vendredi 15 mars 2013

Louise, Raymond Carver, poème

Dans la caravane voisine de celle-ci
Une femme  houspille une fillette nommée Louise.
Petite bécasse, je t’avais pourtant dit de laisser cette porte fermée!
C’est l’hiver, bon Dieu!
C’est toi qui vas payer ma note d’électricité?
Pour l’amour du ciel, essuie-toi les pieds!
Louise, qu’est-ce que je vais faire de toi?
Oh, qu’est-ce que je vais faire de toi, Louise?
Psalmodie la femme du matin au soir.
Aujourd’hui la femme et l’enfant sont sorties
Pour étendre du linge.
Dis bonjour au monsieur, dit la femme
A Louise. Louise !
C’est Louise, dit la femme
En donnant une bourrade à Louise.
Elle a perdu sa langue, dit la femme.
Mais Louise a des pinces à linge dans la bouche,
Des vêtements mouillés dans les bras. Elle abaisse
la corde à linge, la retient du menton,
y accroche une chemise
et lâche tout –
la chemise se gonfle, claque
dans le vent. Elle baisse la tête
et fait un saut en arrière – esquivant
de justesse cette forme presque humaine.

Raymond Carver, traduit de l’américain par François Lasquin (l’Olivier, poème, p.159/160)
Gustave Caillebotte, Linge séchant au bord de la Seine au Petit Gennevilliers, 1888, Walraff Richartz Museum Cologne (trouvé ICI, chez Grillon)

11 commentaires:

  1. Un vendredi tout en beauté... dans ce monde si difficile... Merci.

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    1. C'est quand tout est difficile que la poésie est le plus nécessaire.

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  2. C'est la saint Louise aujourd'hui. Il est beau ce poème et quel magnifique tableau de Caillebotte ! Ce peintre m'enchante.

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    1. Quelle coïncidence! C'est grâce à toi seulement que je découvre que c'est justement aujourd'hui la fête de Louise de Marillac dont je découvre la vie très intéressante! Merci!

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  3. La poésie américaine (traduite je veux dire) n'a pas la même résonance même si l'image est très parlante ! Et tu me rappelles que j'ai oublié une Louise hier !!!

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    1. Les traductions surtout de poésie, n'ont rien d'idéal, c'est certain, mais elles ont l'avantage d'exister pour qui ne connaît pas assez bien la langue. Et même quand tu la connais bien, si ce n'est pas ta langue maternelle, tu perds quand même un tas d'émotions, de parcelles de je ne sais quoi,de sons, de rythmes, de références à des petits riens qui viennent de l'enfance et que tu ne ressens pas et qui t'échappent dans ta deuxième langue. Je le ressens avec l'Italien, langue dans laquelle je rêve cependant! C'est curieux!

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  4. Encore un très joli texte de Carver, tu me donnes de plus en plus envie de le lire :0)

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    1. Il mérite d'être découvert. Je ne le connais que depuis peu et je suis heureuse de le lire maintenant.

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  5. J'aime beaucoup ces instants poétiques sur ton blog.

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  6. Pauvre Louise! Ce n'était pas sa fête ce jour-là ????
    J'aime le choix du tableau de Caillebotte!
    A bientôt et vive la poésie !

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