitié ou de passion en raison d’une certaine froideur et d’une sensibilité maladive qui la pousse à de graves accès de dépression.
Elle avoue dans un portrait d'elle qu'elle a tracé à la troisième personne:" Le plus impérieux besoin de son cœur, c'est l'enthousiasme et l'admiration. Elle se crée des idéalités qui tombent en poussière au premier contact de l'intimité."
La plupart de ses biographes mettent l’accent sur sa liaison célèbre avec Franz Liszt, cette passion dévorante, symbole même du romantisme de l’époque, d’où ces titres : «une destinée romantique», «Le visage secret d'une comtesse romantique», «La passion de Marie d'Agoult», «une sublime amoureuse», Charles Dupêchez, lui, se contente d’un titre plus sobre et élargit son étude à l’évocation du milieu culturel et politique dans lequel elle a vécu.
Ce ne fut pas qu’une grande amoureuse, elle fut aussi une fille souvent en désaccord avec sa mère, une mère elle-même assez peu proche de ses filles qu’elle tenait souvent éloignées d’elle. Ce fut aussi une fervente militante des idées républicaines qu’elle défend sous le nom de Daniel Stern dans de nombreuses publications, articles et ouvrages dont une «Histoire de la révolution de 1848» et des mémoires toujours très précieux pour les historiens d’aujourd’hui.
J’ai beaucoup appris sur cette femme d’exception aux idées féministes avant l’heure ainsi que sur son milieu artistique mais je n’ai pas réussi à m’y attacher, encore moins à l’aimer. Telle qu’elle est présentée ici, c’était une femme avec de grandes qualités intellectuelles et de grandes aspirations aussi bien politiques qu’artistiques mais, grande amoureuse sûrement, elle ne me semble cependant pas avoir été très chaleureuse.
En comprenant qu’elle n’aurait aucun repos avant que d’être mariée, elle annonce à sa mère qu’elle acceptera docilement le parti que les siens lui proposeront. Cette faculté de démission, qui est une forme de suicide en des occasions aussi graves, est un trait fondamental de son caractère.
Alfred de Vigny vient lire, le 20 avril 1829 l’une de ses nouvelles œuvres, La Frégate la Sérieuse. «Je l’en avais prié vivement, indiscrètement. J’en eus bien de la mortification. La lecture à laquelle j’avais convié toute la fleur aristocratique… ne fut point du tout goûtée…»
Qu’elle était belle, ma frégate,
Lorsqu’elle voguait dans le vent.
Ces premiers vers en effet, laissent douloureusement présager de la suite. Un silence consterné accueille la fin du poème :
- Ma frégate a fait naufrage dans votre salon, dit, en se retirant, Alfred de Vigny.
- Ce monsieur est-il un amateur ? demande à ses hôtes l’Ambassadeur d’Autriche.
"Marie d’Agoult" de Charles Dupêchez (Perrin, 2010, 407 p)
Mango, vos derniers billets sont magnifiques, je les découvre maintenant!
RépondreSupprimercette intéressante biographie restitue l' esprit d' une époque où l' art n' avait aucun but lucratif mais provenait d' une necessité intime...
Cela me donne envie de retourner au musée de la vie romantique!
Ce doit être un livre passionnant d'une femme complexe.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce style de livre.
Je le note.
orfeenix, C'est une époque qui m' a toujours séduite, un peu bavarde peut-être! Romans, poèmes, correspondances, biographies, journaux intimes, on s'y épanchait si facilement mais curieusement, c'est aussi ce qui me plaît!
RépondreSupprimerdimitri, Ce qui est intéressant c'est qu'on la voit dans les différents sociétés qu'elle fréquente. Il est aussi question de ses contemporains.
RépondreSupprimerUne découverte que ce personnage pour moi à travers ce post si riche. On sent la pointe de cruauté de certains salons.
RépondreSupprimerQue ta journée soit belle.
J'aime bien Ces figures représentatives des salons des l'époque et de sa génération romantique ! En plus, le genre autobiographique n'est pas pour me déplaire : un livre que je note ! Même si ton billet est très complet, j'ai envie d'en savoir plus !
RépondreSupprimerNeuf biographies, c'est déjà pas mal, je vais peut-être aller voir les autres, histoire de comparer. Une personne intéressante en tout cas.
RépondreSupprimerötli, On ne devait pas être tendre dans ces salons, en effet!
RépondreSupprimermaggie, C'est une biographie très dense,pleine de nombreux détails sur la vie de cette époque!
RépondreSupprimeraifelle, Pour une fois, on s'intéresse ici plus à la femme elle-même qu'à la seule compagne de Liszt!
RépondreSupprimerj'attendais ton billet car cette femme est tout à fait intrigante, je suis surprise par ce que tu dis, je la voyais beaucoup plus enflammée et passionnée, plus expansive. Comme quoi on peut se faire des idées fausses
RépondreSupprimerje vais essayer de le trouver en bibliothèque
Dominique, moi aussi, je me faisais une idée toute différente de cette femme mais, selon l'auteur, elle passait d'un extrême à l'autre et avait de grandes périodes de dépression. Muse, égérie, talentueuse, elle avait sûrement fière allure mais manquait singulièrement de générosité!
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